"Son chemin ne s'est pas interrompu": Emmanuel Macron appelle "à prendre la suite" de Jacques Delors

Le chef de l'État a salué la mémoire de l'ancien président de la Commission européenne ce vendredi 5 janvier. "Il existe une voie humaniste, européenne, la sienne", a asséné Emmanuel Macron alors que son camp est en fâcheuse posture avant le scrutin des élections européennes en juin.

Un hommage national très politique. À six mois des européennes, Emmanuel Macron a profité des obsèques de Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne et père de la monnaie unique, pour faire passer quelques messages.

"Il a réconcilié la France avec l'Europe" et "l'Europe avec son avenir", a lancé le chef de l'État au début de son discours dans la Cour des Invalides.

Delors, incarnation de "la force économique et de la justice sociale"

Le parcours du socialiste, mort à l'âge de 88 ans jeudi 28 décembre, a de quoi inspirer le chef de l'État. Si le père de Martine Aubry n'a finalement pas brigué l'Élysée en 1995, au grand dam de ses partisans, son histoire a des airs du "en même temps" si cher à Emmanuel Macron.

Jacques Delors a à la fois appliqué le programme de nationalisation promis par François Mitterrand tout en incarnant le "tournant de la rigueur" en 1983 quand il était ministre de l'Économie.

Une fois président de la Commission européenne, c'est également lui qui a lancé la libre-circulation des capitaux sur le continent européen, ouvrant la libéralisation des marchés financiers, avant de créer le programme d'aide européen aux plus démunis.

"Jacques Delors a choisi un chemin difficile, de crêtes, qui s'éloigne des facilités, des faux-semblants, qui a choisi de mêler la force économique et la justice sociale, de réconcilier l'idéal et le réel ensemble", a souligné le dirigeant.

"Figure d'Erasmus, de Schengen, de Maastricht"

Mais au-delà de la figure de Jacques Delors, le contexte politique pousse Emmanuel Macron à sortir du bois. Largement devancé dans les sondages par Jordan Bardella, tête de liste pour les européennes pour le Rassemblement national, la majorité présidentielle aborde en mauvaise posture le scrutin de juin prochain.

Renaissance n'a d'ailleurs toujours investi aucun candidat alors même qu'Emmanuel Macron n'a eu de cesse ces dernières années de chercher à incarner les institutions européennes comme lors de la présidence tournante en 2022.

"Jacques Delors a laissé quelque chose de grand, d'indépassable, celle d'une Europe unie, celle des étudiants Erasmus, de l'espace Schengen, de Maastricht", a défendu le locataire de l'Élysée, soulignant les réalisations effectuées par le père de Martine Aubry lors de son passage à Bruxelles

De quoi y voir une vrai message politique alors qu'une poussée eurosceptique sur tout le continent pourrait avoir lieu lors des européennes. La victoire de Geert Wilders aux Pays-Bas en novembre dernier, l'élection de Giorgia Meloni en Italie en 2022, l'AFD en seconde position lors des dernières législatives en Allemagne...

La constitution d'un large groupe de députés européens très eurosceptique à l'été prochain au Parlement européen est dans toutes les têtes à Bruxelles.

"Un chemin qui se poursuit"

Dans le camp présidentiel, on craint d'ailleurs une Assemblée ingouvernable si les forces pro-européennes à Strasbourg récoltent moins de 50% des voix. Mais le président a fait preuve d'optimisme.

"Le chemin de Jacques Delors se poursuit", a-t-il conclu, jugeant que nombre de figures politiques présentes aux Invalides comme Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne ou Charles Michel, le président du Conseil européen "ont pris sa suite".

D'autres dirigeants plus eurosceptiques étaient cependant présents comme le président hongrois Viktor Orban, malgré de très vives tensions avec la Commission européenne.

Conçu main dans la main avec la famille de Jacques Delors dont Martine Aubry, sa fille, l'hommage s'est conclu avec l'Hymne à la joie, symbole européen, qui a retenti dans la cour des Invalides, après la Marseillaise, un geste rare.

Les socialistes dénoncent "une récupération"

La gauche n'a guère apprécié la manœuvre présidentielle. Avant même la cérémonie, le député socialiste Jérôme Guedj a dit regretter que sa mémoire ne soit pas "exempte de récupération".

Même son de cloche pour sa collègue Valérie Rabault qui a dénoncé "l'indécence" du camp présidentiel qui "récupére les idées d'extrême droite dans une loi immigration et revendique l'héritage socialiste et social-démocrate de Jacques Delors".

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Emmanuel Macron rend hommage à Jacques Delors