C'est quoi "Starmania", le mythique opéra-rock bientôt de retour sur scène?

France Gall et Daniel Balavoine dans Starmania en 1979. - Ina
France Gall et Daniel Balavoine dans Starmania en 1979. - Ina

Quand on arrive en ville, Un garçon pas comme les autres, SOS d'un terrien en détresse... les tubes issus de Starmania sont entrés dans la pop culture. Pourtant, l'histoire de l'opéra-rock de Michel Berger et Luc Plamondon, qui revient à la Seine musicale le 8 novembre, est finalement peu connue. On vous raconte comment est né ce projet fou et pourquoi, plus de 40 ans après, il est plus moderne que jamais.

• Comment est né le projet ?

C'est Michel Berger, qui, le premier, rêve de composer un opéra-rock à l'américaine. Le musicien a "toujours considéré que les Français pouvaient faire comme les Américains", raconte François Alquier, auteur de L'Aventure Starmania (Editions Hors Collection). Michel Berger en est persuadé, il y a un public pour cela et ça peut marcher.

Il veut d'abord faire un opéra-rock autour de l'histoire de Patricia Hearst, cette héritière, petite-fille d'un magnat de la presse enlevée en 1974 par des terroristes d'extrême gauche, et qui finit par embrasser leur cause. Le projet s'intitule alors Angelina, mais ne verra jamais le jour.

France Gall, qui a découvert le style de Luc Plamondon à travers Diane Dufresne, pense à lui pour cette adaptation. Michel Berger aime son écriture, ses thèmes, ses tournures violentes. Il est tellement emballé, qu'il l'appelle en pleine nuit, oublieux du décalage horaire entre la France et le Québec. Les deux auteurs se rencontrent et commencent à travailler sur ce qui va devenir Starmania.

• Ca raconte quoi, "Starmania" ?

Berger et Plamondon situent leur opéra rock dans un futur sombre, et évoquent des thèmes tels "le désespoir de la jeunesse, le vedettariat de pacotille, le terrorisme, l'écologie", évoque François Alquier. L'histoire se déroule à Monopolis, nouvelle capitale de l'Occident, victime des Etoiles noires, des terroristes dont le chef Johnny Rockfort agit sous l'emprise de Sadia, une étudiante agitatrice issue de la haute société.

On croise dans cet univers Zéro Janvier, milliardaire lancé en politique qui brigue la présidence, auquel on prêtait à l'époque une ressemblance avec Silvio Berlusconi ou Bernard Tapie. Trois histoires d'amours se trament dans ce contexte, celle de Marie-Jeanne, serveuse automate, amoureuse de Ziggy, "qui aime les garçons", comme le dit la chanson. Celle de Zéro Janvier et Stella Spotlight, ex-actrice de cinéma, et la passion de Johnny Rockfort et Cristal, "présentatrice vedette d'une émission de télévision nommée Starmania".

• Est-ce que ça a marché à l'époque?

Le succès de Starmania est loin d'être immédiat. Les ventes de l'album, enregistré mi-1978 sorti en amont du spectacle, en octobre de la même année, ne décollent pas. Le projet détonne dans le paysage musical de l'époque, en pleine folie disco. Et puis hormis France Gall, il n'y a pas vraiment de tête d'affiche sur cet album. Daniel Balavoine est encore loin d'être au sommet de sa gloire. Quant aux Québécoises Diane Dufresne et Fabienne Thibeault, elles ne sont pas des stars en France.

Il faudra une émission de Marie-France Brière spéciale Starmania sur Antenne 2 pour lancer l'album. Le spectacle, qui se joue à partir du 10 avril 1979, pendant 4 semaines au palais des Congrès de Paris. Et malgré des critiques assassines, fait salle comble. Il n'y aura aucune captation de ces représentations de Starmania. "On n'y a pas pensé", livrera l'ex-PDG de Warner Bernard de Bosson à François Alquier.

Deux autres versions de Starmania verront le jour, l'une en 1988, l'autre qui se jouera de 1993 - un an après la mort de Michel Berger - jusqu'en 2000. Cinq millions de spectateurs ont ainsi vu l'une des versions de Starmania dans le monde entier.

• Pourquoi ça a marché?

L'opéra-rock, très spectaculaire, à la fois majestueux et fututriste, marque les esprits, et ouvre la voie à une nouvelle ère du spectacle visuel. "C'est Tom O'Horgan, metteur en scène de Jésus-Christ Superstar et de Hair, qui a signé la mise en scène de Starmania", relève l'enseignant-chercheur à l'université d'Angers, Bernard Jeannot-Guérin.

• Pourquoi c'est encore terriblement d'actualité

On serait tenté de qualifier les thèmes évoqués par Luc Plamondon et Michel Berger dans Starmania de visionnaires, tant ils résonnent aujourd'hui de façon très contemporaine,

Pourtant, rappelle Bernard Jeannot-Guérin "Luc Plamondon et Michel Berger avaient parfaitement compris leur présent. Ils ont donné à ce présent, qu'ils analysaient en 1978-79, une forme d'intemporalité.

"Il y a une dimension extrêmement futuriste, dans l'esthétique de Starmania. Il y a une idée de science-fiction. En revanche, même si les thèmes développés en 1978 nous parlent aujourd'hui énormément, liés à la politique, aux attentats, à l'éco-anxiété ou aux questions du genre, c'était des thématiques qui émergeaient déjà dans les années 1970".

Les questions de transidentités commencent à apparaître. Le terrorisme fait également rage dans les années 1970, alors que l'Europe est plongée dans les "années de plomb", et qu'en Allemagne et en Italie, sévissent des mouvements comme le Fraction armée rouge ou les Brigades rouges. "Berger et Plamondon n'ont fait que systématiser des grandes problématiques de la tragédie humaine, au prisme de ces problématiques sociales", relève encore Bernard Jeannot-Guérin.

Quant à l'éco-anxiété, elle commence aussi à voir le jour, en pleine guerre froide, alors que l'angoisse de l'arme nucléaire est bien présente.

Article original publié sur BFMTV.com