En Chine, Emmanuel Macron veut éviter le sujet Taïwan

Emmanuel Macron et Xi Jinping, ici lors de la précédente visite du président français en Chine en 2019.
Emmanuel Macron et Xi Jinping, ici lors de la précédente visite du président français en Chine en 2019.

INTERNATIONAL - Trois ans après sa dernière visite en Chine, Emmanuel Macron retourne ce mercredi 5 avril et pour trois jours à Pékin pour rencontrer (entre autres) son homologue chinois Xi Jinping. Il sera accompagné de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Pour l’Élysée, ce voyage doit permettre de « reconnecter avec la Chine et de trouver de nouveaux paramètres pour la relation bilatérale » dans la période post-Covid. Après une rencontre avec la communauté française et des visites culturelles ce mercredi, Emmanuel Macron va s’entretenir Xi Jinping jeudi, puis de nouveau vendredi autour d’un dîner.

Les partenariats commerciaux ou encore le changement climatique seront au menu des discussions pendant ces quelques jours, mais le chef de l’État ne va pas passer à côté des sujets qui fâchent… ou presque. La guerre en Ukraine, dans laquelle la Chine refuse de condamner la Russie, et les droits des Ouïghours, cette minorité musulmane persécutée, seront abordés par Emmanuel Macron, a assuré le palais.

Reste un éléphant dans la pièce : les tensions entre la Chine et Taïwan, île indépendantiste que Pékin revendique comme son propre territoire. « Il appartiendra aux autorités chinoises de voir si elles souhaitent évoquer ce sujet », a balayé l’Élysée, excluant toute prise d’initiative de la part du président français.

Une guerre à Taïwan serait « désastreuse » pour la France

Les frictions entre Taïpei et Pékin sont constantes depuis des années mais ne cessent de croître, faisant craindre un conflit armé dans le détroit de Taïwan. En 2022, la visite de la cheffe des Représentants américains Nancy Pelosi dans la capitale de l’île avait provoqué la colère noire de la Chine et contribué un peu à plus à l’escalade.

Carte du détroit de Taiwan (« Taiwan Strait » en anglais)
Carte du détroit de Taiwan (« Taiwan Strait » en anglais)

Or si une guerre éclate, « ce serait désastreux sur le plan économique de la France, car les trois quarts de nos téléphones, ordinateurs ou autres appareils électroniques sont constitués de microprocesseurs fabriqués à Taïwan ou sous licence taïwanaise », expliquait fin mars au HuffPost Emmanuel Lincot, professeur à l’Institut catholique de Paris et chercheur rattaché à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Les problèmes ne se concentreraient pas sur les semi-conducteurs, aussi utilisés dans les industries automobiles ou aéronautiques, puisque la circulation de toutes les marchandises qui passent par le détroit serait stoppée. Un coup dur alors que la Chine est l’un des principaux partenaires commerciaux de la France et de l’UE.

Chine, Taïwan, ou les deux ?

« C’est pourquoi il est légitime et nécessaire de faire part au président chinois de la vive préoccupation de la France quant à la montée des tensions dans le détroit de Taïwan, ainsi que de la nécessité pour l’ensemble de la communauté internationale (et donc pour Xi lui-même) de maintenir la stabilité et le statu quo », a jugé dans un article publié lundi le chercheur Marc Julienne, responsable des activités Chine à l’Ifri.

Aborder ce sujet « permettrait de rappeler à Xi Jinping que, quel que soit le statut de Taïwan, une crise serait fatalement internationale et que les puissances voisines et européennes seraient contraintes de réagir d’une manière ou d’une autre pour sauvegarder leurs intérêts », analyse encore Marc Julienne.

Si l’option a vivement été écartée par l’Élysée, c’est par crainte de froisser la Chine. Cette dernière estime que l’île fait partie de ses affaires intérieures et toute intervention d’un État tiers peut être interprétée comme une ingérence. Paris veut surtout conserver sa position d’équilibriste au niveau diplomatique qui consiste à appliquer la politique d’une seule Chine (reconnaître sa souveraineté, ouvrir une ambassade), tout en évitant d’affirmer publiquement que Taïwan fait partie du territoire chinois.

Macron marche sur des œufs

Cette position « permet d’éviter à la France de se prononcer [entièrement] sur les questions de souveraineté », « de ne pas se mettre en porte-à-faux avec nos alliés et partenaires », et de « plus facilement assumer nos coopérations » avec Taïwan, expliquait en août dernier à Franceinfo Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine à la Fondation pour la recherche stratégique. C’est d’ailleurs, à quelques détails près, la position des États-Unis qui soutiennent Taïpei tout en évitant de se mettre Pékin à dos.

Emmanuel Macron risque malgré lui de devoir parler de Taïwan lors de son séjour. Car au même moment, la présidente taïwanaise Tsai Ing-Wen est aux États-Unis pour rencontrer le nouveau président de la Chambre des Représentants, Kevin McCarthy. Dans ce contexte, « les médias chinois risquent de lui poser une question pour isoler Taïwan, diviser les Européens et critiquer les États-Unis », anticipe Antoine Bondaz sur Twitter.

Le chercheur prévient : « Son moindre commentaire sera instrumentalisé par la Chine et tout faux pas aura des conséquences importantes en termes de communication internationale alors même que la France est souvent critiquée pour une forme d’ambiguïté (alors même que sa politique étrangère est assez claire). » Le président français va marcher sur des œufs.

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