Avant Lina, ces 10 disparitions d'enfants ont marqué les esprits

Près d'un mois après sa disparition dans le Bas-Rhin, Lina, 15 ans, reste introuvable. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, l'enquête se poursuit également pour retrouver Émile, 2 ans et demi, disparu en juillet dernier. En France, la disparition d’un enfant est signalée toutes les 12 minutes, selon un rapport de 116 000 Enfants Disparus, soit plus de 40 000 signalements en 2022. La plupart sont des fugues (95 %), d'autres des enlèvements parentaux (1,2 %), d'autres encore (2,8 %) sont qualifiés de disparitions inquiétantes.

En près de cinquante ans, beaucoup ont marqué la mémoire collective. Retour sur dix grandes affaires d’enfants disparus, dont beaucoup n’ont jamais été résolues par les enquêteurs.

• Yves Bert, l’un des plus anciens cold case de France (1977)

Chaque jour, Yannick et son petit frère Yves, 6 ans, ont l’habitude d’attendre que leur maman vienne les chercher, devant l’école Mazenod, à Lyon (Rhône). Mais le 3 février 1977, Yannick attend en vain, son petit frère n’arrive pas. Pourtant, le concierge de l’école a bien vu Yves sortir de l’établissement, tenant une autre élève par la main. Puis plus rien. À 18h, les parents avertissent la police, la ville est placardée d’affiches promettant de ne pas porter plainte contre un supposé ravisseur.

Dix mois plus tard, les parents reçoivent une lettre anonyme affirmant qu’Yves est en bonne santé et vivant. Mais Yves Bert, qui aurait aujourd’hui 52 ans, n’est jamais réapparu. "Une moitié de moi est morte depuis quarante ans", confiait sa mère Thérèse au Parisien en 2017. "Le plus difficile pour une mère, c'est de ne pas savoir. C'est ce doute terrible. Je n'ai rien."

• Les disparus de l’Isère (1983-1996)

En 13 ans, neuf enfants et adolescents, âgés de 5 à 15 ans ont disparu ou ont été tués dans la région de Grenoble, enlevés en pleine journée. Ces affaires sont rassemblées sous le nom des "disparus de l’Isère".

Le premier à disparaître est Ludovic Janvier, 6 ans. Enlevé en pleine rue à Saint-Martin-d’Hères, sous les yeux de ses frères Nicolas et Jérôme. Ils sont abordés par un homme qui leur promet des bonbons s’ils l'aident à retrouver son chien. "J’ai laissé Ludovic partir avec cet homme. Quand j’ai vu le regard qu’il me lançait, j’ai compris que j’avais fait une bêtise, mais c’était trop tard (...) Le regard de Ludovic me hante", a expliqué Jérôme à France Bleu. Depuis ce terrible 17 mars 1983, personne n’a revu Ludovic. L'enquête, rouverte en 2015, est aujourd'hui gérée au pôle de Nanterre, chargé des cold cases.

Les années suivantes, les disparitions de petites filles et garçons s'enchaînent près de Grenoble ; l'un d'entre eux, Grégory, 10 ans est retrouvé en vie. Au total, cinq sont retrouvés étranglés ou égorgés, trois n'ont jamais été retrouvés. C'est notamment le cas de Charazed Bendouiou, 10 ans, dont la disparition marque les esprits : elle se volatilise le 8 juillet 1987, en bas de son HLM de Bourgoin-Jallieu, alors que sa mère lui avait demandé de descendre les poubelles. Alors que l’orage éclate, l’enfant ne remontera jamais. L’enquête est close deux ans plus tard dans l’indifférence générale, mais la famille ne l’apprend qu’en 2003. "Pendant seize ans, personne n’a cherché ma sœur", dénonce sa soeur Ferrouze. En 2005, Charazed sera finalement inscrite sur le fichier des personnes disparues. Ses parents ont voulu garder le même appartement au cas où leur petite fille reviendrait.

• Aurore Pinçon (1995) et Estelle Mouzin (2003), l'ombre de Michel Fourniret

Les policiers ont un temps pensé à une fugue. Dans la nuit du 20 au 21 décembre 1995, Aurore Pinçon, 14 ans, quitte la maison familiale de Guérande (Loire-Atlantique), à vélo, son cartable sur le dos. Une lettre est laissée dans sa chambre et pourtant, Aurore ne donnera plus jamais signe de vie. En 2020, 25 ans après sa disparition, son ADN est comparé avec ceux retrouvés sur un matelas du tueur en série Michel Fourniret ; ce dernier avait enlevé une collégienne dans le département cinq ans auparavant. Cet élément ne donnera rien, laissant l'enquête au point mort.

Un autre cas marque la France en 2003 : Estelle Mouzin disparaît en rentrant de son école de Guermantes (Seine-et-Marne) le 9 janvier 2003. Sa mère, de retour du travail, signale sa disparition le soir même. Le pays se mobilise pour la retrouver, en vain. Au fil des ans, plusieurs fausses pistes émergent (un corps dans un restaurant du département, des photos sur un site pédophile) mais il ne s'agit jamais d'Estelle. D'abord suspecté, Michel Fourniret fournit un alibi ; mais en 2018, le tueur en série "n'a pas nié être impliqué" dans sa disparition. Encore deux ans plus tard, face à la juge, Michel Fourniret affirme qu'elle peut le "considérer comme coupable". En 2021, Monique Olivier, la femme du tueur, avoue avoir accompagné Michel Fourniret au bord du bois d'Issancourt-et-Rumel, dans les Ardennes, pour qu'il enfouisse le corps de la fillette. Mais le corps n'a jamais été retrouvé.

• Maddie McCann, l’affaire internationale qui glace la France (2007)

L'affaire avait été particulièrement couverte par les médias européens ; le soir du 3 mai 2007, la petite Maddie, une fillette anglaise de 3 ans, est vue pour la dernière fois en vie, à Praia da Luz au Portugal, où sa famille et des amis passaient les vacances. A 21h15, son père Gerry va vérifier que ses enfants dorment bien. À 21h25, c'est au tour de la mère, Kate, d'y aller mais un ami, Matt Oldfield se propose de le faire à sa place. Il voit de la lumière, entend du bruit et, rassuré, repart sans être entré dans la chambre des enfants. Vers 22h, quand Kate s'y rend à nouveau, Maddie n'est plus dans son lit. Les volets et la fenêtre sont ouverts.

Des enquêtes portugaise et britannique démarrent mais piétinent durant des années. Si l'affaire n'a toujours pas été élucidée, un suspect interroge néanmoins les enquêteurs depuis 2020 : Christian Brueckner, un pédophile multirécidiviste allemand de 45 ans. Il vivait près de l'hôtel portugais de Maddie au moment des faits et est aujourd'hui incarcéré pour une autre affaire. Récemment, un kit de crochetage était trouvé à son domicile portugais, laissant penser à la police qu’il l’aurait utilisé pour passer par la fenêtre.

• Mathis Jouanneau, le silence d’un père kidnappeur (2011)

Les parents de Mathis Jouanneau s'étaient mis d'accord : le 4 septembre 2011, c'était au père, Sylvain, de ramener son fils après sa garde, chez son ex-épouse, dont il est divorcé depuis six ans, à Caen. Mais à la place, le père enlève l'enfant de 8 ans. Sylvain laisse à ses propres parents une lettre, dans laquelle il dit souhaiter disparaître volontairement avec le petit garçon, mais qu'il n'a pas l'intention de se suicider.

Interpellé trois mois plus tard, errant seul près d'Avignon, puis jugé en 2015, le père est condamné à 20 ans de réclusion pour l'enlèvement et la séquestration de Mathis. Des recherches ont lieu en France, en Espagne, en Italie et au Maroc mais Mathis est resté introuvable. Lors de son procès, Sylvain, qui s’est converti à la religion musulmane en 2006, ne donne aucune information, hormis celle d’avoir confié son fils à des gens de confiance,"des puissants, des frères musulmans". Une instruction pour homicide est toujours en cours. La mère de Mathis, Nathalie Barré, a lancé une cagnotte pour poursuivre des recherches privées.

• Fiona, du faux enlèvement à l'infanticide (2013)

Tout commence avec un mensonge. Le 12 mai 2013, Cécile Bourgeon, alors enceinte de son 3ème enfant, informe les gendarmes de Clermont-Ferrand qu’elle se trouvait dans le parc Montjuzet avec ses filles de 5 et 2 ans quand l’aînée, Fiona, a brusquement disparu. La mère clame sa détresse dans les médias. Après quatre mois de recherches, elle et son compagnon d'alors, Berkane Makhlouf, sont interpellés. Cécile avoue avoir menti pour couvrir son compagnon, qui aurait tué Fiona suite à des violences physiques. Ils auraient enterré le corps "dans la région de Clermont-Ferrand", avant de déménager à Perpignan. La police ne réussira jamais à retrouver le corps de l’enfant.

En 2016, Berkane Makhlouf est comdamné à 20 ans de réclusion, Cécile Bourgeon à 5 ans. Quatre appels et dix ans de rebondissements judiciaires plus tard, la mère de Fiona est sortie de prison, a accouché d'une petite fille en 2020 dont elle n'a pas obtenu la garde, avant d'être recondamnée la même année à 20 ans de prison par la Cour d'assises du Rhône, qui la considère responsable de violences volontaires sur Fiona.

• Habib Nedder, l’un des plus jeunes disparus (2014)

Habib n'avait que 13 mois quand il est enlevé par son père Mehdi, le 19 janvier 2014, à Toulouse. Ce jour-là, il aurait dû ramener l'enfant à sa mère après son week-end de garde. Trois mois plus tard, l'homme est retrouvé mort dans une rivière de l'Ariège, décapité en passant par la turbine d'un barrage. Mais aucune trace du bébé.

La maman, Jennifer Dana, qui vit aujourd'hui dans le Gers, garde l'espoir qu'Habib soit vivant, peut-être en Algérie, d'où le père de l'enfant était originaire. "Je pense toujours que mon ex-mari a pu le confier à quelqu'un avant son suicide", a-t-elle confié au Parisien. Une photo d'Habib a été diffusée dans plus de 190 pays via Interpol, sans aucun résultat pour le moment.

• Maëlys, d’une disparition à la découverte d’un tueur en série (2017)

C'est un détail qui a permis de confondre le meurtrier : une goutte de sang retrouvée six mois après les faits, dans sa voiture (pourtant nettoyée après le crime). Le dimanche 27 août 2017, un appel à témoins est lancé pour retrouver Maëlys De Araujo, 8 ans. Avec sa famille, elle participait à un mariage dans la commune de Pont-de-Beauvoisin (Isère) et n'a plus été vue vivante depuis trois heures du matin.

L'enquête et les confessions du prévenu en février 2018 ont depuis permis de retracer le déroulé de la soirée : Nordahl Lelandais, 34 ans, ancien militaire maître-chien, présent à la cérémonie en tant qu'ami du marié, a invité Maëlys à le suivre pour lui montrer ses chiens. Il l'emmène dans sa voiture, la frappe et la tue. Il conduit les enquêteurs aux restes de sa victime, dans le massif de la Chartreuse.

En 2022, Nordahl Lelandais - déjà condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour le meurtre d'un autre homme, Arthur Noyer, dans la même zone géographique - est condamné à perpétuité par la Cour d'assises de Grenoble pour l'enlèvement, la séquestration et le meurtre de Maëlys, ainsi que l'agression sexuelle de deux petites-cousines.

VIDÉO - Disparition de Lina : ce drame qui s’est déroulé quelques jours avant qui intéresse les enquêteurs