Crise à la PJ : report des opérations policières dans une dizaine de villes pour protester contre la réforme

Crise à la PJ : report des opérations policières dans une dizaine de villes pour protester contre la réforme

La réforme de la police judiciaire prévoit de placer tous les services de police à l'échelle du département sous l'autorité d'un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

La contestation autour de la réforme de la police judiciaire continue. En signe de protestation, des enquêteurs des directions territoriales de la police judiciaire d'au moins 14 villes annulent cette semaine leurs opérations programmées, en accord avec les magistrats, a appris BFMTV de source policière, confirmant une information de RTL.

Il ne s'agit pas d'une initiative de l'Association nationale de police judiciaire, pourtant créée pour contester cette réforme, mais de mouvements spontanés. Les urgences et le service d'astreinte resteront assurés dans les villes concernées, à savoir: Marseille, Toulon, Montpellier, Bordeaux, Limoges, Angers, Toulouse, Rennes, Caen, Nantes, Brest, Avignon, Nîmes et Perpignan.

La contestation autour de la réforme de la PJ est montée d'un cran la semaine dernière. Jeudi, le Directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux, venu à Marseille présenter sa réforme, a dû traverser une "haie du déshonneur" formée par quelque 200 enquêteurs opposés au projet.

Le lendemain, Éric Arella, patron respecté de la PJ du sud de la France, était limogé, suscitant l'indignation chez les policiers et dans le monde judiciaire. En signe de protestation, des centaines d'enquêteurs se sont rassemblés devant leurs services vendredi après-midi. Ces rassemblements ont eu lieu dans plus de 40 villes.

Un mouvement "reconductible"

"La soudaineté et la violence du débarquement d'Éric Arella a provoqué chez tous les collègues un profond désarroi, un impact psychologique important, et ils ne sont pas trop enclins à entrer dans des opérations qui nécessitent concentration et disponibilité", a expliqué à l'AFP un cadre de la police judiciaire de la zone sud, vaste région couvrant 21 départements de Perpignan à Nice en passant par Marseille et la Corse.

En conséquence, "un certain nombre d'opérations ont été annulées ou reportées", mais les enquêtes se poursuivent ainsi que les permanences et le suivi des 'flags' (NDLR: enquêtes de flagrance)", a-t-il ajouté:

"On a conscience que nos actions doivent se faire dans le cadre de notre devoir de réserve. Mais on pense aussi qu'on a le droit et le devoir, en tant que citoyens, de faire connaître notre opinion".

Le mouvement, "reconductible", devrait durer "toute la semaine", selon un enquêteur membre de l'ANPJ.

Crainte d'un nivellement par le bas

Le ministre de l'Intérieur s'est adressé lundi matin à l'ensemble des fonctionnaires de la PJ, dans un courrier dont l'AFP a eu connaissance. Il assure que la réforme ne sera pas finalisée "avant le second semestre 2023". Jusqu'ici le ministre parlait d'une mise en place "courant 2023".

La réforme prévoit de placer tous les services de police à l'échelle du département - renseignement, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et police judiciaire (PJ) - sous l'autorité d'un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

Les opposants au projet dénoncent le risque d'un "nivellement vers le bas" de la PJ et un renforcement du poids du préfet dans les enquêtes. Ils déplorent également la réduction à l'échelle départementale de la zone d'intervention et de recherche.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a défendu dimanche dans une interview au Parisien la réforme, qu'il présente comme "courageuse, indispensable et difficile".

La réforme "bouscule des habitudes et il est normal qu'elle suscite des contestations" mais "certaines limites ne doivent pas être franchies", a ajouté le ministre en dénonçant les "images choquantes" de la manifestation des enquêteurs à Marseille. Sur le fond de la réforme, le ministre a assuré qu'"aucun policier de PJ ne fera autre chose que ce qu'il faisait aujourd'hui".

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - La colère de la police judiciaire française après le limogeage du patron de la PJ de Marseille