Avant de lire Jon Fosse, prix Nobel de littérature 2023, il y a une chose que vous devez savoir
LITTÉRATURE - Si Marcel Proust est connu, chez nous en France, pour ses phrases à la longueur inimitable, Jon Fosse se distingue en Norvège, d’où il est originaire, par un style bien à lui. Et pour cause, l’œuvre théâtrale de l’écrivain et dramaturge, qui a reçu ce jeudi 5 octobre le prestigieux prix Nobel de littérature à Stockholm, ne compte aucune ponctuation.
Vous avez bien lu : ses pièces de théâtre ne comportent pas de point, contrairement à la plupart de ses romans, comme Matin et soir – dans lesquels la ponctuation est tout de même considérée comme « imprévisible ».
En lieu et place des points (notamment d’interrogation, que Jon Fosse évite tout particulièrement), l’auteur norvégien multiplie les répétitions, sans abandonner pour autant les virgules (même si elles sont rares). Son écriture, dite dépouillée, confère aux dialogues un caractère familier et « aux mots de tous les jours une étrangeté », note Marion Chénetier, chercheuse de l’Université Paris Sorbonne Nouvelle, dans la revue Études théâtrales.
D’après elle, l’absence de ponctuation fait vaciller les inflexions et les intonations attendues. « On a ainsi affaire à une écriture à tel point vidée de son contenu informatif qu’elle en devient presque abstraite, et qui au lieu de délimiter les personnages ou le sens, les ouvre à l’extrême, les maintient dans un état d’ouverture ou de disponibilité maximale », écrit la chercheuse, selon qui « l’écriture suspensive semble n’avoir pas de fin ».
L’exemple ci-dessous, qui nous vient de la pièce Dors mon petit enfant, est parlant :
« Personnage 3
tout le monde comprend tout
et rien
Personnage 1
Il n’y a plus rien à comprendre
Personnage 2
Tout ça c’est fini
Personnage 3
Maintenant nous sommes amour
maintenant nous sommes là où se trouvent l’amour
et le grand repos
Maintenant aucun de vous
ne doit plus rien dire
maintenant nous allons tous nous taire
ne pas penser
ne rien dire
Maintenant les pensées c’est fini
Maintenant les mots c’est fini »
Autre particularité déroutante de son œuvre et dont témoigne aussi l’exemple du dessus : sur les onze pièces que Jon Fosse a écrites, seules cinq d’entre elles donnent des noms à certains de ses personnages, mais pas tous. Dans trois d’entre elles, on ne connaît le nom que d’un seul personnage.
Jon Fosse n’est pas le seul
Malgré ces détails de l’œuvre de Jon Fosse, qui rendent ses textes peu accessibles au grand public, l’écrivain fait partie des auteurs vivants dont les pièces de théâtre sont les plus jouées dans le monde. Deux d’entre elles, Quelqu’un va venir et Mélancholia I, figurent parmi les plus connues. Elles ont été mises en scène par le Français Claude Régy, ce qui a permis à Jon Fosse d’être révélé en France.
Ceci étant, il n’est pas le premier à délaisser la ponctuation. Georges Perec l’a fait dans L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, un texte comprenant une seule phrase grammaticale à la deuxième personne du pluriel, sans ponctuation.
Philippe Sollers, aussi, avec son roman Paradis, paru en 1981. Et plus récemment, Verre cassé, un monologue humoristique qui a révélé l’auteur congolais Alain Mabanckou en 2005, ne compte, lui, que des virgules et des guillemets. Ces exemples ne sont pas exhaustifs. En revanche, contrairement à eux, notre article sur le sujet s’arrête ici et se clôture bel et bien par un point.
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