Canicule : comment les États fabriquent la pluie

En Chine, aux Etats-Unis ou encore en France, la technique de l’ensemencement des nuages est utilisée pour faire tomber des précipitations.

L’ensemencement des nuages consiste à introduire des particules pour accélérer le phénomène naturel de condensation (crédit : getty image)
L’ensemencement des nuages consiste à introduire des particules pour accélérer le phénomène naturel de condensation (crédit : getty image)

Faire la pluie et le beau temps est à portée de l’homme. Avec plus ou moins de réussite. Les Etats sont de plus en plus nombreux à vouloir exploiter les nuages à leur avantage grâce à la technique de l’ensemencement, dans un contexte de sécheresse mondiale où les effets du changement climatique se font sentir. Les Emirats arabes unis, les Etats-Unis, la Thaïlande ou encore la Chine ont lancé leur propre plan pour tenter de récupérer le maximum d’eau. En France, l’Association nationale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques et l’entreprise Selerys pratiquent aussi l’ensemencement afin de prévenir les dégâts des grêlons dans les champs.

Comment fonctionne l’ensemencement ?

Il n’est, à ce jour, pas possible de créer un nuage de manière artificielle. Il est en revanche possible de faire grossir ceux qui existent, comme les cumulus, pour faire tomber la pluie. Pour cela, les scientifiques utilisent la technique de l’ensemencement, découverte dans les années 1950. Cette technique consiste à introduire des particules (iodure d’argent, neige carbonique…) par avion, roquette ou brûleur diffusant la fumée depuis le sol pour accélérer le phénomène naturel de condensation.

"Les substances utilisées pour l’ensemencement des nuages sont hydrophiles et permettent de fixer la vapeur d’eau dans l’air à un noyau de condensation ou de favoriser l’agrégation des gouttelettes d’eau présentes dans les nuages", précise François-Marie Breon, climatologue et chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement à France Culture. Devenues suffisamment grosses, les gouttelettes vont ensuite tomber sous forme de précipitations.

L’ensemencement, utile contre les sécheresses ?

Cette technique a fait ses preuves pour faire tomber la pluie avant que les gouttes ne se transforment en grêle et détruisent les cultures agricoles. C’est dans ce but qu’une vingtaine de départements français y ont recours au printemps notamment.

En revanche, elle est nettement plus aléatoire pour contrer la sécheresse. Une étude de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) de 2019 montre que la hausse des précipitations oscille entre 10 et 20%. Des résultats assez faibles comparés à l’énergie que l’opération nécessite.

Dans un article du Monde, Andrea Flossmann, professeure à l’université Clermont Auvergne et coprésidente du groupe d’experts sur la modification météorologique de l’OMM explique que la masse d’eau contenue dans un nuage convectif de 1 kilomètre cube s’élève à 1 000 tonnes. En terme d’énergie, cela représente 2,5 terajoules, “soit l’équivalent de ce que consomment 130 habitants de Paris pendant une année entière”. “Une salière dans une énorme quantité d’eau en somme”.

Des programmes de recherche pour améliorer les effets de l’ensemencement des nuages sont en cours aux quatre coins du globe. Les Emirats arabes unis par exemple, qui veulent être en pointe dans le domaine, n’hésitent pas à mettre les moyens. A partir de 2024, des lauréats bénéficieront d’1,5 million de dollars sur trois ans pour développer leur projet. C’est ainsi qu’un nouveau matériel utilisant des nanotechnologies, composé de sel et de dioxyde de titane, a vu le jour. Sa promesse : former 2,5 fois plus de gouttes d’eau que l’iodure d’argent.

Les risques de l’ensemencement

L’ensemencement des nuages soulève de nombreuses questions de santé publique. Les substances utilisées, comme l’iodure d’argent, se retrouvent ensuite au sol et peuvent contaminer les surfaces des sols et souterraines. Les études menées sur le sujet ne montrent que des effets “modérés” pour l’instant. Mais il n’y a que très peu de recul sur le sujet. “L'iodure d'argent est toxique en quantités importantes, précise Andrea Flossmann aux Echos. Mais pour le moment, les concentrations observées au sol restent en dessous des seuils donnés par l'OMS.”

Sur le plan géopolitique, la technique a déjà déclenché des tensions. En 2018, un général iranien a accusé Israël d’avoir aggravé le manque d’eau dans son pays en volant les nuages de la région. Aux Etats-Unis aussi, la technique a attisé une "petite bataille des nuages", bien qu’il soit difficile de connaître la quantité réelle d’eau détournée.

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