Coronavirus : qui pourrait avoir affaire à la justice pour la mauvaise gestion de la crise ?

Plusieurs plaintes ont été déposées contre X mais aussi contre des membres du gouvernement. En cause, la gestion de la crise du coronavirus.
Plusieurs plaintes ont été déposées contre X mais aussi contre des membres du gouvernement. En cause, la gestion de la crise du coronavirus.

Plusieurs plaintes ont été déposées dans le cadre de la gestion de la crise du coronavirus en France. Mais rien n’assure que ces actions aboutissent, car dans les affaires sanitaires, la responsabilité pénale est difficile à prouver.

Plusieurs plaintes ont été déposées ces derniers mois pour “homicide involontaire”, “mise en danger de la vie d’autrui”, “blessures involontaires”, "abstention volontaire de combattre un sinistre" ou encore "non-assistance à personne en péril" dans le cadre de l’épidémie de coronavirus. Si beaucoup ne visent personne nommément (plaintes contre X), certaines ciblent des directeurs d’Ehpad, des responsables administratifs voire même des membres du gouvernement.

Le procureur de Paris, Rémy Heitz, a annoncé, ce 9 juin, l’ouverture d’une enquête préliminaire sur la gestion de la crise. Les plaintes ont été regroupées en différentes procédures : 13 d’entre elles concernent les actions engagées par les associations ou les syndicats, et une autre celles de particuliers via plaintecovid.

Le difficile “lien de causalité direct”

Deux volets sont exclus de cette enquête préliminaire : celui concernant les Ehpad - qui font l’objet d’enquêtes locales, précise Franceinfo - et celui concernant les membres du gouvernement - qui dépendent de la Cour de justice de la République. Quant à Emmanuel Macron, il bénéficie d’une immunité constitutionnelle, nous rappelle Maître Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris.

“Est-ce que la mauvaise gestion de la crise est susceptible d’engager la responsabilité pénale des directeurs des Agences régionales de santé, des responsables d’administration, des hauts fonctionnaires qui ont pris certaines décisions, du directeur général de la santé (et ses prédécesseurs)...? C’est ce que l’enquête devra déterminer”, précise-t-il.

La difficulté, au pénal, c’est qu’il faut “prouver un lien de causalité directe” entre la faute et le dommage, détaille l’avocat. Or, dans les scandales sanitaires, la causalité est souvent indirecte et la responsabilité ne peut être reconnue. “Ça a notamment été le cas avec les affaires du sang contaminé ou de la vache folle”, énumère-t-il.

Les exemples passés

Le premier scandale remonte aux années 1980. À l’époque, des centaines de personnes ont été contaminées par le virus du sida après des transfusions. Le gouvernement était accusé de ne pas avoir testé le sang des donneurs et de ne pas avoir pris les précautions nécessaires alors que le VIH se développait, rappelle France Bleu. Aucune condamnation n’a suivi.

La crise de la vache folle, elle, remonte au milieu des années 1990. Elle a d’abord éclaté en Grande-Bretagne, où des vaches ont été touchées par une maladie attaquant leur cerveau. Son origine : les farines animales, à base de carcasses, utilisées pour nourrir les bêtes. Il a ensuite été découvert que la “vache folle” pouvait se transmettre à l’homme, sous une variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, relate Le Parisien. Mais les importations de viande britannique se sont poursuivies en France, avant que l’État n’impose finalement un embargo en 1996. Quant aux farines animales, elles n’ont été interdites qu’en 1997 pour les ruminants. Les procès engagés, notamment contre des responsables d’usines de fabrication d’aliments pour animaux, se sont soldés par des non-lieux.

Chercher la responsabilité civile ou administrative

“Il n’y a pas de règle absolue, mais je préconise souvent, dans les affaires sanitaires, de chercher la responsabilité civile ou administrative”, qui peuvent s’appuyer sur “des liens de causalité indirecte”, comme la notion de faisceau d’indices.

S’il y a donc bel et bien “matière à questionner la gestion des masques et des tests, l’accès au matériel notamment dans les Ehpad”, seule l’enquête approfondie permettra de savoir si des liens de causalité directe peuvent être prouvés.

Les règles de la Cour de justice de la République

Une attaque contre les membres du gouvernement répond d’autres conditions. “La Cour de justice de la République n’est saisie que si des ministres ont commis des infractions pénales, c’est-à-dire des actes graves et délictueux dans l’exercice de leur fonction”, nous décrit Maître Lèguevaques.

Comme l’a d’ores et déjà évoqué le procureur de Paris, les ministres - actuels ou passés - pourront se défendre en expliquant qu’ils ont agi de manière proportionnée au vu de l’état des connaissances scientifiques au moment de leur prise de décision.

Sans oublier que la Cour de justice de la République n’est pas un tribunal comme les autres, puisqu’elle est composée de trois magistrats professionnels, et de douze parlementaires. “Ils ont plutôt tendance à être cléments avec les ministres”, commente l’avocat au barreau de Paris, s’appuyant une fois encore sur l’exemple de l’affaire du sang contaminé. “Certaines responsabilités ont bien été reconnues, mais il n’y a pas eu de sanction”. À l’époque, seul l’un des trois ministres accusés avait été condamné, mais il avait été dispensé de peine rappelle France Bleu. Les deux autres ont été relaxés.

Difficile, pour l’heure, de savoir si des responsabilités seront engagées sur la gestion du Covid-19. Mais les résultats de l’enquête préliminaire devraient apporter une première réponse.

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