Colère des agriculteurs: pourquoi n'y a-t-il pas eu d'interpellations à Agen malgré les débordements?

Agen, épicentre des colères. Ces derniers jours, les agriculteurs en colère, qui ont débuté leur mouvement pas des blocages sur des axes routiers majeurs du pays, ont commencé à converger vers le centre de plusieurs centres urbains dont celui de la préfecture du Lot-et-Garonne. Mardi 23 et mercredi 24 janvier, plusieurs dizaines d'entre eux se sont réunis devant la préfecture d'Agen et ont déversé du purin et de la paille devant la grille principale du bâtiment.

En fin de journée mercredi, après une rencontre infructueuse avec le préfet du département, des membres de la coordination rurale ont jeté des pneus qu'ils ont incendiés devant la grille. Dans l'après-midi, d'autres agriculteurs en colère avaient déversé de la paille dans un restaurant de l'enseigne McDonalds's de la ville.

Pendant ces actions, les forces de l'ordre, présentes sur place, sont restées en retrait, et aucune interpellation n'a été réalisée. Une passivité qui interroge quant au maintien de l'ordre décidé en marge de ce mouvement.

Deux poids, deux mesures?

"Il y a probablement dû y avoir des discussions entre les autorités locales et les organisateurs de la manifestation pour annoncer ce qui était prévu, à savoir des feux de palette et du purin sur les murs, sinon il y aurait déjà eu une intervention policière par crainte que ça n'aille plus loin", analyse un policier de terrain, ancien CRS, auprès de BFMTV, pour expliquer cette non-intervention des forces de l'ordre à Agen.

En ce qui concerne les accusations de "deux poids, deux mesures" entre le maintien de l'ordre pour les agriculteurs et celui réservé à d'autres manifestations, une source policière haut placée contactée par BFMTV évoque une "tentative de polémique" qui "n'a pas de sens."

"Les dispositifs de maintien de l'ordre évolueraient si les autorités faisaient face à des agissements violents par nature et visant à dégrader et blesser... Ce qui n'est pas le cas actuellement", nous dit-on.

En cohérence avec la stratégie gouvernementale

Comme l'avance encore cette même source, "les autorités estiment faire face pour l'essentiel à des blocages qui n'avaient pas comporté de vandalisme jusqu'à présent, même si quelques débordements peuvent exister, et les forces de l’ordre agissent en priorité pour veiller à la sécurité des manifestants et des autres usagers."

"La posture policière est en cohérence avec la stratégie gouvernementale de dialogue et de compréhension vis à vis des agriculteurs."

Plus clairement, tant qu'il n'y a pas d'affrontement physique violent de la part des agriculteurs manifestants et qu'un dialogue existe avec les autorités, il n'y a pas de durcissement de la doctrine du maintien de l'ordre.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait déjà souligné lundi 22 janvier, au sujet des blocages routiers, qu'il n'ordonnerait pas "d'évacuations par les forces de l'ordre" sur l'autoroute A64. Il avait toutefois appelé à "respecter le droit commun."

Dans une note transmise mercredi, et que BFMTV a pu consulter, les services du renseignement observent que le mouvement de colère fédère de plus en plus de participants, et s'inquiètent d'un "risque de dérapages" s'il dure.

"Les limites n'ont pas été franchies", mais...

Selon une autre source policière contactée par nos soins, "le maintien de l'ordre, c'est aussi l'acceptation d'une part de désordre."

"C'est aux politiques de mettre le curseur sur ce qui est acceptable ou non. Pour l'instant, les agriculteurs ne cassent pas, même s'ils salissent énormément...", souligne-t-on.

Du côté des politiques, justement, on semble marcher sur des œufs et hésiter entre condamnation de la violence et soutien aux manifestants.

"La population est aussi derrière eux, mais il y a des limites à ne pas franchir: la violence envers la population et la détérioration des biens d'autrui (...) Les limites n'ont pas été franchies, mais attention, il y a eu la détérioration d'un fast-food", souligne Clémence Brandolin-Robert, première adjointe au maire d'Agen.

Article original publié sur BFMTV.com