Au Niger, et ailleurs en Afrique, ce n’est pas que le « sentiment » anti-français qui se joue

POLITIQUE - C’est une expression que vous avez sans doute entendue : le « sentiment » anti-français. Elle pointe un phénomène qui s’étend en Afrique, avant tout en Afrique francophone, celle qui a un lien avec l’Hexagone. Récemment, on l’a vu au Burkina Faso, comme au Mali, où les juntes au pouvoir ont chassé les soldats tricolores présents sur leur sol.

C’est ce même phénomène qui était également à l’œuvre lors de la manifestation organisée au Niger devant l’ambassade de France, quelques jours après le coup d’État à Niamey. Problème : ce « sentiment » n’en est pas vraiment un, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête de l’article et l’expression en général est contestée en Afrique.

En fait, parler de « sentiment » anti-français, comme le font certains commentateurs ou responsables politiques, renvoie pour nombre de chercheurs à un vestige de la « bibliothèque coloniale », à un imaginaire passé faisant des personnes noires des êtres irrationnels. En résumé, l’expression induit que cette réaction fait appel aux seules émotions, et non à la raison.

Contestation politique

Pourtant, la rhétorique anti-France s’articule sur des griefs clairs et une contestation politique de la stratégie de Paris en Afrique.

Il s’agit par exemple de la présence militaire française dans ces pays. Le nombre de soldats tricolores a certes drastiquement baissé, passant de 30 000 hommes au début des années 60 à quelque 6 100 aujourd’hui. Mais leur présence reste un point sensible, comme le montre le redéploiement au Niger des troupes françaises présentes au Burkina Faso et au Mali, sommés de quitter le territoire après les coups d’État.

Parmi les sujets épineux, on peut également citer la monnaie encore utilisée dans la région.
Peu importent les réformes et la mise à distance de la France, le seul nom Franc CFA reste « tout un symbole » alors que l’ancienne colonie a, elle, adopté l’euro. On parle également de l’influence que l’Hexagone exerce dans la région, sa présence sous toutes ses formes, une aide au développement jugée peu efficace ou encore des déclarations politiques parfois paternalistes.

Dans ce contexte, les réseaux sociaux et les fake news jouent leur rôle, comme ailleurs.
La présence russe, à travers le groupe paramilitaire Wagner, est également pointée du doigt par certains comme un accélérateur de cette tendance anti-France. Reste que ces griefs, justifiés ou non, encouragés ou non, relèvent davantage d’un discours politique que d’un mouvement d’humeur irrationnel.
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