La Ciivise de nouveau en crise, après cinq démissions

Bruno Questel, avocat et ex-député République en marche, à Paris le 27 juillet 2017 (JACQUES DEMARTHON)
Bruno Questel, avocat et ex-député République en marche, à Paris le 27 juillet 2017 (JACQUES DEMARTHON)

La Ciivise une nouvelle fois en crise: cinq membres de la commission indépendante viennent de démissionner, dont l'ex-député et avocat Bruno Questel, poussé au retrait après avoir défendu devant un tribunal un père incestueux.

Polémiques, démissions en cascade, la nouvelle Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) lancée en début d'année est depuis plongée dans la tourmente.

Mercredi, la parution d'un article dans Le Courrier de l'Eure a précipité une nouvelle crise: l'hebdomadaire y révélait que Bruno Questel, nommé en avril au sein du collège directeur de la commission, avait assuré en tant qu'avocat la défense d’un père jugé pour inceste au tribunal d’Evreux le 16 mai. L'homme a été condamné.

"J’ai accepté d’assurer sa défense car je ne sais pas. On ne sait pas ce qui s’est exactement passé. (...) S’il a commis une faute, c’est d’avoir dormi avec sa fille", avait plaidé l'avocat, cité par le journal.

Jeudi soir, dans un communiqué, les membres de la Ciivise se sont "désolidarisés" de ces propos et ont souhaité continuer leurs travaux sans lui.

"Ces propos sont acceptables pour un avocat de la défense, mais la position première des membres de la Ciivise doit être d’écouter et défendre la position des victimes", a expliqué vendredi à l'AFP la secrétaire générale de la Ciivise Alice Casagrande.

Dans un tweet jeudi soir, Bruno Questel a annoncé quitter la Ciivise "avec regret".

Il a expliqué vendredi à l'AFP qu'il "assistait" ce client "depuis dix ans sur d'autres questions". "En décembre 2023, il m’a demandé de le défendre dans cette affaire", a-t-il ajouté, jugeant "difficile de se mettre en retrait à un mois de l'audience".

Ancien député du parti présidentiel, victime de viol dans l'enfance, il souligne devoir poursuivre son métier d'avocat car sa participation dans la Ciivise, commission temporaire, était bénévole.

La Ciivise, lancée en mars 2021 dans le sillage de la publication du livre de Camille Kouchner, "La Familia grande", devait initalement achever ses travaux en décembre 2023.

Sous la pression d'associations et d'élus, le gouvernement avait finalement annoncé son maintien, mais en écartant le très apprécié juge des enfants Edouard Durand, qui était à sa tête.

Depuis les polémiques se sont succédé. Visée par une plainte pour agression sexuelle, la vice-présidente Caroline Rey-Salmon s'est mise en retrait en février. Dans la foulée, a suivi la démission du nouveau président, Sébastien Boueilh, s'estimant "la cible de calomnies et d'attaques personnelles".

Les travaux ont repris en avril sous l'égide d'un quatuor, devenu trio après la démission de Bruno Questel.

- "Messages haineux" -

Deux grosses associations, qui comptaient deux membres chacune, viennent par ailleurs de jeter l'éponge, tout en saluant la "qualité" et les "compétences" des membres de la Commission.

L'Enfant bleu s'est dite "découragée par cette succession d'événements et de polémiques" et souhaite travailler "sereinement".

Plusieurs membres de la Ciivise ont confié à l'AFP avoir subi des attaques très violentes, parfois personnelles, sur les réseaux sociaux. Me Questel indique avoir désactivé son compte Twitter (X) après avoir reçu "des centaines de messages haineux".

Autre association à quitter l'instance, Colosse aux pieds d'argile, pionnier dans la lutte contre les violences sexuelles dans le sport, a mis en avant "l'incapacité de la Ciivise à travailler depuis décembre" et le "manque de moyens" pour expliquer le retrait de ses deux membres.

"Le mandat de 18 mois seulement, les moyens financiers et humains dont est dotée la commission ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Elle a un budget de 200.000 euros", a dit à l'AFP son directeur général adjoint Simon Latournerie.

"Ce n'est pas suffisant pour produire des données scientifiques, des enquêtes en Outre-mer, sur les victimes handicapées", ajoute-t-il.

La précédente Ciivise avait un budget sanctuarisé de 4 millions d'euros sur 2 ans, a indiqué à l'AFP l'ancien secrétaire d'Etat Adrien Taquet, qui l'avait mise en place. "Pour bien fonctionner, la Ciivise doit avoir des moyens", a-t-il indiqué vendredi à l'AFP.

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