Le cash misère

“Ça fera 274 000 livres libanaises”, m’annonce la caissière la première fois que je me rends dans un café à Beyrouth. Pour payer deux cafés, deux jus de fruits et deux pâtisseries. Quelques courses au supermarché ? Passez directement à la facture en millions et dégainez la liasse de billets pour payer quelques bananes et un paquet de pâtes.

Pourquoi ne pas utiliser ma carte bancaire, me direz-vous ? Qui s’est habitué à régler jusqu’à sa baguette sans contact ne peut en effet que rester surpris de payer ses dépenses uniquement en liquide. La réponse tient en peu de mots : crise économique et financière. Sans détailler toute la complexité de la situation, je résumerai en donnant quelques éléments de compréhension.

Effondrement du secteur bancaire

En 2019, le système bancaire se trouve confronté à une crise de liquidités. La Banque mondiale et le think tank libanais Triangle parlent même d’écroulement d’une pyramide de Ponzi, montage financier frauduleux atteignant dans ce cas les épargnants. Les fonds des Libanais sont bloqués par les banques. Avec des conséquences en cascade : la dévalorisation de la livre libanaise – de plus de 95 % depuis 2019 –, ainsi que l’hyperinflation. Sans compter une économie et un système bancaire en quasi-faillite, et une paupérisation du Liban – plus de 80 % de la population se trouvant désormais sous le seuil de pauvreté.

Actuellement, les Libanais ne peuvent retirer qu’un maximum de 300 dollars par mois. Ils doivent en plus avaler la couleuvre d’une décote d’environ 80 % de la valeur des sommes déposées avant la crise des banques, en 2019. Ainsi, pour obtenir 20 dollars, ce sont 100 dollars qui sont prélevés sur leur compte. Les Libanais appellent même ces dollars issus de la banque des “lollars”. Un surnom surtout synonyme d’évaporation de leurs économies. Celles de toute une vie pour les plus âgés, qui se voient pour certains obligés de reprendre le chemin du salariat pour survivre.

Le pays où le cash est roi

Au quotidien, cela a engendré une absence totale de confiance dans les banques, la mise en place d’un système D pour changer des dollars en livres au marché noir et l’avènement du cash au détriment de la carte bancaire.

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