CBC/Radio-Canada, NPR... Pourquoi ces médias cessent leurs activités sur Twitter

Le logo du média américain NPR, qui a annoncé cesser ses activités sur Twitter jusqu’à nouvel ordre.
Le logo du média américain NPR, qui a annoncé cesser ses activités sur Twitter jusqu’à nouvel ordre.

TWITTER - Le groupe de médias public CBC/Radio-Canada a annoncé ce lundi 17 avril sa décision de « suspendre » ses activités sur Twitter. Il a été suivi dans la foulée par la radio publique suédoise SR. La semaine dernière, on apprenait que la radio publique américaine NPR était devenue le premier grand média à quitter Twitter pour protester contre les nouvelles politiques du réseau.

En cause :  la décision de la plateforme d’Elon Musk d’accoler de nouvelles étiquettes « financés par le gouvernement » à des médias publics du monde entier. Avant cela, de tels labels avaient été appliqués à des comptes Twitter de médias lancés ou gérés par des régimes autoritaires, et qui pouvaient être assimilés à de la propagande d’État : par exemple les médias russes comme TASS, Russia Today (RT) ou Sputnik, ou l’agence chinoise Xinhua.

L’extension de ces labels à tous les médias fonctionnant d’une manière ou d’une autre grâce à des fonds publics fait grincer de nombreuses dents.

France Télévisions et Radio France concernés

« En mettant ainsi en doute notre indépendance au moyen de cette étiquette mensongère visant à tromper le public, ce réseau remet en question l’exactitude et le professionnalisme du travail effectué par nos journalistes », a déclaré le groupe canadien CBC/Radio-Canada dans un communiqué ce lundi.

« Notre journalisme est impartial et indépendant. Prétendre le contraire est faux », s’est défendu CBC/Radio-Canada qui rappelle que son « indépendance éditoriale » est protégée par loi, et qu’il est « financé par des fonds publics au moyen d’un crédit parlementaire voté par tous les députés ».

Sur la page d’aide de Twitter (disponible uniquement en anglais), l’étiquette de « média financé par le gouvernement » renvoie à la définition suivante : le gouvernement « fournit une partie ou la totalité du financement et peut avoir divers degrés d’implication sur le contenu éditorial ».

Les trois définitions (en anglais) des labels apposés aux comptes de médias sur Twitter
Les trois définitions (en anglais) des labels apposés aux comptes de médias sur Twitter

En France, les comptes des médias de l’audiovisuel public France Télévisions, Radio France et France Médias Monde se sont vus affublés depuis peu de la mention « média à financement public », différente donc de celle de média « financé par le gouvernement ». Contactés par Le HuffPost, ni France Télévisions ni France Médias Monde n’ont souhaité commenter cette nouvelle étiquette.

La mention « média à financement public » figure désormais sur le compte Twitter de France Télévisions (capture du 18 avril 2023)
La mention « média à financement public » figure désormais sur le compte Twitter de France Télévisions (capture du 18 avril 2023)

« Média affilié à un État »

Connue et respectée aux États-Unis, où elle revendique 46 millions d’auditeurs et lecteurs par semaine sur ses stations, podcasts et sites internet, la National Public Radio avait elle annoncé que ses « comptes (...) ne seront plus actifs sur Twitter », en accusant le réseau de prendre des mesures qui « sapent notre crédibilité ». NPR, qui revendique son indépendance éditoriale et qui a rappelé à l’occasion que seulement 1 % de son budget venait de fonds publics, s’était en effet vu appliquer le label de « média affilié à un État ».

D’abord affublée du même label, la BBC britannique s’est plainte et a été requalifiée de « média financé par le gouvernement ». Enfin, la mention de « média à financement public », accolée aux comptes de l’audiovisuel public français évoque des médias « qui reçoivent un financement sous forme de droits de licence, de contributions individuelles, de financement public et de financement commercial » selon Twitter.

Les départs de grands médias de la plateforme Twitter interviennent sur fond de mise en place d’une nouvelle politique de certification controversée, le réseau accordant à partir du 20 avril sa célèbre coche bleue à ceux qui paieront pour s’en prévaloir.

Début avril, elle a ainsi retiré cette coche au compte principal du New York Times (55 millions d’abonnés), dans un autre geste de défiance à l’égard d’un média respecté mais considéré comme trop à gauche par une partie des conservateurs.

Ceci alors qu’Elon Musk, nouveau propriétaire de Twitter, fait volontiers preuve de mépris envers les médias. Ces derniers temps, les questions de la presse au service de communication de Twitter se voient renvoyer en email automatique, un émoticône en forme d’étron.

Depuis qu’il a racheté la firme à l’oiseau bleu, Elon Musk a aussi assoupli la modération des contenus sur le réseau, laissant revenir de nombreux utilisateurs bannis à cause de messages incitant à la haine ou relevant de la désinformation. Il a aussi licencié à tour de bras, faisant passer les effectifs du groupe de 7 500 à moins de 2 000 employés.

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