« Les Combattantes » sur TF1 rappelle « l’indispensable » mobilisation des femmes pendant la Grande guerre

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JEAN-PHILIPPE BALTEL / QUAD D

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Audrey Fleurot et Mikaël Mittelstadt dans la série « Les Combattantes » de TF1, pendant la Première Guerre mondiale

SERIE - On cite souvent les 8 millions d’hommes mobilisés pendant la Première guerre mondiale. Un peu moins les 9 millions de femmes qui ont approvisionné l’armée et fait vivre le pays entre 1914 et 1918. La série Les Combattantes, diffusée à partir de ce lundi 19 septembre à 21 h 10 sur TF1, raconte le destin de quatre héroïnes aux « destins inventés de toutes pièces » pour exposer d’un point de vue féminin cette part de notre Histoire.

Le réalisateur Alexandre Laurent (Le Bazar de la charité, Profilage) plante son décor dans un petit village à l’est de la France à quelques kilomètres de la zone allemande en septembre 1914, quelques semaines seulement après le début d’une guerre qui, pensait-on alors, n’allait pas durer. Julie de Bona incarne Agnès, la mère supérieure d’un couvent réquisitionné et transformé en hôpital militaire, rapidement dépassée par l’afflux de blessés. Camille Lou joue elle le rôle de Suzanne, jeune infirmière féministe en cavale depuis un avortement qui a mal tourné et qui vient prêter main-forte.

« Les infirmières, qu’on a appelées ’les anges blancs’, font partie des figures collectives et relativement louangées de la Première Guerre mondiale. Elles étaient au nombre de 100 000 en France », commente pour Le HuffPost Françoise Thébaud, historienne et spécialiste de l’histoire des femmes, qui a été conseillère pour la série Les Combattantes. Comme le conflit a très rapidement fait des blessés et des morts, les infirmières ont fait partie des premières femmes mobilisées en 1914.

Au même moment, les paysannes ont elles aussi été appelées par le président du Conseil René Viviani à « achever les moissons et préparer la terre pour les récoltes futures ». Un pan, pas abordé par la série de TF1, mais qui était au cœur du film Les Gardiennes de Xavier Beauvois sorti en 2017.

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JEAN-PHILIPPE BALTEL / TF1 / QUAD DRAMA

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Julie de Bona et Pascal Houdus dans la série « Les Combattantes » sur TF1

Parmi les autres personnages de cette série en huit épisodes, il y a Sofia Essaïdi alias Caroline, épouse d’un propriétaire d’une usine de voitures, parti au front qui se voit propulsée à la tête de l’entreprise familiale et de ses ouvrières. « La série concentre son propos au début de la guerre, et certaines des choses qu’elle présente ont pu réellement se passer mais beaucoup plus tard », précise Françoise Thébaud. C’est le cas pour les ouvrières et les « remplaçantes » qui ont été mobilisées à partir de l’été/automne 1915.

2 millions de « remplaçantes »

« Pendant la première année, la guerre a plutôt mis les femmes salariées françaises au chômage lorsque les entreprises ferment après le départ des hommes à la guerre », détaille l’autrice de l’ouvrage Les femmes au temps de la guerre 14. « Ce n’est que progressivement qu’on les a mobilisées pour deux tâches : faire vivre le pays en guerre et approvisionner l’armée en tout (armes, vêtements, nourriture, etc.). »

Dans la mémoire collective, il y a notamment les « munitionnettes » dans les usines d’armement, mais il a aussi fallu remplacer les hommes « dans les transports pour conduire des tramways ou du charbon, dans les usines, les banques ou les administrations ». Si les femmes actives étaient déjà au nombre de 7 millions en France avant 1914, on en dénombre 2 millions de plus à la fin de l’année 1917, d’après les recherches de Françoise Thébaud. Et parmi elles, si le parcours du personnage de Caroline a pu exister, il reste « exceptionnel » pour l’historienne.

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CAROLINE DUBOIS / TF1 / QUAD DRAMA

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Sandrine Bonnaire et Sofia Essaïdi dans la série « Les Combattantes » sur TF1

Le personnage d’Audrey Fleurot, enfin, est celui de Marguerite, prostituée parisienne venue chercher du travail dans l’est et que l’on soupçonne d’être une espionne. Si la prostitution existait bien à cette époque - on sait que des prostituées se rapprochaient du front pour avoir des relations avec des soldats et on a même mis en place tardivement des « bordels militaires de campagne » - reste que ce rôle-là sert plutôt selon Françoise Thébaud à « rendre la série dramatique ». « Les auteurs ont apporté juste ce qu’il fallait de réalité historique, tout en conservant ce souffle romanesque que j’aime tant », dit l’actrice dans les notes de production.

« Notre rôle de conseiller historique [avec aussi Jean-Pierre Verney, scénographe du musée de la Grande guerre de Meaux, ndlr] ça a été de traquer l’invraisemblable », explique Françoise Thébaud, qui rappelle que cette création n’est « ni un documentaire, ni un docu-fiction, ni une histoire des femmes pendant la Grande guerre ». « C’est une série avec un scénario, une dramaturgie et une volonté de mettre en avant des parcours de femmes fortes et puissantes. Et pour cela, il fallait accepter de maintenir une unité de lieu et de temps » qui ne tient parfois pas compte des différentes étapes chronologiques de la guerre.

Et après la guerre ?

La série, parce qu’elle fait le choix de se concentrer au tout début du conflit, n’aborde pas non plus l’après-guerre. Pour celles qu’on appelait plutôt « les remplaçantes », ou « les combattantes de l’arrière » selon les termes des mouvements féministes de l’époque, la Grande guerre a été l’occasion de « montrer à la société que les femmes étaient capables de beaucoup de choses, et donc qu’elles méritaient des droits, et notamment le droit de suffrage.  » Mais à la fin du conflit, s’il a évidemment fallu remplacer le 1,4 million d’hommes morts au combat, la volonté des autorités était plutôt de « d’imposer un retour à l’ordre ancien, à ’la normale’  ». Nombreuses sont licenciées brutalement et le « sur travail » des 2 millions de femmes mobilisées a été « très vite effacé »

Les femmes françaises obtiennent certes après la guerre le droit de passer le baccalauréat et donc de faire des études supérieures, mais le droit de suffrage leur est refusé (contrairement à leurs voisines autrichiennes, allemandes, hongroises et britanniques qui l’obtiennent en 1918) et des lois répressives sur le contrôle des naissances, l’interdiction de l’information sur la contraception et l’avortement sont passées. Parce que ce qu’on demande avant tout aux femmes, « c’est de repeupler le pays ».

Si la représentation dans les médias de la guerre « est majoritairement une représentation du combat et des hommes », l’historienne se dit beaucoup « moins pessimiste » depuis quelques années où « l’appréhension du conflit est beaucoup plus pluraliste » et cette série en est un des exemples. Alors malgré les imprécisions historiques, Françoise Thébaud espère qu’elle « incite des spectateurs et surtout des spectatrices à s’informer un peu plus sur les femmes et à la guerre », à visiter des expositions et des musées, ou à se rendre à des conférences. Pour ne pas oublier le travail « indispensable » des femmes dans cette période centrale de notre Histoire.

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