Clic-clic et trafics: pourquoi le stylo 4-couleurs est devenu la bête noire des professeurs

À leur retour sur les bancs de l'école, de nombreux écoliers s'apprêtent à brandir leurs stylos 4-couleurs tout neufs... au grand dam des professeurs qui ne l'auraient pas encore banni de la liste des fournitures scolaires. Des enseignants nous expliquent pourquoi cet outil transgénérationnel suscite autant de crispations au sein de leurs rangs.

Clic! Clic! Clic! Avec la rentrée scolaire ce lundi 4 septembre, les professeurs de France, qui font leur pré-rentrée ce vendredi, vont avoir la chance de passer leurs journées au son de la douce mélodie des stylos 4-couleurs qui claquent à travers leurs salles de classe.

À l'école élémentaire, au collège ou au lycée... Le célèbre stylo de la marque Bic, dont le design n'a quasiment pas changé depuis sa création en 1969, déchaîne autant les passions que les crispations au sein des établissements scolaires. À tel point que certains d'entre eux en viennent à les interdire sur leurs listes de fournitures scolaires.

Un bruit fatiguant au fil de la journée

Mais pourquoi tant de haine vis-à-vis de cet incontournable outil, dont la version de base met à portée de doigt quatre couleurs différentes: le noir, le bleu, le vert et le rouge? À en croire les professeurs, c'est le bruit du claquement du mécanisme permettant de changer d'encre qui est à l'origine de leur détestation de cet objet.

"Quand vous en avez un qui fait 'clic-clic' à la rigueur, ça va. Mais quand vous en avez dix...", affirme Guislaine David, enseignante de formation et co-secrétaire générale du syndicat enseignant SNUipp-FSU, à BFMTV.com.

Certains, même, font exprès pour agacer les professeurs. Mais même quand ce n'est pas le cas, ce petit bruit "devient vite pénible à la longue avec 33 élèves de sixième qui passent du bleu au vert, puis au rouge", confirme Sonia Marichal, professeure de mathématiques dans un collège de Saint-Germain-en-Lay (Yvelines), qui a pu constater au fil des années que ces stylos séduisaient toujours autant les élèves, surtout depuis que "la marque a renouvelé ses collections".

Au fil des années, Bic a développé plusieurs versions de son mythique stylo bleu: il existe désormais des éditions dorées, argentées, pastel, métallisées ou encore recouverts de motifs divers et variés. Ce qui lui a permis de réaliser une hausse de 50% de ses ventes de 4-couleurs sur ces cinq dernières années, selon Le Figaro.

S'il ne l'a pas interdit au sein de sa classe, Yann Latour a ainsi décidé d'imposer une règle simple à ses élèves de CM1: "Au début de l'année, je leur précise qu'ils sont autorisés à en avoir, à condition qu'ils ne les fassent pas cliquer continuellement, sans quoi je les confisque", explique ce professeur des écoles à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

L'objet de toutes les convoitises

L'autre problème réside dans les vols et les trafics qui entourent ce styloc, devenu l'objet de toutes les convoitises depuis quelques années. Dans les années 2020, le stylo 4-couleurs est au centre d'un "challenge" à la mode sur les réseaux sociaux, notamment Tiktok: celui d'en dérober le plus possible pour "faire grimper le compteur".

"Les élèves ne marquent pas leur matériel scolaire et ils s’accusent vite de vol, ou bien ils le prêtent et ne récupèrent pas leur bien", note Sonia Marichal, qui est elle-aussi témoin de cette mode depuis quelques années avec ses classes de sixième et de quatrième. Elle raconte que pas moins de "53 stylos 4-couleurs ont été découverts dans le casier d'un collégien" à la fin de l'année dernière.

Une tendance qui agaçe aussi Julie Bocquet, CPE (Conseillère principale d'éducation) dans un collège de l'Essonne. "C'est un jeu entre eux, une mode. Mais ces crayons atterrissent tous dans mon bureau parce qu'ils génèrent beaucoup de conflits entre les élèves, dans les salles de classe ou dans la cour de récréation. Ce qui force les professeurs à les confisquer", raconte-t-elle. Si la tendance commence doucement à passer dans son établissement, la CPE affirme qu'on pouvait lui en remettre une vingtaine par jour à une certaine période.

C'est la raison pour laquelle le stylo 4-couleurs est interdit depuis cette année dans le collège de Villers-Le-Bel (Val d'Oise) où exerce Philippe*. "C'est sans fin. Ça fait des années qu'on a des problèmes à cause de ça, et on n'a pas vraiment de solution car il s'agit de simples crayons rappellons-le. Pendant longtemps, on ne savait pas si on devait prendre ça sérieusement ou pas".

Multiplication des vols et des trafics

L'interdiction du 4-couleurs a été décidée "à la demande de la vie scolaire et de certains collègues professeurs qui en ont eu assez de gérer les problèmes de vols". "Je ne suis pas sûr que ce soit réellement légal, mais ce n'est de toute façon pas respecté par les familles qui en achètent quand même car les élèves les adorent... et adorent se les voler".

Si les deux professeurs n'ont pas forcément un avis tranché sur l'interdiction du stylo fétiche de leurs élèves, Philippe et Sonia Marichal confient toutefois qu'ils ne sont de toute façon "pas très fans" du 4-couleurs. Selon eux, "le corps du stylo est très large et ne facilite pas la bonne prise en main pour des élèves jeunes", selon l'enseignante. Son confrère non plus n'est pas emballé: "D'un point de vue ergonomique, ce n'est pas ça. La plupart des élèves écrivent très mal avec".

Un avis que tous les professeurs ne partagent pas. Certains, comme Yann Latour, reconnaîssent être adeptes de ce stylo qui les a accompagnés tout au long de leur scolarité, et même à l'âge adulte. Le 4-couleurs a même réussi l'exploit de réunir des collectionneurs passionnés. Sur Facebook par exemple, des adeptes du fameux stylo comparent leurs trouvailles, et certains s'adonnent même à du troc ou se revendent leurs éditions les plus rares.

* L'interlocuteur interrogé a souhaité témoigner de façon anonyme.

Article original publié sur BFMTV.com

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