Cyclisme sur piste: comment interpréter le bilan des Bleus à Apeldoorn à sept mois des Jeux olympiques de Paris

Ils ont plutôt marqué des points

La vitesse par équipe masculine aura ouvert le bal de fort belle manière cette semaine à Apeldoorn, en prenant l’argent derrière la Dream-Team des Pays-Bas. L’équipe de France confirme ainsi ses belles dispositions en la matière et espère même encore progresser en vue de Paris pour essayer de titiller les ogres néerlandais. La performance collective de Florian Grengbo, Sébastien Vigier et de Ryan Helal est en amélioration, les bleus réduisant de une seconde à sept dixièmes l’écart qui les sépare des bataves par rapport aux championnats du monde de Glasgow l’été dernier.

"On peut battre les Pays-Bas aux JO affirmait ainsi Ryan Helal après le tournoi. Ils ont deux bras et deux jambes comme tout le monde." De son côté, Sébastien Vigier en était persuadé: "On peut être les meilleurs du monde." Seule ombre au tableau, le poste de démarreur occupé par Florian Grengbo n’a pas satisfait le staff et notamment Florian Rousseau le directeur de la très haute performance à la FFC. "J’attends plus de lui dans son investissement au quotidien, ses performances sont moyennes. Il a les capacités et les moyens pour faire beaucoup mieux. Il faut être plus rigoureux et déterminé dans l’entraînement et accepter d’avoir mal aux jambes de temps en temps."

A glisser également au rang des satisfactions, le premier titre international de Clara Copponi sur la course scratch. Certes, l’épreuve n’est pas olympique, mais la Provençale de tout juste 25 ans n’a pas toujours été payée dans sa carrière et a fait parler son talent pour enfin décrocher l’or. En larmes après ce titre européen, Clara Copponi reconnaissait sans en dire plus sortir de "la pire période" de sa jeune existence en 2023.

Cette couronne continentale doit permettre à la sprinteuse de l’équipe Lidl-Trek, pleinement rétablie désormais, de prendre de la confiance, notamment en vue de l’épreuve de la Madison aux Jeux olympiques sur laquelle elle devrait être alignée et être une vraie prétendante à la médaille.

"Physiquement, elle est forte, mais elle avait du mal à toujours faire les bons choix, là ça a été parfait, confiait son entraîneur Samuel Monnerais à l’issue de la course. Ça valide un gros travail technique notamment à la vidéo. C’est une valeur sûre et si sa préparation se passe bien, c’est sûr qu’on va compter sur elle aux Jeux."

De manière plus générale c’est toute l’endurance féminine française qui a montré les crocs et confirmé encore une fois ses excellentes dispositions à sept mois des Jeux olympiques. C’est le résultat d’un énorme travail de fond effectué depuis 2014 et dont le pinacle était plutôt attendu sur l'olympiade 2024-2028. Un travail de détection et d’émulation d’un groupe de très grande qualité regroupé et formé au sein d’un pôle d’excellence mixte basé à Bourges.

En point d’orgue, le titre continental de Marion Borras et Valentine Fortin sur l’omnium, discipline olympique, en toute fin de compétition, à l'issue d’un duel épique avec la Belgique de la cannibale Lotte Kopecky. Loin d’être anecdotique, cette médaille d’or place la France comme l’une des grandes prétendantes au titre l’été prochain sur le bois de Saint-Quentin-en-Yvelines. Reste pour l’encadrement à se gratter la tête afin de former la paire idéale lors des Jeux olympiques. Clara Copponi, forte de ses trois médailles d’argent mondiales dans la discipline, semble tenir la corde.

Avec elle, Marion Borras, Valentine Fortin, Marie Le Net et Victoire Berteau devraient se disputer le second ticket. "On a des problèmes de riches reconnaissait Steven Henry quelques minutes après la course. Quelle que soit la paire ça fonctionne plutôt pas mal. Après il va falloir réfléchir à la meilleure association. On va mettre tout ça dans le saladier, mélanger et puis regarder ce que ça donne. Mais voilà, on a quand même des petites idées qui se dessinent."

Elles posent question à sept mois des Jeux

Qu’il semble loin le titre mondial de Mathilde Gros sur la vitesse individuelle en 2022, à Saint-Quentin-en-Yvelines. Décevante l’été dernier aux Mondiaux de Glasgow, la pépite française du sprint est encore passée un peu à côté de son tournoi dans les moments clés, à Apeldoorn. Facilement qualifiée pour le dernier carré, elle a ensuite échoué à deux reprises en demie et en petite finale face aux Allemandes Friedrich et Hinze, qui seront deux de ses plus grandes adversaires à Paris, l’été prochain.

Rapide et physiquement au point, il semblerait que Mathilde Gros pêche mentalement et stratégiquement. Supérieure sportivement mais en difficulté pour mener la danse lors de ses deux derniers matchs, elle échoue au pied du podium en individuel et devra travailler dans les prochains mois cet aspect mental qui lui fait clairement défaut. Elle pourra pour cela notamment compter sur deux anciennes gloires du sprint français, deux sages mis à disposition des athlètes par Florian Rousseau afin de rassurer les athlètes en vue de l’échéance olympique, Gérard Quintyn, emblématique entraîneur du triple champion olympique, et Félicia Ballanger, décuple championne du monde et triple championne olympique de 1995 à 2000.

"Gérard a toujours la flamme, c’est un passionné, il sait accompagner et rassurer les athlètes", observe Florian Rousseau. "Quant à Félicia Ballanger, elle échangeait déjà avec Mathilde pour témoigner et partager des moments de doutes et de faiblesse. C’est une ressource importante pour Mathilde."

Portée à bout de bras par Mathilde Gros, l’équipe de France de vitesse féminine est pour sa part au bord du gouffre, défaite par la Pologne dès le premier tour lors de ces championnats d’Europe, et condamnée à l’exploit désormais lors des trois manches de coupe du monde de l’hiver et du printemps si elle espère voir les Jeux olympiques.

Moins en verve qu’en 2022, la jeune Marie-Divine Kouamé n’a pas réussi à élever le niveau en dépit d’une médaille d’argent individuelle sur le 500 mètres et d’une finale sur le keirin. Mais le point noir reste le poste de relayeuse occupée par Julie Michaux qui rend entre 0'8 et 1’2 à ses homologues des quatre meilleures nations européennes.

Un gouffre qui risque bien d’être fatal à la France en vue de la qualification olympique et dont la cause pourrait bien trouver ses origines dans un manque de profondeur du réservoir tricolore en la matière. "La concurrence c’est vertueux observe Florian Rousseau, et il en manque. Il faut refaire un travail de fond sur la détection."

L'équation à une inconnue et trois courses olympiques

C’est traditionnellement LA valeur sûre de l’équipe de France de cyclisme sur piste, et un pourvoyeur de médailles très attendu lors des Jeux olympiques de Paris. Mais son ombre a clairement plané sur les championnats d’Europe cette semaine à Apeldoorn. Benjamin Thomas a été invisible ou presque. Epouvantail des épreuves d’endurance, multiple champion du monde d’Omnium et de Madison (épreuves olympiques), il n’a pas été aligné mercredi avec l’équipe de France de poursuite (épreuve olympique), provoquant un certain étonnement chez les suiveurs, sa présence étant presque requise dans l’espoir pour les Bleus de hausser leur niveau et d’espérer aller chercher une médaille de bronze à Paris derrière les intouchables italiens et britanniques.

Idem sur la Madison mercredi, dont il est pourtant champion du monde en titre et médaillé de bronze aux JO de Tokyo. Enfin aligné sur l’Omnium samedi, il a abandonné après s’être raté sur le Scratch, première des quatre courses de la discipline dont il est double champion du monde. "Il n’est pas malade, mais il est en méforme", confiait Florian Rousseau après cet abandon. Une méforme qui pourrait trouver sa source dans des raisons personnelles, Benjamin Thomas s’étant cassé deux vertèbres à la suite d’une chute mi-octobre avant d’être opéré des amygdales pendant les fêtes.

Peu inquiet toutefois, le Tarnais devrait reprendre la saison sur route dans les rangs de la formation Cofidis au Challenge de Majorque fin janvier avant de disputer le Tour des Emirats puis Tirreno-Adriatico et Milan San Remo en mars, puis de viser les contre la montre sur le Tour d’Italie en mai.

La suite sera consacrée à la préparation olympique pour les épreuves sur piste. "On savait que Benjamin n’était pas forcément prêt pour le début d'année", tempérait Steven Henry, le coach de l’endurance française à l’issue de la compétition, confiant également au passage que Benjamin Thomas avait été atteint par une gastro-entérite ces derniers jours. "Ça l’a mis à plat, il a eu des maux de ventre on n’a juste pas insisté, mais il n’y a aucune inquiétude à son sujet."

Article original publié sur RMC Sport