Crèches de Noël : ce qui est interdit

La crèche de Noël de Luceram, en décembre 2016 (Photo Yann COATSALIOU / AFP)
La crèche de Noël de Luceram, en décembre 2016 (Photo Yann COATSALIOU / AFP)

Chaque année, les crèches de la nativité dans les mairies et les lieux publics sont l'objet de polémiques sur fond de laïcité. Le point sur ce qui est autorisé ou non.

Les fêtes de Noël reviennent chaque année, et drainent avec elles leur lot de sujet polémiques. Parmi eux, depuis plusieurs années, la traditionnelle polémique sur la présence dans les lieux publics de crèches de la nativité. Cette année, la crèche de Noël installée à l'entrée de la mairie de Perpignan ne déroge pas à la règle, comme depuis deux ans.

Dans la ville administrée par Louis Aliot (RN), seize collectifs de gauche, des associations, des partis politiques et des syndicats ont co-signé un communiqué dans lequel ils demandent au préfet de faire retirer la crèche installée dans le patio de l’hôtel de ville.

La loi de 1905 au coeur des débats

"Louis Aliot qui se permet de brandir la 'laïcité' quand il s’agit de stigmatiser une partie de la population d’une autre origine et/ou d’une autre religion, a à nouveau installé dans le patio de l’hôtel de ville de Perpignan une très catholique 'crèche de Noël' à l’occasion des festivités de fin d’année", s'indignent notamment les collectifs dans un communiqué, qui se réfèrent à l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État pour demander le retrait de la crèche.

Selon cet article, "il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions".

La crèche de la Nativité, un symbole religieux

Car la crèche de Noël représente la scène de la Nativité, une mise en scène directement liée à la religion chrétienne donc puisqu'elle représentent la naissance de Jésus Christ telle que décrite dans les textes religieux. Difficilement compatible avec la laïcité, donc.

Avant Perpignan, les villes de Béziers et de Beaucaire ont été au centre de la polémique sur les crèches de Noël, et attaquées en justice. À Béziers, le maire Robert Ménard a maintenu sa crèche de la nativité, comme chaque année depuis 2014, malgré les recours en justice.

Robert Ménard condamné à retirer sa crèche de Noël

En 2017, la justice l'avait contraint à retirer sa crèche. L'élu s'était alors contenté de la déplacer dans un hôtel communal. L'année suivante, il avait toutefois insisté en évoquant un "acte de résistance". Le sous-préfet de l'Hérault, qui avait saisi le tribunal administratif, avait dénoncé "une volonté délibérée du maire de Béziers de ne pas respecter les principes de la laïcité de la République". L'an dernier, le sous-préfet n'a pas renouvelé sa demande de déménager la crèche, malgré l'appel d'un collectif.

À Beaucaire, le 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes, saisi par le préfet du Gard, avait ordonné en référé "la suspension de l'exécution de la décision non formalisée du maire de la commune de Beaucaire d'installer une crèche de la nativité dans l'enceinte de l'hôtel de ville du 3 décembre 2020 au 2 février 2021".

À Beaucaire, le maire retire les liens de la crèche avec la religion

Pour sa défense, le maire RN de Beaucaire mettait en avant que "la crèche en cause, certes installée dans l'hôtel de ville, présente un caractère culturel, artistique ou festif", et décidait de faire appel, rejeté la cour administrative d'appel de Marseille.

S'en suit une plainte devant le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative française, qui a estimé le 16 novembre dernier qu'aucun des arguments de la ville "n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi" et décide donc qu'il "n'est pas admis". Si la crèche est de retour à Beaucaire cette année, le maire a décidé de ne pas y installer les personnages de la nativité, évitant ainsi tout lien direct avec la religion.

La crèche traditionnelle, c'est non

Car c'est bien le contenu de la crèche qui est en question. En novembre 2016, la plus haute juridiction administrative française a tranché en faveur d’une interdiction des crèches de Noël dans les bâtiments publics, "sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif". Ailleurs, notamment dans les autres espaces publics, l’installation est légale, "sauf si elle constitue un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse".

Ainsi, le Conseil d'État en 2015 a retenu le "caractère culturel, artistique ou festif" d'une crèche installée dans l'entrée du Conseil départemental de la Vendée. Dans sa décision, le Conseil d'État écrit que la crèche vendéenne étant installée chaque année depuis 1987, elle revêt bien "un caractère culturel" qui répond à un "usage local". Le rapporteur public a également souligné que la crèche vendéenne "n’est pas accompagnée d’inscription quelconque, ni croix, ni crucifix, ni couronne", ce qui limite sa dimension religieuse.

Les santons provençaux, c'est oui en Rhône Alpes

À l'inverse, la décision de Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne Rhône Alpes, d'installer une crèche dans les locaux de l'Hôtel de région, a été retoquée par le Conseil d'État en octobre 2017. Si l'"usage local" a été mis en avant, le tribunal a souligné dans un communiqué que l’installation d’une crèche "par une personne publique dans un emplacement public (...) méconnaît le principe de neutralité en l'absence de caractère culturel, artistique ou festif".

L'année suivante, Laurent Wauquiez n'installait... que des santons provençaux, qu'il présente alors comme une "vitrine du savoir-faire régional". Cette fois, le tribunal a considéré que l’installation n’était pas contraire à la loi, car elle mettait plus en avant le "travail du santonnier" que l’aspect religieux dans ses scènes de natalité.

À Perpignan, Louis Aliot se retranche derrière l'argument de la culture locale pour défendre sa crèche : "Nos crèches sont une tradition catalane qui peuplent nos lieux publics depuis la nuit des temps. Ce ne sont pas quelques extrémistes de gauche qui empêcheront la contemplation par des centaines de spectateurs de notre pessebre de la Loge de Mer", réplique-t-il par communiqué. La décision du préfet n'a pas encore été rendue publique.

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