Déficit public : Les agences de notation aident-elles vraiment la majorité avant le débat sur le budget ?

Bruno Le Maire le 24 avril 2024, lors d’une conférence de presse à l’Elysée.
LUDOVIC MARIN / AFP Bruno Le Maire le 24 avril 2024, lors d’une conférence de presse à l’Elysée.

POLITIQUE - Niveau stable. La France a évité une dégradation de sa note par les agences de notation Moody’s et Fitch en dépit d’un dérapage notable des finances publiques en 2023. De quoi donner (un peu) d’air à Bercy avant le débat sur le budget prévu à l’Assemblée nationale ce lundi 29 avril et la note de Standard & Poor’s attendue le 31 mai.

Avec le bulletin de salaire simplifié, la CGT s’inquiète de possibles « tours de passe-passe »

Après un quasi-record de 49.3 pour faire adopter le budget au Parlement, les oppositions ne décolèrent pas et la menace d’une motion de censure a fait son retour au Palais Bourbon, agitée à gauche comme à droite. Au printemps dernier, sur fond de réforme des retraites, Élisabeth Borne n’avait dû sa survie qu’à neuf petites voix . Le risque de voir le gouvernement Attal tomber n’est donc pas nul, selon le poids que Les Républicains mettront dans la balance.

C’est donc dans ce contexte que Bruno Le Maire présente aux députés le Programme de Stabilité (« PSTAB ») avec sa prévision de retour du déficit public sous 3% en 2027. Un horizon pour lequel les deux agences de notation émettent de sérieux doutes pour ne pas dire critiques.

De l’eau au moulin du gouvernement...

En déplacement dans la Manche samedi 27 avril, le Premier ministre Gabriel Attal a vanté les mesures déjà prises pour rétablir les finances publiques. À commencer par les coupes de 10 milliards d’euros annoncées en février afin de limiter des dégâts qui s’annonçaient importants. « Évidemment ça ne fait jamais plaisir, c’est un effort qui est demandé aux ministères et ils ont été au rendez-vous », a-t-il déclaré.

Et de prévenir : « Ce sérieux et cette concentration vont se poursuivre dans les mois qui viennent. » Comprendre : la méthode marche, les notes de Fitch et Moody’s le prouvent et il n’y a donc aucune raison de changer de stratégie, même si elle est impopulaire.

Sus donc aux 10 milliards d’euros supplémentaires pour rester dans les clous du déficit 2024, prévu à 5,1 % du PIB par Bercy ; une estimation validée par Fitch. Ces milliards pourraient partiellement se trouver dans « des mises en réserve assez significatives » des ministères mais des efforts seront également demandés aux collectivités locales, « comme aux autres acteurs et aux autres collectivités publiques », a prévenu le ministère.

La réforme de l’assurance chômage dans les tuyaux est aussi censée remettre du beurre dans les épinards. S’il n’a pas abordé directement le sujet, Gabriel Attal interrogé sur l’état des finances a souligné le taux d’emploi « le plus haut depuis qu’il est mesuré ». « Ce n’est pas le fruit d’une forme de magie, c’est parce qu’il y a eu une action de ce gouvernement sous l’autorité du président de la République pour créer les conditions d’une activité économique qui se déploie », fait valoir le chef du gouvernement.

... et des oppositions

Pour autant, l’heure n’est (vraiment) pas à ouvrir le champagne et la sobriété des réactions ministérielles en témoigne. Ni Gabriel Attal, ni Bruno Le Maire, ni le ministre délégué aux Comptes Publics Thomas Cazenave ne se sont montrés franchement réjouis par les bulletins des agences américaines. Bruno Le Maire s’est par exemple contenté d’en « prendre note ».

Et pour cause : ni Fitch ni Moody's ne croient à l’objectif de passer sous les 3 % de déficit à l’horizon 2027. « Selon notre analyse, il sera difficile d’atteindre cet objectif dans la mesure où les solutions pour y parvenir restent largement indéterminées. (...) Nous nous attendons à ce que la France soit placée sous procédure européenne de déficit excessif plus tard cette année », écrit même noir sur blanc Fitch.

Voilà qui vient nourrir une partie du discours des oppositions, vent debout contre la politique budgétaire d’Emmanuel Macron - la droite le juge trop dépensier, la gauche l’accuse de ne taxer que les plus modestes. « Leur objectif est mauvais et je pense que s’il est mauvais et déjoué par la réalité, il serait peut-être urgent de penser que c’est la politique du gouvernement qui est en échec », assénait ainsi sur franceinfo le 17 avril le président LFI de la commission des Finances Éric Coquerel.

Or, c’est au nom de ce même objectif qu’Emmanuel Macron justifie des mesures aussi impopulaires que la réforme des retraites. Sans oublier que passer sous les 3 % de déficit public - un exploit accompli seulement quatre fois au cours des 20 dernières années - serait un trophée important à accrocher à son bilan d’ici 2027. Mais le manque de confiance des agences américaines ne nourrit pas le récit présidentiel.

En parallèle, les députés qui attendent Bruno Le Maire de pied ferme n’accordent que peu d’importance à l’avis des agences. Au ministre délégué Thomas Cazenave qui partageait les notes Moody’s et Fitch, la députée LR Véronique Louwagie, vice-présidente de la commission des Finances, préfère rappeler les conclusions du Haut Conseil des finances publiques sur le programme de Stabilité : « manque de crédibilité », « prévisions peu cohérentes » avec « une faille dans le raisonnement ». D’un côté comme de l’autre, les arguments sont tout trouvés.

À voir également sur Le HuffPost :

Apprentissage : La fin de l’aide à l’embauche des alternants ? Ce projet de décret inquiète

La réforme de l’allocation-chômage met la Macronie sens dessus dessous