Boualem Sansal : « Je suis sur toutes les listes noires »

 L’écrivain Boualem Sansal. Dernier ouvrage paru : « Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre » (Gallimard). - Credit:
L’écrivain Boualem Sansal. Dernier ouvrage paru : « Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre » (Gallimard). - Credit:

Je peux en parler, je suis une victime de l'antisémitisme. Doublement car je ne suis pas juif génétiquement parlant, culturellement je le suis assez. Je raconte ça dans mon roman Rue Darwin. L'affaire remonte aux années 1958-1962, en pleine guerre d'Algérie. Ma famille venait de rallier Alger, à Belcourt, un quartier populaire cher à Camus. Pour tout logis, une chambre attenante à la synagogue du quartier, guère plus grande que notre carrée. Cette proximité allait décider de la suite. Le rabbin est devenu mon meilleur copain. J'avais 5-10 ans, il en avait 75-80, plus de paroissiens du tout et plus de temps devant lui pour transmettre sa sagesse et son immense savoir judaïques.

C'est ainsi que je suis devenu grouillot de synagogue et apprenti rabbin, juif par la culture et non par ma mère, qui n'avait pas de religion et n'a jamais trouvé le temps d'en adopter une. On m'appelait Rabbinet dans le quartier, en se pinçant le nez. Dans ce pays qui rassemblait en son sein généreux tous les naufragés et les captifs de la Méditerranée post-ottomane et andalouse, personne ne savait vraiment qui était quoi. On disait en vrac pieds-noirs pour les uns, indigènes pour les autres.

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