Au Royaume-Uni, Liz Truss a vécu un premier mois cauchemardesque

Liz Truss, ici à New York le 20 septembre, a passé un premier mois mouvementé à Downing Street.
ROY ROCHLIN / Getty Images via AFP Liz Truss, ici à New York le 20 septembre, a passé un premier mois mouvementé à Downing Street.

ROY ROCHLIN / Getty Images via AFP

Liz Truss, ici à New York le 20 septembre, a passé un premier mois mouvementé à Downing Street.

ROYAUME-UNI - « Où est Liz Truss ? » C’est la question que se posent beaucoup de Britanniques, ce mercredi 28 septembre sur les réseaux sociaux. « On n’a même pas un communiqué écrit et diffusé dans la presse pour calmer les choses ? », s’interroge l’un d’eux. L’inquiétude est partagée par des anonymes, mais aussi des députés, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon, ou même le présentateur star de la télé britannique Piers Morgan. « Mais bon sang où est la Première ministre ? Arrêtez de vous cacher, Liz Truss, et regardez en face cet affreux chaos financier que vous avez vous-même créé », écrit le journaliste, qui ne mâche jamais ses mots.

La successeure de Boris Johnson se cache-t-elle ? Elle a dû s’effacer au début du mois de septembre, contre son gré, à la mort de la reine Elizabeth II, seulement deux jours après son arrivée à Downing Street. La période de dix jours de deuil national a stoppé net son calendrier politique après un été marqué par la crise économique et les mouvements sociaux au Royaume-Uni.

Elle est depuis revenue dans les radars, au Conseil de sécurité de l’Onu à New York ou à la Chambre des communes britannique, vendredi, lorsque son ministre des Finances a présenté son plan budgétaire pour limiter l’augmentation du coût de la vie. Mais elle était introuvable ce mercredi. Elle n’avait toujours pas réagi, dans la soirée, aux turbulences inédites sur les marchés financiers britanniques, une conséquence directe des mesures budgétaires très coûteuses présentées cinq jours plus tôt.

Cette grave crise économique inquiète pourtant jusqu’au Fonds monétaire international (FMI). À tel point que la Banque d’Angleterre est intervenue dans l’urgence ce mercredi en achetant des obligations d’État (titres de créances) à « échéance éloignée » afin de « rétablir des conditions de marché normales ». « Si ce dysfonctionnement du marché continue ou empire, cela causerait un risque réel pour la stabilité financière du Royaume-Uni », a-t-elle expliqué.

Le FMI demande au gouvernement de revoir sa copie

Les premières turbulences se sont fait ressentir dès vendredi, après l’annonce du plan du gouvernement. Il prévoit, d’une part, un soutien massif face à la flambée des prix de l’énergie, avec le gel des factures des particuliers pour deux ans et la prise en charge pour moitié de celles des entreprises pendant environ six mois. Il contient, d’autre part, de généreuses baisses d’impôts qui profiteront surtout aux plus riches, avec notamment l’abaissement du taux maximal d’impôt sur le revenu et la fin du plafonnement des bonus bancaires.

Selon l’AFP, les économistes estiment le coût de ces mesures entre 100 et 200 milliards de livres. « Pendant la pire crise énergétique depuis des générations, ce gouvernement est aux côtés des gens », a clamé le ministre des Finances, Kwasi Kwarteng, ajoutant qu’il voulait « baisser les impôts pour doper la croissance ». « C’est comme ça que nous inverserons le cercle vicieux de la stagnation », a-t-il insisté.

La manœuvre est cependant jugée extrêmement risquée, alors que l’inflation atteint 10 % sur un an et que la récession est déjà entamée, selon la Banque d’Angleterre. Résultat face à ces mesures, la livre sterling a atteint lundi ses plus bas historiques face au dollar.

Dans une déclaration au ton sévère, le FMI a même demandé au gouvernement britannique de revoir sa copie d’ici au 23 novembre, jour de la présentation de son budget. « Il est important que la politique budgétaire ne barre pas la route à la politique monétaire », fustige l’institution, qui craint un « accroissement des inégalités ».

« Ils vont devoir partir »

Dans ce contexte, et seulement un mois après son arrivée à Downing Street, Liz Truss fait déjà face à un mouvement de contestation au sein même de son propre parti. « Cette folie inepte ne peut pas continuer », fulmine par exemple Simon Hoare, un député conservateur du sud de l’Angleterre. « Ces circonstances ne sont pas hors du contrôle du gouvernement ou du Trésor. Ils en sont les responsables », écrit-il sur Twitter.

L’élu fait même référence au « Black Wednesday », ce « mercredi noir » du 16 septembre 1992 où la livre sterling, que la Banque d’Angleterre ne parvenait plus à soutenir face aux spéculations, avait dû se retirer du Système monétaire européen.

« Le parti défie toute logique scientifique et économique. L’intervention de la Banque d’Angleterre est complètement humiliante », a encore confié un député « Tory » et ancien ministre à un journaliste de Sky News. « Je pensais que le gouvernement de Boris Johnson était le pire de l’histoire, celui-ci vient en fait de le battre », tacle un autre conservateur.

Certains n’hésitent même pas à réclamer la démission de la Première ministre et de son ministre des Finances. « Ils vont devoir partir. Ils doivent partir, ils sont littéralement en train de fracasser l’économie », tance un député anonyme auprès de Sky News. Un autre estime que la situation est « intenable » et « prédit que le ministre va se faire virer d’abord, puis le reste suivra ».

D’après les confidences d’un ancien ministre de Boris Johnson à Sky News, Liz Truss fait même déjà l’objet de plusieurs lettres de défiance de la part de conservateurs de la Chambre des communes. Un vote de confiance devra être organisé au Parlement britannique si au moins 54 lettres sont envoyées au député en charge de ces questions.

L’opposition travailliste surfe sur la vague

Au-delà de ses mesures budgétaires, celles concernant l’immigration divisent également son camp. La Première ministre souhaite augmenter le nombre de visas accordés aux ingénieurs étrangers et travailleurs saisonniers dans l’agriculture pour tenter de limiter le manque de main-d’œuvre. Selon le Sunday Times, elle devra affronter l’opposition de sa propre ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, et de son ministre du Commerce, Kemi Badenoch, deux « Brexiteurs » convaincus. « Le gouvernement devra expliquer aux gens qui pensaient que nous étions un gouvernement pro-Brexit et pour la limitation de l’immigration pourquoi nous changeons d’avis », prévoit un député conservateur.

La situation au 10, Downing Street n’est évidemment pas pour déplaire à l’opposition travailliste. Son leader, Keir Starmer, n’a pas boudé son plaisir mardi lors du congrès annuel de son parti à Liverpool, dans le nord de l’Angleterre. « Le gouvernement a perdu le contrôle de l’économie, et pour quoi ? Ils ont fait s’effondrer la livre, pour quoi ? Pas pour vous, pas pour les gens qui travaillent, mais pour des allègements fiscaux pour les 1 % les plus riches », a-t-il accusé.

Lui qui peinait à se faire entendre face à Boris Johnson a semble-t-il trouvé en Liz Truss une personnalité lui permettant de percer. Un récent sondage YouGov pour le Times donne au Labour une avance de 17 points sur les Tories dans les intentions de vote, le plus grand écart depuis l’ère Tony Blair (1997-2007).

À voir également sur Le HuffPost :

Vous ne pouvez visionner ce contenu car vous avez refusé les cookies associés aux contenus issus de tiers. Si vous souhaitez visionner ce contenu, vous pouvez modifier vos choix.

Lire aussi