Le combat de Tibo Inshape, symbole de l’appropriation de la boxe par les mascus

Les mascus se développent dans la boxe et le MMA.
Youtube Les mascus se développent dans la boxe et le MMA.

INTERNET - Après la première place sur Youtube, Tibo Inshape vise la victoire sur le ring. Vendredi 7 juin, le vidéaste va participer à un combat de boxe amateur à la Patinoire de Blagnac, ville où il s’entraîne depuis deux ans maintenant. Outre l’aspect divertissement de l’événement, ce combat démontre le virage actuel de la boxe. Un virage à l’image des influenceurs qui la promeuvent.

Sur Twitch, Baghera Jones et des streamers récoltent plus d’un million d’euros pour Gaza

À ses débuts, « la boxe est un sport d’aristocrates mais devient rapidement le bastion de la classe ouvrière et plus largement pauvre », note Selim Derkaoui, journaliste auteur du livre Rendre des coups, boxe et lutte des classes. Les boxeurs sont majoritairement arabes et noirs, issus de quartiers populaires marqués par l’immigration, là où la vie difficile. Comme sur le ring, ils doivent suer sang et eau pour s’en sortir. Mais depuis plusieurs années la boxe a changé. Une tendance de fond est venue d’abord en changer l’image : une forme de gentrification sportive, c’est-à-dire le remplacement de ses pratiquants d’origine par des classes sociales plus élevées.

Les nombreuses œuvres cinématographiques comme Rocky, tout en mettant en scène l’origine modeste des protagonistes, ont contribué à donner cette image de « noble art » à la boxe. Cette authenticité, cette esthétique a peu à peu été récupérée par des couches sociales plus aisées (à la manière du reboot de Rocky). Le développement des cours de boxe dans les salles de fitness, des combats de stars comme celui de Tibo Inshape, en sont les symboles.

Autre exemple frappant, les photos officielles de Macron feignant quelques crochets du gauche. Mais ce n’est pas la seule évolution de la boxe. Ce sport est aussi devenu le terrain de jeu d’une nouvelle population, les mascus.

Un cocktail de virilisme, misogynie…

Le terme mascus (ou masculinistes) désigne les personnes qui essentialisent la différence homme femme, réaffirme la masculinité conventionnelle, défendent les privilèges masculins et luttent contre les féministes. Concrètement, derrière cette qualification se cachent des attitudes misogynes, sexistes, réactionnaire et bien souvent raciste et transphobe.

Pour ces personnes, la boxe est un outil métaphorique important. Il s’agit d’un sport d’affrontement ou l’on prend des coups, et on essaye de mettre KO l’adversaire. Être un boxeur, c’est donc être fort, viril, tout ce à quoi aspirent les mascus, analyse Selim Derkaoui. Tibo Inshape se rapproche d’eux sur ce point. Le vidéaste est un fan de la salle de gym. La majorité des contenus de ses shorts, des vidéos verticales courtes qui sont la raison de son succès, portent sur le sport et le dépassement de soi.

Des productions qui vont jusqu’au dérapage : « Rien à foutre de ta dépression, rien à foutre de tes excuses, rien à foutre de ton petit cœur brisé, rien à foutre de ta pression mentale (...) arrête d’être une merde, d’être une personne sans aucune motivation (...) lève-toi maintenant, tout de suite ! ». Un TikTok de 2022 dont l’influenceur s’est repenti depuis.

Tibo Inshape avait également fait polémique en promouvant dans une vidéo sponsorisée avec Gabriel Attal, alors secrétaire d’État chargé de la Jeunesse, le Service national universel (SNU). Ce dispositif est largement remis en cause, notamment par la vision viriliste et nationaliste qu’il promeut. À cela s’ajoutent des accusations de promouvoir des positions très proche de l’extrême droite, sous couvert de promotion du sport comme l’a analysé Blast dans une vidéo sur le youtubeur.

Des influenceurs vidéastes comme Papacito ou encore La Menace en sont les meilleurs exemples, prônant aussi bien l’importance de faire du sport, d’être viril aux côté d’idéaux simplement racistes. Récemment, le documentaire Mascus de France TV a mis en avant ce lien étroit, qui s’est développé dans les salles de boxe.

Appropriation par l’extrême droite

« Aujourd’hui l’extrême droite s’approprie et utilise la boxe et le MMA », confirme Selim Derkaoui. Certaines salles de boxe servent ainsi de repaire pour le GUD ou Génération Identitaire, qui les utilisent pour se réunir tout en peaufinant un élément essentiel de leur discours idéologique : être un mec, un vrai. Cette posture vient de la crainte d’une société matriarcale, avec des hommes qui se « féminisent ».

C’est aussi un moyen selon eux de lutter contre l’ennemi : l’étranger. Pour résumer, « selon eux, les blancs sont menacés par les noirs et les Arabes, perçus comme forts et musclés. Ils sont fétichisés, placés en menace avec la logique du grand remplacement», explique Selim Derkaoui. C’est aussi pour cela que l’extrême droite s’approprie aujourd’hui la boxe ainsi que le MMA, deux sports historiquement rattachés aux populations racisées.

Dans son dernier rapport publié début 2024, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes alerte sur un ancrage « des réflexes masculinistes et des comportements machistes », notamment chez les jeunes hommes adultes. D’après leurs chiffres, 52 % des 25-34 ans estiment qu’on s’acharne sur les hommes. Parmi ces jeunes, combien suivent les aventures de Tibo Inshape ?

À voir également sur Le HuffPost :

Coupable de violence conjugales, l’homme derrière la mythique robe « qui avait cassé internet » condamné

Avec « Cool Japan », le Japon veut quadrupler ses ventes de mangas, dessins animés et jeux vidéo