TOUT COMPRENDRE - Pourquoi la manifestation contre le chantier Lyon-Turin inquiète les autorités

"Pour que ce projet ne voie jamais la lumière au bout du Tunnel." Depuis plus d'un mois, l'association écologiste Les Soulèvements de la Terre, dans le viseur des autorités depuis les incidents de Sainte-Soline en mars, appelle à une "mobilisation internationale et populaire" du 16 au 18 juin dans la vallée de la Maurienne (Savoie) contre le chantier de la ligne ferroviaire Lyon-Turin.

• Pourquoi le projet est-il contesté?

Le but des manifestants est de dénoncer les impacts écologiques, notamment sur l'eau, de ce chantier "ferroviaire titanesque, impliquant le forage de 260 km de galeries à travers les massifs alpins". Selon eux, des travaux vont "détruire la montagne pour les intérêts économiques de quelques-uns, au détriment du vivant".

Une dizaine d'organisations prévoit de manifester samedi aux côtés d'élus comme le maire EELV de Grenoble Éric Piolle et la députée LFI Mathilde Panot.

• Pourquoi le renseignement s'inquiète-t-il?

En raison de "risques de débordements", François Ravier, le préfet de Savoie, a annoncé ce jeudi qu'il allait interdire dans les prochaines heures cette manifestation. "Il y a des craintes quant à la sécurité des forces de l'ordre et des pompiers", a-t-il notamment déclaré lors d'un point presse. Les organisateurs n'ont pas donné l'évaluation du nombre de manifestants, n'ont pas déclaré certains parcours et pas précisé la localisation du camp de base de la manifestation, a indiqué le préfet.

Selon une note du renseignement que BFMTV a pu consulter, les autorités estiment que, malgré un événement affiché "comme familial et festif", "plusieurs signaux peuvent laisser penser à une tonalité plus offensive".

"Le flou entretenu par les organisateurs sur le parcours, le lieu du camp de base, les modalités précises de l'événement (...) et le déplacement attendu de centaines de militants radicaux sont autant de signaux laissant craindre de possibles débordements", peut-on y lire.

Les manifestants devraient, en effet, installer leur campement dès vendredi au plan d'eau des Tufs, à la station de ski de La Norma, sur la commune de Villarodin-Bourget. C'est de ce site que le cortège de la manifestation devait s'élancer samedi à partir de 10h, avant que l'interdiction ne tombe.

Ce choix de lieu de rassemblement n'est pas anodin car la commune est l'un des rares bastions contre la ligne Lyon-Turin dans la vallée de la Maurienne. Le maire, Gilles Margueron, s'y est opposé.

Au début de la semaine, les élus de la Maurienne ont fait part de leur "inquiétude" et appelé à la "grande vigilance par rapport à ce rassemblement", ont rapporté nos confrères de France 3 Savoie.

"Plusieurs éléments nous font craindre que les manifestants ne viennent pas tous avec des intentions pacifiques. Sur les réseaux sociaux et sites Internet, différents appels invitent à la désobéissance civile et à s’inspirer de Notre-Dame-des-Landes et d’autres Zones à Défendre (ZAD), de Sainte-Soline, à occuper les gares, à suivre des convois de fret, à établir des campements sur le tracé du Lyon-Turin", s'est inquiété Jérémy Tracq, maire de Bessans et vice-président de la communauté de communes Haute-Maurienne Vanoise.

• Combien de manifestants sont attendus?

Malgré l'interdiction, on peut tout de même lire sur la boucle Telegram dédiée à l'organisation, que BFMTV a pu consulter, que "interdiction de manifester ou non, la manifestation aura bien lieu!"

Selon le renseignement, 3000 à 4000 personnes sont attendues ce week-end, dont 300 à 400 militants contestataires déterminés et activistes aguerris (antifa, ultra-gauche, écologistes, No-TAV italiens...). Toujours selon cette même source, 200 à 300 militants étrangers, essentiellement italiens, mais aussi suisses, pourraient faire le déplacement. Ces militants étrangers présentent pour la grande majorité un profil écologiste non-radical, mais certains parmi les No-TAV italiens sont considérés comme "aguerris" par les policiers.

Ils pourraient ainsi être à l'origine de "dégradations sur les zones de chantier et des installations (sièges, engins) de la société Tunnel Euralpin Lyon Turin, une occupation temporaire d'un site et des provocations envers les forces de l'ordre sont probables".

Jeudi matin, une manifestation de soutien au chantier a rassemblé environ 200 personnes, dont des élus, maires, députés et sénateurs, devant la gare de Saint-Jean-de-Maurienne.

Le dossier suscite un regain de tensions entre partisans et opposants alors que le ministère des Transports a commencé à chiffrer le coût des 150 km de voies d'accès au tunnel en cours de creusement sous les Alpes alors que les réflexions se poursuivent sur le tracé ferroviaire côté français.

Article original publié sur BFMTV.com