Blanquer à Ibiza : de Sarkozy à Mattei, ces vacances de politiques qui ont fait polémique

Nicolas Sarkozy sur un yacht au large de Malte, quelques jours après son élection (Photo by BEN BORG CARDONA / AFP)

Les vacances du ministre de l'Éducation à Ibiza, d'où il a annoncé le protocole sanitaire la veille de la rentrée, ont du mal à passer. Les appels à la démission se multiplient.

L'annonce du nouveau protocole sanitaire dans Le Parisien, à la veille de la rentrée scolaire le 2 janvier, avait eu du mal à passer. Depuis, Mediapart a révélé que l'interview de Jean-Michel Blanquer a été donnée depuis... Ibiza, en Espagne, où le ministre était en vacances.

Des congés à la veille de la rentrée qui passent mal, alors que la France était en pleine vague Omicron et que parents et professeurs étaient suspendus à l'annonce du nouveau protocole, à quelques heures du retour en classe. Si les vacances de Jean-Michel Blanquer font polémique, le ministre de l'Éducation n'est pas le premier à être épinglé pour des congés mal venus.

Sarkozy et ses vacances bling-bling

L'exemple le plus marquant est celui de Nicolas Sarkozy. À plusieurs reprises, le président de la République s'est fait remarquer pour des vacances "bling bling", ainsi que pour le CV de ses hôtes.

En 2007, alors tout juste entré à l'Élysée, Nicolas Sarkozy s'envole en jet direction Malte, pour embarquer sur un yacht, avion et bateaux prêtés par l'homme d'affaires Vincent Bolloré. L'image suscite la polémique. "Est-il normal qu'un futur président fasse sponsoriser ses loisirs par des personnages fortunés qui ont tout à gagner des bonnes grâces du pouvoir ?", s'interrogeait le député PS Jean-Marie Le Guen, évoquant la "jubilation ostentatoire" de Nicolas Sarkozy.

Le même homme d'affaire prêtera, fin 2007, son jet au président pour ses vacances en Egypte, suscitant de nouveau la polémique. Deux ans plus tard, le président en exercice sera invité au Mexique, dans une résidence luxueuse, l'El Tamarindo Beach and Golf Resort, par un homme d'affaires sulfureux lié au trafic de drogue.

Dominique Voynet et le naufrage de l'Erika

Autre exemple qui a marqué l'opinion publique, un peu plus ancien. Le 12 décembre 1999, l'Erika, un pétrolier, sombre au large de la Bretagne. Le 15, la ministre de l'Environnement Dominique Voynet survole la zone polluée, mais ne renonce pas pour autant à s'envoler pour La Réunion, pour une visite officielle puis des vacances.

Le 22 décembre, les premiers oiseaux mazoutés arrivent sur les côtes, le ministre de l'Agriculture intervient pour assurer les pêcheurs de la "solidarité de la nation". Dominique Voynet, elle, est toujours à La Réunion. "Que je sois avec un ciré et des bottes sur place, cela ne sert à rien", affirme-t-elle dans un entretien publié par France-Soir. "Ce n’est pas la catastrophe écologique du siècle", lance notamment la ministre, qui finira par écouter son voyage à La Réunion pour rentrer en métropole et se rendre sur les côtes sinistrées. Le naufrage de l'Erika a provoqué la mort de 80.000 à 150.000 oiseaux, la dégradation de 400 kilomètres de littoral, du Finistère à la Vendée. Un audit chiffre les préjudices à près d'un milliard d'euros.

La canicule de 2003 et le duplex en polo du ministre de la Santé

L'exemple le plus marquant mais pas le plus récent, c'est celui du ministre de la Santé en poste en août 2003 : Jean-François Mattei. La France est alors touchée par une forte canicule : le thermomètre atteint jusqu'à 42,6°C à Orange, 40,7°C à Toulouse et Bordeaux ou encore 38,9°C à Caen. Face à la violence de cette canicule, de nombreuses personnes âgées perdent la vie.

En plein mois d'août, le ministre de la Santé est en vacances, et tarde à réagir. Il finit par le faire, en polo, depuis sa maison de vacances dans le Var, au lieu de rentrer à Paris. Neuf mois plus tard, il n'est pas reconduit et cette erreur sonne la fin de sa carrière politique. La canicule de 2003 aurait entrainé une surmortalité évaluée à 15 000 décès.

Michèle Alliot-Marie et François Fillon épinglés pour leurs vacances

Les vacances à l'étranger sont celles qui sont le plus souvent à l'origine de polémiques. En décembre 2010, la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie part avec son compagnon et ministre des Relations avec le Parlement Patrick Ollier en Tunisie pour les fêtes de fin d'année, alors que commence la révolution tunisienne.

Sur place, le couple utilise à deux reprises un jet privé appartenant à un homme d'affaires proche de Ben Ali, président qui sera destitué quelques semaines plus tard. La ministre des Affaires étrangères, critiquée pour sa gestion de la crise tunisienne et pour ses vacances, démissionnera fin février 2011.

"'Air Ben Ali', voici 'Air Moubarak'"

Si la ministre paie de son poste ses vacances en Tunisie, le Premier ministre de l'époque, François Fillon, est plutôt épargné. À la même période des fêtes de fin d'année, il part en vacances en Égypte, révèle en février 2011 le Canard Enchainé, utilisant sur place un avion de la flotte du gouvernement égyptien, pays dirigé par Hosni Moubarak. Moins d'un mois après le séjour de François Fillon en Egypte, débute la révolution égyptienne qui entraine la chute du dirigeant Egyptien.

L'opposition dénonce une affaire d'Etat, "Après 'Air Ben Ali', voici 'Air Moubarak'", lance notamment le porte-parole du PCF Olivier Dartigolles. Contrairement à Michèle Alliot Marie, François Fillon restera en poste.

Une exception pour Aurélie Filippetti

Le quinquennat de François Hollande n'est pas épargné par les polémiques. En 2013, Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture, reconnaît avoir passé ses vacances de Noël à l'île Maurice. Quelques jours avant les fêtes de fin d'année, le président François Hollande avait alors exigé du gouvernement des vacances studieuses et rappelé qu'une "année faisait 365 jours et qu'il attendait de chacun (...) présence et vigilance". Des photos de la ministre en maillot de bain sortent dans la presse people.

La ministre explique que ce voyage lui a été offert par son compagnon. "Dès que j'ai connu la teneur de ce cadeau, j'en ai averti le président de la République, qui m'a autorisée à partir". L'Elysée explique avoir "autorisé Aurélie Filippetti à partir si loin à titre exceptionnel, pour des raisons privées" estimant que "la ministre de la Culture n'était pas, dans son ministère, dans un rythme d'urgence quotidienne, à l'inverse du ministre de l'Intérieur, par exemple". Même polémique quelques jours plus tard pour Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères. Parti quelques jours à Zanzibar, une île africaine située à une quinzaine d'heures de vol de Paris.

Borne à Marrakech pendant les grèves de décembre 2019

Le quinquennat d'Emmanuel Macron a aussi été marqué par des polémiques autour des vacances de ministres. Avant Jean-Michel Blanquer, c'est Elizabeth Borne qui fait parler d'elle. En décembre 2019, la France est en pleine réforme des retraites. Le texte entraine une importante crise sociale et des grèves, notamment dans les transports.

Dans ce contexte, à quelques jours des fêtes de fin d'année, Matignon donne pour consigne aux ministres de ne pas donner le sentiment d'une vacance du pouvoir pendant les vacances, et courir les médias pour assurer la pédagogie de la réforme des retraites. Dans ce contexte, Elizabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, prend l'avion pour Marrakech (Maroc). Si la destination fait polémique alors que certains ne peuvent pas prendre le train pur rejoindre leurs familles à Noël, la polémique ne dure pas, et Matignon soutient la ministre "Ce qu'on demande aux ministres c'est d'être disponibles et réactifs, mais ils ont droit à des vacances. Élisabeth Borne a beaucoup donné au pays cette année", expliquera un conseiller au Parisien.

VIIDEO - Polémique sur son voyage à Ibiza : Jean-Michel Blanquer "regrette la symbolique"