Au Royaume-Uni, Suella Braverman assume de « repousser » le droit international pour sa loi immigration

La ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman, à Londres le 31 janvier 2023.
La ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman, à Londres le 31 janvier 2023.

ROYAUME-UNI - À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Le gouvernement britannique présente ce mardi 7 mars un projet de loi contre l’immigration illégale qui prévoit d’interdire à ceux qui arrivent par la Manche de demander l’asile au Royaume-Uni. Ce dernier, selon les déclarations de la ministre de l’Intérieur Suella Braverman à la presse, assume ouvertement de « repousser » les limites du droit international.

« Nous avons repoussé les limites du droit international », a affirmé au Daily Telegraph la ministre de l’Intérieur Suella Braverman, en réponse à ceux qui disent que ce texte est contraire à la législation internationale. « Nous le devons au peuple britannique. Je suis ferme dans nos objectifs et clair sur la tâche qui nous attend. Ce projet de loi est la clé de nos projets », a-t-elle encore assuré.

À trois jours de sa première visite en France, le Premier ministre Rishi Sunak et son gouvernement se montrent déterminés à enrayer l’augmentation des traversées illégales de la Manche. Le sujet a été au cœur de régulières crispations avec la France, accusée de ne pas en faire assez, même si l’heure est plus à la détente actuellement entre Londres et les Européens.

« Cette nouvelle loi va envoyer un message clair : si vous venez dans ce pays illégalement, vous serez rapidement expulsé », résume Rishi Sunak dans le quotidien The Sun. « Ceux qui viennent ici en petit bateau (en traversant illégalement la Manche, ndlr) ne peuvent pas demander l’asile ici ».

Les associations d’aide aux réfugiés inquiètes

Avec plus de 45 000 arrivées par cette voie très dangereuse l’année dernière (surtout des Albanais et Afghans mais aussi des Iraniens, Irakiens et Syriens) et déjà près de 3 000 depuis le début de l’année, le gouvernement conservateur se retrouve confronté à un système d’asile totalement dépassé. Selon des fuites dans la presse, le texte prévoit des mesures pour faciliter la détention et l’expulsion des migrants qui seraient ensuite interdits à vie de revenir.

Avec ses mesures très restrictives, le gouvernement conservateur veut décourager les traversées et briser le modèle économique des passeurs qui monnayent pour des sommes exorbitantes les traversées. Les associations d’aide aux réfugiés rétorquent que les durcissements successifs déjà opérés n’ont eu aucun effet, que les migrants ne seront découragés que si les autorités proposent des moyens légaux de venir demander l’asile au Royaume-Uni, ce qui actuellement n’est quasi pas le cas.

« Si vous fuyez des persécutions ou la guerre, si vous fuyez l’Afghanistan ou la Syrie et que vous craignez pour votre vie, comment pourrez-vous demander l’asile au Royaume-Uni ? », s’inquiète Christina Marriott, directrice à la Croix Rouge britannique. « Si des personnes doivent être expulsées, où le gouvernement a-t-il l’intention de les envoyer ? », a interrogé l’association Care4Calais.

Le Royaume-Uni a voté une loi l’an passé pour expulser au Rwanda des demandeurs d’asile mais le projet a été bloqué par la justice européenne et reste au point mort. Pour l’opposition travailliste, le projet de loi est une diversion avant les élections locales de mai alors que la popularité des conservateurs est en berne après 13 ans au pouvoir : « Je ne pense pas que présenter des propositions irréalisables nous mènera très loin », a estimé lundi le chef du Labour Keir Starmer.

Rishi Sunak attendu vendredi à Paris

Un porte-parole du Premier ministre a assuré que le gouvernement réfléchissait à mettre en place des voies « légales et sûres » réclamées par les associations pour demander l’asile au Royaume-Uni mais sans donner de détails et seulement « une fois que nous contrôlerons nos frontières ».

Rishi Sunak est attendu vendredi à Paris pour rencontrer le président français Emmanuel Macron, quelques mois après que les deux pays ont signé un accord de coopération prévoyant notamment une aide financière des Britanniques pour surveiller les plages françaises et l’envoi d’observateurs britanniques côté français.

En pleine crise du coût de la vie, la gestion des demandes d’asile par le gouvernement britannique est source de crispations et d’incompréhension chez de nombreux Britanniques. Mi-février, une manifestation de militants d’extrême droite devant un hôtel de demandeurs d’asile près de Liverpool (nord-ouest de l’Angleterre) a dégénéré en violents heurts avec la police. D’autres manifestations antiréfugiés - et des contre-manifestations en soutien aux migrants - ont eu lieu dans certaines villes du pays, comme samedi à Douvres, principal port transmanche anglais.

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