Contre les punaises de lit, un plan interministériel a bien été lancé en 2020 mais il ne suffit pas

La punaise de lit est hématophage, c’est-à-dire qu’elle ne se nourrit que de sang, et en particulier de sang humain.
Roger Eritja via Getty Images La punaise de lit est hématophage, c’est-à-dire qu’elle ne se nourrit que de sang, et en particulier de sang humain.

POLITIQUE - Punaise, le plan n’a pas marché. La découverte cet été de punaises de lit dans des cinémas ou dans les transports en commun a fait resurgir les demandes d’une gestion nationale du problème. Sauf qu’un « plan interministériel de lutte contre les punaises de lit » existe déjà depuis 2020.

« Stop aux punaises de lit qui pourrissent la vie de millions de Français. Nous lançons un plan de lutte », annonce en février 2020 le ministre de l’Agriculture de l’époque Julien Denormandie. Sur X (anciennement Twitter), il annonce alors deux axes principaux : une meilleure information des citoyens avec la mise en place d’un numéro vert et d’une plateforme ainsi qu’« une formation et un label des professionnels qualifiés ».

Le détail du plan n’est dévoilé qu’en mars 2022. Il comprend un volet sur la sensibilisation des particuliers, un sur un meilleur encadrement de la filière avec un « dispositif de labellisation », une clarification des droits et devoirs du locataire et du bailleur et le lancement, prévu en septembre 2022, d’un observatoire afin de « disposer de données fiables sur les cas d’infestation pour mieux les maîtriser et évaluer l’efficacité des actions menées » et confié à la start-up Histologe spécialisée dans le mal-logement. Enfin, « l’installation d’une gouvernance interministérielle » est actée, sous la houlette des ministères de la Santé, de la Transition écologique et du Logement. À sa tête, un ancien haut fonctionnaire, François Lefort.

Une cartographie du problème en attente

Qu’en est-il ressorti, un an plus tard ? Difficile à dire. Sur le site « histologe.beta.gouv.fr », il n’est pas possible de trouver d’informations sur la prolifération des nuisibles. Les utilisateurs invités à taper leur code postal sont renvoyés au numéro vert car « le service Histologe n’est pas encore ouvert dans votre département », a pu constater le HuffPost après plusieurs essais.

Capture d’écran du site de la start-up Histologe, spécialisée dans le mal-logement.
Capture d’écran du site de la start-up Histologe, spécialisée dans le mal-logement.

De quoi inspirer les moqueries de la gauche. Sur Sud Radio vendredi 29 septembre, la présidente du groupe LFI de l’Assemblée nationale Mathilde Panot rappelle que la Macronie lui a « rit au nez » quand elle a déposé en 2019 une proposition de loi pour faire reconnaître ce fléau comme « un problème de santé publique ». « Qu’a fait le gouvernement ? Un numéro vert », cingle-t-elle.

Le premier adjoint de la maire de Paris Emmanuel Grégoire évoque, lui, des trous dans la raquette en matière de prévention et de traitement ». « On a besoin de travailler tous ensemble, collectivités territoriales et État, pour mettre en place un plan coordonné », réclame-t-il sur LCI après avoir envoyé une lettre à Élisabeth Borne.

Pêle-mêle, la gauche réclame une reconnaissance des punaises de lit comme un « problème de santé publique » (chez LFI), un encadrement des tarifs des professionnels ou encore la prise en charge par « les pouvoirs publics pour les foyers les plus modestes » a insisté Emmanuel Grégoire. Le numéro 2 de la mairie parisienne veut également des opérations de désinfections dans les lieux publics comme les transports en commun ou « les lieux de culture » dont les cinémas.

Le plan élaboré en 2022 ne contient rien de tout cela. Sur le volet financier, le gouvernement renvoie vers les Caisses d’allocations familiales dont certaines « ont déjà décidé de prendre en charge les coûts (directs et indirects d’une désinfection) pour les ménages allocataires les plus modestes. » « Les modalités d’extension de cette intervention à l’ensemble des CAF seront inscrites à l’ordre du jour de la négociation de la convention d’objectifs et de gestion 2023-2027 entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales », est-il ajouté.

Quant aux contrôles dans les lieux les plus exposés, ils ne sont pas non plus obligatoires. Les ministères concernés « élaboreront, en lien avec les représentants de ces secteurs d’activité, des outils spécifiques de sensibilisation et d’information, notamment sur les moyens de détection et de lutte ainsi que les modes opératoires, qui seront ensuite diffusés au sein des réseaux d’adhérents et au plus près du terrain », est-il seulement écrit.

« Des réponses pas assez concrètes »

Interrogé dans Le Figaro le 29 septembre, Bruno Studer, député Renaissance du Bas-Rhin à la tête d’un groupe de travail lancé en 2019, regrette « des réponses pas assez concrètes » du gouvernement. Et s’il salue le plan de 2020, il juge son déploiement trop restreint, appelant à « réactiver ce que le gouvernement avait commencé à mettre en place sous le précédent mandat ».

Néanmoins, le parlementaire préfère renvoyer la balle aux responsables politiques locaux et professionnels des secteurs concernés. « Les cinémas et les entreprises de transport doivent mettre en place des pratiques qui ne dépendent pas de la loi, en faisant de la détection systématique. Les mairies pourraient également rendre obligatoire l’emballage des encombrants, afin d’éviter la prolifération », énumère-t-il.

« Sur certains aspects, il faudra légiférer », reconnaît-il cependant. « Nous devons également trouver le moyen de rendre obligatoire la déclaration de présence des punaises de lit par les particuliers comme les professionnels pour avoir une vraie cartographie de leur prolifération », indique-t-il. Sa proposition de loi, déposée en janvier 2022 et « visant à reconnaître le fléau des punaises de lit et à structurer un dispositif de lutte et de prévention » n’a pas encore été examinée à ce jour.

Au sein du gouvernement, seul le ministre des Transports Clément Beaune a publiquement réagi en annonçant la tenue prochaine d’une réunion avec les opérateurs des transports sur le sujet.

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