Contre la sécheresse, les pluies de mars ont rechargé les nappes phréatiques, mais pas partout

Les pluies de mars 2023 n’ont pas été suffisantes pour recharger les nappes phréatiques partout en France. (Photo : lac asséché de Montbel, dans le sud-ouest de la France, le 21 février 2023.)

En dépit d’un mois de mars pluvieux, la moitié des nappes phréatiques françaises reste à des niveaux alarmants. Au point que le BRGM évoque un « risque avéré » de sécheresse cet été dans plusieurs régions.

EAU - Le miracle tant attendu n’est pas arrivé. Après un hiver historiquement sec, même les pluies abondantes de mars n’ont pas suffi à remplir les nappes phréatiques partout en France. Si le nord-ouest de l’Hexagone a été bien arrosé, les faibles précipitations n’auront pas permis de compenser le déficit en eau dans certains départements du sud, du centre et même du nord. Ce qui fait dire au Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, qu’il existe un « risque avéré » de sécheresse pour l’été dans plusieurs régions.

Le début du printemps sonne en effet la fin de la période de recharge des nappes phréatiques, qui dure de septembre en mars. Passé cette période, la végétation bourgeonnante récupère la pluie pour pousser et l’eau pénètre difficilement dans les sols.

« 75 % des niveaux des nappes sous les normales mensuelles »

C’est pourquoi Météo France a tiré le bilan cet hiver 2022-2023, et malheureusement, il n’est pas réjouissant. Le déficit de pluie est de 10 % en moyenne sur l’Hexagone entre septembre et mars.

Il faut dire qu’il aurait fallu beaucoup, beaucoup de pluie pour compenser la sécheresse estivale de 2022 et les 32 jours sans pluie de cet hiver. D’autant qu’en février 2023, la situation des nappes s’était encore largement dégradée. Les niveaux de recharge se trouvaient largement sous les normales mensuelles, « avec 80 % des niveaux modérément bas à très bas », selon le bulletin du BRGM, qui gère les ressources des sols et sous-sol, publié le 13 mars.

Et le bulletin publié un mois plus tard, ce jeudi 13 avril, qui prend en compte les précipitations de mars est pratiquement aussi négatif. « Les pluies ont eu peu d’impact sur l’état des nappes (...) L’ensemble des nappes affichent des niveaux sous les normales », peut-on y lire. « 75 % des niveaux des nappes restent sous les normales mensuelles », précise encore le BRGM, qui évoque « de nombreux secteurs affichant des niveaux bas à très bas », comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessous.

Ce jeudi 13 avril, le BRGM a publié son rapport mensuel sur l’état des nappes phréatiques du pays. Malgré les pluies de mars, la situation est inquiétante et le Bureau alerte sur le « risque avéré » de sécheresse dans plusieurs régions.
Ce jeudi 13 avril, le BRGM a publié son rapport mensuel sur l’état des nappes phréatiques du pays. Malgré les pluies de mars, la situation est inquiétante et le Bureau alerte sur le « risque avéré » de sécheresse dans plusieurs régions.

Le rapport rappelle d’ailleurs qu’avant la terrible sécheresse de l’été dernier, la situation était tout de même meilleure, avec 58 % des nappes sous les normales. « Sauf événements pluviométriques exceptionnels », le Bureau ne voit d’ailleurs pas comment le niveau de recharge pourrait s’améliorer.

La moitié nord bien arrosée

Comme l’expliquait Météo France mercredi 12 avril, ce n’est pourtant pas faute d’avoir eu de la pluie en mars. Pour le plus grand bonheur des sols, les précipitations ont été en moyenne excédentaires au mois de mars (+33 %) dans l’Hexagone. « L’effet a été très bénéfique, on a des sols qui étaient dans une situation record (sur le plan de la sécheresse, ndlr) pour la fin du mois de février avec une situation digne d’un mois d’avril, et les précipitations du mois de mars ont permis aux sols de se regorger d’eau », analysait ainsi sur franceinfo Simon Mittelberger, climatologue à Météo France.

Les nappes bretonnes ont notamment retrouvé la santé. Le nord-ouest a été si bien arrosé que « pour les quatre départements bretons, cela donne une pluviométrie irrégulière mais proche des normales sur les six derniers mois », indique le dernier bulletin régional du BRGM. Et le rapport national de corroborer : « Seules les nappes de la Bretagne à la Nouvelle-Aquitaine ont bénéficié d’épisodes conséquents de recharge en mars, qui ont permis d’améliorer considérablement la situation et de retrouver des niveaux comparables aux normales. »

Grâce à ce mois de mars pluvieux, la France est passée d’un quart des nappes dans le vert, à la moitié. « Mais ça veut dire qu’il reste la moitié des nappes en dessous des normes », nuançait dès le samedi 8 avril l’agroclimatologue Serge Zaka sur France Inter. Ce que corrobore le rapport du BRGM de ce jeudi : « L’impact des précipitations sur les nappes est hétérogène avec 41 % des points d’observation sont en hausse, 32 % sont stables mais 27 % qui restent en baisse. »

Dans le sud de France, autour de la Méditerranée des Pyrénées, les pluies n’ont pas permis de recharger les nappes. Dans les Pyrénées-Orientales, la situation est même catastrophique : « Si l’on regarde les statistiques pour le département, le déficit de précipitation enregistré entre septembre 2022 et mars 2023 bat un record depuis 1959 », détaille Florence Vaysse, référente territoriale Météo France pour le Languedoc et le Roussillon, dans le quotidien l’Indépendant.

Les Bouches-du-Rhône et le Var en alerte crise

Sur France Inter, Marjorie Bertrand, ingénieur hydrogéologue en charge du développement chez ImaGeau, se dit particulièrement inquiète pour les Pyrénées-Orientales, mais aussi pour le Var et les Alpes-Maritimes. Le gros problème dans ces trois départements c’est le manque de neige cet hiver, qui contribue pour beaucoup, au moment de la fonte, à recharger les nappes. « Ce que l’on mesure sur ces trois départements, ce sont des valeurs que l’on observe au mois d’août. Le débit des cours d’eau, ce sont des valeurs estivales », déplore-t-elle.

Même constat de sécheresse dans le Centre. Les nappes phréatiques de l’Indre, de la Haute-Vienne, du Loir-et-Cher, du Cher, et de la Creuse sont à un niveau très bas. Dans un dossier alarmant publié en mars, la région Centre-Val de Loire prévoit déjà des « restrictions sans doute inévitables » et des cours d’eau très bas cet été car « ils ne seront pas soutenus par les nappes ». Même la moitié nord du pays, qui a pourtant bénéficié de pluies efficaces, avec +130 % de précipitations au-dessus de la normale en mars, selon Météo-France, craint la sécheresse de l’été 2023. Les niveaux des nappes des départements du Nord, de l’Aisne, l’Oise ou encore de la Marne sont toujours « bas », selon les données d’Infosécheresse.

Alors que la saison estivale n’a pas commencé, le déficit hydrique est déjà critique et 14 départements sont concernés par des arrêtés de restriction. Deux d’entre eux, les Bouches-du-Rhône et le Var, sont au niveau d’alerte « crise », le plus élevé, qui exige l’arrêt des prélèvements non prioritaires, y compris des prélèvements à des fins agricoles. Et pour cause : le BRGM envisage un été particulièrement à risque sur le plan de la sécheresse.

Le BRGM s’inquiète du risque de sécheresse pour l’été 2023, avec toute une partie du pays qui est d’ores et déjà placée en « risque très fort ».
Le BRGM s’inquiète du risque de sécheresse pour l’été 2023, avec toute une partie du pays qui est d’ores et déjà placée en « risque très fort ».

« En absence de précipitations suffisantes, la vidange devrait se généraliser à l’ensemble des nappes courant avril (...) ce qui laisse présager des situations tendues dès le printemps », prévient ainsi le Bureau. Et puisque « les niveaux devraient rester en baisse jusqu’à l’automne », l’été s’annonce forcément tendu.

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