Covid-19 : fin du masque obligatoire, la France suivra-t-elle l'Angleterre ?

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À partir du 19 juillet, le port du masque ne sera plus obligatoire en Angleterre. Une date qui paraît étonnante alors que le nombre de nouveaux cas flambe outre-Manche.

Les Anglais vont se débarrasser du masque à partir du 19 juillet. L'objet, devenu un symbole de la lutte contre le Covid, ne sera plus obligatoire à partir de cette date, que ce soit dans les transports en commun ou dans les magasins, a annoncé Boris Johnson lundi 5 juillet.

Plus globalement, ce sont toutes les restrictions sanitaires, dont les jauges, qui seront supprimées le 19 juillet, alors même que le nombre de nouveau cas ne cesse de flamber au Royaume-Uni. En un mois, le nombre de cas recensés par jour est ainsi passé de 4 393 à 25 129.

Évolution du nombre de cas au Royaume-Uni
Évolution du nombre de cas au Royaume-Uni

Tout en reconnaissant que la pandémie était "loin d'être terminée" et que les contaminations continuaient d'augmenter et pourraient atteindre jusqu'à "50 000 par jour d'ici le 19 juillet", Boris Johnson a expliqué vouloir "permettre aux gens de prendre leurs propres décisions éclairées sur la façon de gérer le virus".

Selon un sondage Yougov, 71% des Anglais interrogés souhaitaient que le port du masque reste obligatoire dans les transports publics, et 66% dans les magasins. De quoi miser sur un maintien spontané du port du masque dans les lieux clos.

"Ne pas être pressé de le retirer"

Une décision qui peut séduire vue de France, alors que la pandémie, débutée il y a un an et demi, semble bien loin d'être terminée. "Il ne faut pas être pressé de le retirer, car c'est le meilleur outil qu'on a eu pour protéger contre le Covid", pose d'emblée le docteur Michaël Rochoy, cofondateur du site stop-postillons.

"On va pouvoir se servir de l'expérience des Anglais pour éventuellement prendre la même décision. Si la levée des restrictions entraîne un nombre acceptable de cas, d'hospitalisations et de décès, alors on pourrait envisager de lever les décisions une fois qu'on aura atteint leur niveau de vaccination de la population", poursuit Michaël Rochoy, chercheur en épidémiologie.

"Qu'est-ce qu'un nombre de décès acceptable ?"

Mais avec moins de 150 000 rendez-vous vaccinaux pris par jour en moyenne pour une première injection, il faudra encore plusieurs semaines à la France avant d'arriver à un niveau de vaccination semblable à celui du Royaume-Uni aujourd'hui.

"Il faudrait surtout définir ce qui est acceptable comme bilan humain. Combien d'hospitalisations, d'admissions en réanimation avec les séquelles que l'on connaît et de décès sont considérées comme acceptables pour lever les restrictions ?" interroge Michaël Rochoy. Dans sa prise de parole au sujet de la levée des restrictions, Boris Johnson a prévenu ses concitoyens. "On doit se réhabituer à vivre avec des décès quotidiens dus au Covid", a lancé le Premier ministre.

Un pourcentage d'hospitalisation qui reste faible

Si l'Angleterre lève ses restrictions alors que le nombre de cas ne cesse de croître, c'est que son gouvernement mise sur une vaccination déjà importante dans la population : 50% de la population est totalement vaccinée, et 17% a reçu une dose de vaccin. En France, seule 33% de la population est totalement vaccinée, et 17,7% n'a reçu qu'une dose.

Jusqu'à présent, la hausse spectaculaire du nombre de nouveaux cas n'est pas suivie d'une hausse aussi importante des hospitalisations.

Le risque d'émergence d'un variant

"Mais d'un point de vue sanitaire, la levée générale du port du masque ne paraît pas une bonne idée. Cela va favoriser la circulation du virus, surtout avec le variant Delta beaucoup plus transmissible, et donc la possibilité d'apparition d'un variant qui peut résister aux vaccins", rappelle le docteur Rochoy.

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La suppression des mesures anti-Covid et notamment du port du masque en intérieur suscite l'interrogation de nombreux scientifiques outre-Manche. Chaque province du Royaume-Uni ayant la main sur les mesures de santé, seule l'Angleterre a décidé de lever toutes les restrictions.

L'inquiétude des scientifiques

Le pays de Galles ne se pliera pas à une "échéance politique fixée artificiellement" par le gouvernement britannique. "Nous suivrons les données scientifiques plutôt que la politique", a déclaré la ministre de la Santé galloise Eluned Morgan.

La professeure Susan Michie, une spécialiste du comportement à l’University College de Londres, dénonce le choix de laisser filer les contaminations, qui revient à "construire de nouvelles 'usines à variant' à un rythme très élevé". De son côté, la British Medical Association a appelé le gouvernement à maintenir certaines restrictions en place en raison de l’augmentation "alarmante" du nombre des cas.

Le choix d'une immunisation hybride ?

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"Les Anglais semblent miser sur une immunisation hybride, la vaccination d'une part, une contamination d'autre part, tout particulièrement chez les jeunes, en estimant que les plus fragiles sont vaccinés et protégés. C'est un pari osé, mais peut être moins insensé que celui d'Emmanuel Macron janvier dernier".

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Les conséquences de la décision de l'Angleterre de supprimer toutes les restrictions sera sans aucun doute scruté par les autres pays, qui pourraient à leur tour prendre des décisions similaires si la situation reste favorable outre-Manche. Mais les Anglais pourraient également être la terre d'accueil d'un nouveau variant, après le variant britannique qui a plongé l'Europe dans la deuxième vague, l'hiver dernier.

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