Catherine Draveil, ancienne religieuse : “À 22 ans, je suis rentrée dans un monastère cloîtré, j’en suis sortie 40 ans plus tard”

“Il n’y a pas d’âge pour apprendre à vivre”. Nonne pendant 40 ans, Catherine Draveil s’est libérée de cette emprise il y a peu. Aujourd’hui, elle a décidé de croquer la vie à pleines dents et de réaliser toutes ses premières fois, à 60 ans passés. Pour Yahoo, elle a accepté de se livrer sur son histoire, revenant notamment sur son éducation, sur sa vie dans le monastère mais aussi sur sa libération. Un témoignage poignant.

Elle vivait avec des œillères mais a depuis, retrouvé le chemin de la liberté. Catherine Draveil, autrice du livre autobiographique “Métamorphose” (ed. Pierre Favre), a été religieuse pendant 40 ans dans un monastère. Mais après toutes ces années de vœux de pauvreté, de chasteté, d'obéissance et d’emprise psychologique, l’ancienne nonne s’est enfin libérée après une prise de conscience et vit désormais sa vie comme elle l’entend (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

Depuis sa plus tendre enfance, Catherine entend une voix dans sa tête qui lui affirme qu’elle sera religieuse. Bercée par la religion, dont la place est “très importante” dans sa famille, elle apprend le mode d’emploi d’une vie chrétienne, une étape obligatoire pour “arriver un jour au ciel”. “Dieu est la réponse à tout, quelle que soit la question. C’est assez enfermant”, explique-t-elle, confiant ne pas être heureuse dans ce milieu très traditionnaliste. Constamment bridée, elle culpabilise à chaque petite bêtise.

Au fond d’elle, Catherine rêve d’une vie de famille et tente donc d’étouffer cette injonction morale qui lui enjoint de devenir religieuse. Elle continue son chemin et fait quatre ans de médecine, avant, finalement, d’être rattrapée par son éducation et la culpabilité. “En 1975, j’avais 22 ans et demi. Je suis rentrée dans un monastère cloîtré, j’en suis sortie 40 ans plus tard”, à plus de 60 ans.

Comme elle l’explique, sa décision pourrait notamment s’expliquer par la pression exercée par ses parents mais aussi par un traumatisme subi lors de son enfance. “À six ans, j’ai subi des attouchements de la part d’un adolescent. Et lorsqu’à 20 ans, un garçon a voulu m’embrasser, je me suis complètement bloquée et je suis partie en courant”, d’où peut-être l’envie d’entrer “dans un lieu de sécurité” et de suivre les ordres.

VIDÉO - Catherine Draveil, ancienne religieuse : “Dans ma tête, si je sortais, je prenais le chemin de l’enfer”

Seulement voilà : la jeune fille, qui porte le nom de Maria Pia, est loin de savoir ce qui l’attend. ”Je pensais entrer au couvent pour apprendre à vivre, j’y ai appris à mourir”, déplore-t-elle tout en expliquant ne pas en avoir pris conscience à ses débuts dans l’abbaye. “La première année, je suis absolument choyée. On m’écoute, on me fait beaucoup parler”. Malgré tout, la jeune femme pleure tous les jours, un signe évident de son mal être. “Aujourd’hui, si une mère supérieure voyait une personne pleurer comme je le faisais, elle me conseillerait vivement de finir mes études et de revenir plus tard si j’en avais eu l’envie”. Mais à son grand désarroi, Catherine tombe sur une supérieure “manipulatrice et paranoïaque”.

“Pour elle, plus j'étais malheureuse, plus je faisais un grand sacrifice et plus j’allais sauver d’âmes”. Il ne fallait donc, en aucun cas, remettre en question le choix d’avoir donné sa vie à Dieu, le choix d’avoir choisi cette vocation, “la plus belle au monde”. Comme elle explique, cette femme-là exerce une forte pression sur elle et entreprend des actions qu’aucune autre, de son grade, ne se permettrait. “La deuxième année, j'ai eu des éclairs de lucidité et j’ai donc commencé à lui faire des réflexions”. Deux choix s’offrent donc à elle. Rester ou partir comme le lui suggère sa mère supérieure, à la porte de clôture. C’est là où elle se rend compte de son “terrible conditionnement”. “Je vais changer, gardez-moi, je vous en supplie”, lui implore-t-elle. “Dans ma tête, si je sortais, je prenais le chemin de l’enfer”.

VIDÉO - Catherine Draveil, ancienne religieuse : “Je ressentais une certaine angoisse à l’idée de revenir dans cette prison”

Mais après 38 ans de stricte obéissance, Catherine prend conscience de sa condition et décide enfin de dire non. “J’ai mis deux ans avant que l’idée de quitter la vie religieuse puisse m’atteindre”. La sexagénaire ressent de la colère et une certaine angoisse à l’idée de rester encore dans cette “prison”. Des sentiments qu’elle a besoin d’exprimer. C’est finalement grâce aux mots d’un jésuite et à un passage chez le père Abbé de la communauté de son frère qu’elle décide de sauter le pas et de quitter la vie monastique. Dès lors, Catherine se libère complètement de toute sa culpabilité et reprend en main sa vie. “Je suis repassée par toutes les étapes. La petite fille, l’adolescente qui fait n’importe quoi ou encore la jeune femme de 20 ans”. Un changement de vie qui lui permet de se découvrir, de se réapproprier ses désirs et son propre corps.

Depuis, elle vit intensément et croque la vie à pleines dents bien que les premiers temps aient été difficiles. Lâchée dans le grand bain, elle a éprouvé de grandes difficultés à prendre des décisions seule, de là à ne même pas pouvoir choisir un plat dans un restaurant. Mais Catherine n'a aujourd'hui aucune regret. Comme elle le dit, elle est passée "de l'existence à la vie". Elle s’est mariée à l’âge de 70 ans, saute en parachute, fait du parapente, du rafting ou encore du trekking, des activités à sensations fortes qui la font se sentir en vie.

Retrouvez en intégralité l'interview de Catherine Draveil