Débat européennes 2024 : le RN pouvait-il faire pire choix avec Thierry Mariani ?

Thierry Mariani lors d’un meeting du Rassemblement national en février 2022.
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP Thierry Mariani lors d’un meeting du Rassemblement national en février 2022.

POLITIQUE - L’hypothèse a fait tiquer plus d’un observateur. Pour remplacer Jordan Bardella au premier débat télévisé des élections européennes organisé ce jeudi 14 mars par Public Sénat, le Rassemblement national a (sérieusement) choisi Thierry Mariani. Qui plus est dans le contexte où la guerre en Ukraine revient en une de l’actualité, et que le sujet est utilisé par la Macronie pour cibler le RN. Car en l’espèce, on peut difficilement faire plus pro-russe que l’ancien ministre des Transports dans l’échiquier politique.

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S’il s’en défend l’eurodéputé se définit « pro-France » auprès du HuffPost — ses faits d’armes parlent pour lui. Soutien de l’annexion illégale de la Crimée (au point de s’afficher sur place avec les soldats russes en 2016), adepte de la diplomatie parallèle offrant à la communication du Kremlin des élus ceints de leur écharpe tricolore pour décorer les photos de propagande, l’ex-député LR, russophone, aime les voyages à Moscou. Comme cette fois où, à l’été 2016, il était allé expliquer à Sergueï Narychkine, alors président du Parlement russe (et aujourd’hui président des Service des renseignements extérieurs de la fédération de Russie), qu’il trouvait injustes les sanctions infligées à la Russie.

Dans le viseur de la DGSI

Au-delà de ces nombreux voyages (qui l’ont aussi conduit du côté de la Syrie de Bachar al-Assad, allié de Moscou), Thierry Mariani a longtemps relayé la propagande poutinienne via l’association « Dialogue franco-russe », dont il est coprésident. Une structure qui a attiré l’attention de la justice, qui a ouvert deux enquêtes préliminaires confiées à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). L’homme n’a jamais caché une certaine admiration pour Vladimir Poutine, ce « chef d’État avec un E majuscule. Le symbole d’un État qui ne recule pas devant trois zadistes et deux crasseux ». Jamais loin des relais d’influence du Kremlin, Thierry Mariani était membre du comité d’éthique de la chaîne russe RT France, suspendue dans l’hexagone après l’invasion de l’Ukraine.

Un profil (dans le viseur de la DGSI) qui avait même conduit Marine Le Pen à le tenir à distance durant la campagne pour la présidentielle de 2022, alors que son nom était souvent cité parmi les candidats au quai d’Orsay en cas de victoire de la présidente du RN. « Normalement en campagne, et Thierry Mariani qui est un ancien ministre le sait bien, on n’évoque pas les sujets internationaux car ça relève du Président », déclare-t-elle sur BFMTV, alors que l’intéressé, porte-parole de Marine Le Pen, avait qualifié le bombardement du théâtre de Marioupol (qui a fait près de 600 morts civils, dont des enfants) « d’opération d’intoxication de l’Ukraine ». Tout le monde comprend le message : le soldat Mariani est sacrifié en direct.

Un choix « hyperdangereux »

Alors pourquoi, deux ans plus tard, c’est ce même Thierry Mariani qui est choisi pour représenter Jordan Bardella ? « Ils doivent faire le ratio entre “Mariani parle à la droite” et l’Ukraine, et ce n’est pas l’Ukraine qui gagne. Mais je trouve ça hyperdangereux, voire inconsidéré. Car même s’il connaît bien les dossiers, il prête le flanc à leurs adversaires », décrypte auprès du HuffPost un familier du RN passé chez Reconquête !. De l’autre côté du spectre politique, un cadre du PS voit dans ce choix un déficit de personnels au sein du parti lepéniste.

« Il n’y a pas plus de “banc de touche” au RN que chez Renaissance. Mariani est le seul eurodéputé RN que l’on peut un peu identifier. Grâce à leur temps de parole dans les médias ils arrivent à faire exister trois-quatre nouveaux députés pour commenter l’actualité, mais ça reste un parti qui repose uniquement sur deux personnalités », décrypte un communicant socialiste.

Le même estime que c’est aussi une façon pour le RN de ne pas se couper complètement de son tropisme pro-russe, en dépit de son abstention sur l’accord de sécurité avec l’Ukraine : « Le choix de le laisser sur la liste et de l’envoyer sur les plateaux n’est pas neutre. Ils savent ce qu’ils font ». Quoi qu’il en soit, Thierry Mariani aura ce jeudi face à lui plusieurs fervents défenseurs du soutien militaire à Kiev, de la macroniste Valérie Hayer au socialiste Raphaël Glucksmann en passant par l’écologiste Marie Toussaint. Nul doute que le sujet, qui plus est au regard de l’actualité, finira par arriver sur la table. Charge à lui de faire face à ces tirs croisés.

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