Le coût de la justice pour les victimes de violences sexuelles pointé du doigt dans cette étude

« Non, trois fois non, les victimes de violences sexuelles ne portent pas plainte pour de l’argent », assène dans ce rapport la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert.
Prasit photo / Getty Images « Non, trois fois non, les victimes de violences sexuelles ne portent pas plainte pour de l’argent », assène dans ce rapport la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert.

Une étude de la Fondation des femmes, publiée à la veille de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, rappelle que les victimes « ne portent pas plainte pour de l’argent ».

PLAINTE - « Pour se défendre d’une accusation, il est plus facile pour l’accusé de trouver un mobile à la victime supposée, comme des intentions crapuleuses et purement vénales », soulignait en juin dernier auprès du HuffPost l’avocate à la Cour Agathe Wehbe, du cabinet Mulon Associés. Frais d’avocat, d’expertises ou d’huissier : une étude publiée jeudi 24 novembre par la Fondation des femmes enfonce cette analyse en montrant en effet que « demander justice n’est pas gratuit » pour les femmes victimes de violences sexuelles.

Penser l’inverse reviendrait à « méconnaître le système judiciaire français et le déroulement d’une procédure pénale. » « La réparation, qui n’est jamais certaine lorsqu’on porte plainte, loin s’en faut, n’est que l’aboutissement d’une longue procédure, rappelait Agathe Wehbe au HuffPost, coûteuse financièrement, psychiquement et parfois physiquement. »

C’est bien ce que confirme le rapport de la Fondation des femmes. « Non, trois fois non, les victimes de violences sexuelles ne portent pas plainte pour de l’argent », assène dans l’étude la présidente de la Fondation, Anne-Cécile Mailfert. Au contraire, « leur démarche se fait souvent au prix d’une vulnérabilité financière et psychologique accrue », ajoute-t-elle.

Débourser sans aucune garantie

D’autant que « parler, porter plainte et débourser des sommes importantes pour demander justice ne sont (...) en rien des garanties de l’obtenir », observent Lucile Peytavin et Lucile Quillet, les deux autrices de l’étude, publiée à la veille de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

Le rapport prend pour exemple le cas fictif de Julie, une Parisienne victime d’un viol, qui après sept ans de procédure échoue à faire condamner son agresseur - « comme dans l’immense majorité des cas ». Julie aura déboursé en vain près de 8 500 euros pour ses démarches juridiques, dont 6 000 euros de frais d’avocat, selon les calculs des autrices. Et cela, sans compter le coût de son suivi psychologique.

« La durée de la procédure, la place périphérique et secondaire de la victime dans le procès pénal, l’accueil des policiers et magistrats parfois dénués d’empathie sont aussi autant d’épreuves qu’il faut être en capacité d’affronter », soulignait Me Agathe Wehbe.

Lancé le 12 mai sur Twitter par la doctorante et militante féministe Marie Coquille-Chambel, accusée de « vivre de son viol » après la parution de son livre #MeTooThéâtre, le hashtag #OnNePortePasPlaintePourLargent avait pour but de dénoncer l’idée d’un « business des témoignages ».

« Les victimes de violences sexuelles qui portent plainte ne gagnent pas d’argent sur leur viol, écrivait-elle alors sur les réseaux sociaux. Se reconstruire coûte cher : frais de justice, frais de psy, déménagement, perte d’emploi, etc. » Les victimes doivent également payer plusieurs centaines d’euros de frais d’huissier pour rassembler des preuves des faits qu’elles dénoncent.

Suppression de la « consignation »

Le rapport préconise la suppression, dans les affaires de violences sexuelles, de la « consignation » exigée pour se constituer partie civile : cette somme, assimilable à une caution et destinée à dissuader les plaintes abusives, atteint généralement 1 500 à 3 000 euros. Sa somme est fixée par un juge au regard des ressources de la prétendue victime lorsqu’elle est seule à l’origine des poursuites.

Autre recommandation : la revalorisation du barème de l’aide juridictionnelle, versée par l’État aux justiciables pour prendre en charge, partiellement ou totalement, leurs frais d’avocat. Ce barème, qui tient compte des revenus du demandeur, est actuellement « l’un des plus bas en Europe ».

Il faudrait en outre « déconjugaliser » les critères d’attribution de cette aide, « pour que les femmes mariées et pacsées ne s’en voient pas privées et placées en situation de dépendance économique vis-à-vis de leur conjoint », soutiennent les autrices.

VIDÉO - Déclic - Marie Albert : "J’étais journaliste, malheureuse et dépressive. Je subissais des violences sexuelles et sexistes. Et puis j’ai eu un déclic"

À voir également sur Le HuffPost :

 

Lire aussi

Un « Me too des enfants » ? La secrétaire d’État à l’enfance « dubitative » sur la forme

Violences sexuelles : Léo Grasset répond à Mediapart dans une vidéo