"Chaos", "massacre" : ce que l'on sait sur la distribution d'aide humanitaire meurtrière à Gaza

Selon des chiffres fournis par le ministère de la Santé du Hamas, 104 morts et 760 blessés sont à dénombrer. Depuis, deux versions contradictoires des événements s'opposent.

Une distribution qui a tourné au drame. Jeudi 29 février, des soldats israéliens ont ouvert le feu à Gaza sur une foule affamée pendant une distribution d'aide qui a tourné au chaos avec la mort de 104 personnes, selon le bilan transmis par le Hamas.

"Le bilan du massacre de la rue al-Rashid (où la distribution alimentaire avait lieu à Gaza City, NDLR) s'élève désormais à 104 morts et 760 blessés", a déclaré dans un communiqué le porte-parole du ministère de la santé du Hamas, Ashraf al-Qudra, révisant à la hausse un premier bilan hospitalier qui faisait état d'au moins 50 morts. Depuis, deux versions de ce drame s'opposent.

• Les hôpitaux débordés

Selon des témoins et les services de santé de Gaza, les militaires israéliens postés à proximité pour protéger le convoi d'aide ont ouvert le feu sur cette foule qui se précipitait sur les camions, une trentaine selon l'armée israélienne, à leur arrivée sur place.

"Nous sommes allés chercher de la nourriture et de la farine. Ils ont commencé à nous tirer dessus, noué étions blessés dans la rue. Les hôpitaux sont débordés, dit un témoin.

"Nous étions dans la rue al-Rachid, et soudain des chars nous ont pris d'assaut. Il y avait des colis remplis d'aide. Les gens, à cause du manque de nourriture et de farine ont foncé pour les récupérer. C'était le chaos, il y avait des foules de gens, mais les forces d'occupation continuaient à nous tirer dessus, il y a eu tant de martyrs et de victimes", a déclaré à l'AFP un second témoin refusant de révéler son identité.

Des cadavres ont été transportés à l'aide d'une charrette tirée par un âne le long de la route longeant la côte de la bande de Gaza, selon un collaborateur de l'AFP sur place. Dans un communiqué conjoint les factions palestiniennes ont dénoncé un "crime odieux sur des civils sans défense".

Le jour même, le ministère de la Santé du Hamas a annoncé un nouveau bilan de 30 035 morts et 70 457 blessés, la plupart des civils, dans l'offensive d'envergure israélienne depuis le début de la guerre le 7 octobre, dans le territoire palestinien où le Hamas a pris le pouvoir en 2007.

• Israël évoque un mouvement de foule

Pour sa part, Tsahal a reconnu des "tirs limités" de soldats israéliens se sentant "menacés", un responsable de l'armée a fait état "d'une bousculade durant laquelle des dizaines d'habitants ont été tués et blessés, certains renversés par les camions d'aide"

Sur X (ex-Twitter), l'armée israélienne a souligné que "la foule palestinienne a attaqué les camions et que des dizaines de personnes ont été tuées à cause de l'affluence, de la promiscuité et du piétinement", publiant une vidéo présentée comme une vue aérienne de la scène.

Invité sur BFMTV, Olivier Rafowicz, porte-parole de l'armée israélienne, a livré une version similaire et souligné sur ses services ont ouvert une enquête afin de déterminer l'origine des tirs.

"Nous sommes en train d'examiner d'où proviennent les tirs et donc une enquête de Tsahal est également menée par rapport à cet événement grave", a-t-il affirmé. "S'il y a une implication des soldats de Tsahal, nous le ferons savoir très rapidement", promet-il.

• Réactions indignées

Ce drame a provoqué une succession de réactions indignées. La dernière en date, ce vendredi 1er mars, lorsque sur X (anciennement Twitter), Emmanuel Macron a fait part de sa "profonde indignation face aux images qui nous parviennent de Gaza où des civils ont été pris pour cible par des soldats israéliens".

Le président de la République exprime "sa plus ferme réprobation envers ces tirs et demande la vérité, la justice et le respect du droit international."

Dans la nuit de jeudi à vendredi, le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell a dénoncé jeudi un "nouveau carnage" et des morts "totalement inacceptables". Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a également "condamné" les événements.

"Nous ne savons pas exactement ce qui s'est passé. Mais que ces gens aient été tués par des tirs israéliens, qu'ils aient été écrasés par la foule, ou renversés par des camions, ce sont des actes de violence, d'une certaine manière, liés à ce conflit", a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric, décrivant des morts dans des "circonstances horribles".

Les États-Unis ont aussi exigé d'Israël "des réponses", Joe Biden disant que son pays examinerait les "versions contradictoires" du drame.

• Une trêve remise en cause?

Joe Biden s'est dit conscient que le drame de jeudi compliquerait les négociations en vue d'une nouvelle trêve avant le début du ramadan, mois de jeûne sacré pour les musulmans qui commence autour du 10 ou 11 mars.

Il n'y aura "probablement" pas d'accord d'ici lundi, a-t-il affirmé, alors qu'il espérait auparavant un cessez-le-feu d'ici au 4 mars.

Depuis des semaines, les médiateurs internationaux - Qatar, Etats-Unis, Egypte - tentent d'arracher un accord en vue prévoyant une trêve de six semaines associée à la libération d'otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël, ainsi que l'entrée à Gaza d'une importante quantité d'aide humanitaire.

Selon l'ONU, 2,2 millions de personnes, soit l'immense majorité de la population, sont menacées de famine dans la bande de Gaza, en particulier dans le nord, où des Palestiniens ont raconté manger du fourrage ou abattre des animaux de trait pour se nourrir.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - "Je ne voyais pas devant moi et je n'arrivais pas à respirer" : un Gazaoui raconte comment un tir de roquette a détruit son quartier