Au Groenland, il fait déjà 30 °C de trop, et avec des conséquences pour longtemps

Le Groenland a enregistré des températures 30 degrés au dessus des normales de saison début mars 2023. (Photo : icebergs dans la baie de Baffin, juillet 2022)
Le Groenland a enregistré des températures 30 degrés au dessus des normales de saison début mars 2023. (Photo : icebergs dans la baie de Baffin, juillet 2022)

ENVIRONNEMENT - C’est le printemps au Groenland et les températures atteignent des niveaux records depuis début mars sur cette île de l’Arctique. Jusqu’à 30 degrés au-dessus des moyennes saisonnières ont été enregistrées à certains endroits, alerte l’institut météorologique danois, le DMI. Cette vague de chaleur précoce risque d’accélérer la fonte de la calotte glaciaire cet été, craignent des chercheurs ce mercredi 8 mars dans les colonnes du quotidien américain The Washington Post.

Dans la capitale groenlandaise, Nuuk, le thermomètre a même dépassé les 15 °C le 4 mars : jamais une température aussi élevée n’avait été enregistrée aussi tôt dans l’année. « À Nuuk, on transpire, l’eau coule sur les routes et la fièvre est à son comble (... ) », a ironisé le DMI sur son compte Twitter, alors qu’à cette période de l’année les températures ne devraient pas dépasser les -5 °C.

Fonte en cascade

Cette douceur précoce est liée à un phénomène que les météorologues appellent le « bloc groenlandais », une sorte d’anticyclone qui stagne au-dessus du Groenland, et provoque une vague de chaleur hivernale représentée en rouge sur la carte ci-dessous. Il agit comme une déviation atmosphérique, détournant les masses d’air froides et favorisant les vents chauds. « Si l’on regarde la façon dont il tourne, il aspire tout l’air chaud du nord-est du Canada et le dépose sur la calotte glaciaire », a décrit Marco Tedesco, chercheur à l’Observatoire de la Terre Lamont-Doherty de l’Université de Columbia au Washington Post.

Cette carte du « Climate Reanalyser » de l’Université du Maine représente les anomalies de chaleur sur terre, le mercredi 8 mars. Plus les zones sont rouges, plus les températures sont supérieures aux normales de saison. La calotte glaciaire du Groenland est colorée d’un rouge vif, car les températures sont entre 15°C et 30°C au-dessus des moyennes pour un mois de mars.

Pour les scientifiques, l’arrivée de ce phénomène météorologique ne présage rien de bon. Un « bloc groenlandais » est en effet déjà apparu en 2012, 2018 et 2019. Et à chaque fois, il a été associé à une fonte de la calotte glaciaire spectaculaire l’été. « Toute chaleur supplémentaire, même avant la saison de fonte, peut conditionner des fontes plus précoces », a expliqué Jason Box, chercheur au service géologique du Danemark et du Groenland.

Et les effets négatifs ne s’arrêtent pas là : lorsque la neige fond, la glace est plus exposée. Or, la glace étant plus foncée que la neige, elle absorbe davantage la lumière du soleil (a contrario la neige très blanche reflète les rayons, ce phénomène s’appelle l’albedo NDLR). Un cercle vicieux est donc enclenché, et la fonte ne cesse de s’accélerer. Cela pourrait avoir des effets en cascade pendant des années et contribuer nettement à la montée des océans, s’inquiètent les chercheurs interrogés par le Whasington Post.

Migration animale

Alors que la glace disparaît, les espèces endémiques fuient à leur tour. Les communautés inuites ne voient presque plus de licornes des mers et de morses ces dernières années, a déploré Heide-Jorgensen, chercheur à l’Institut des ressources naturelles du Groenland dans le média spécialisé américain Grist. Le réchauffement de la banquise attire des animaux du sud du globe, tels que le maquereau, le thon rouge, ou encore des dauphins. « C’est un point de basculement dans l’écosystème marin », a constaté le chercheur.

Les effets du dérèglement climatique sont particulièrement visibles au pôle Nord, car l’Arctique se réchauffe quatre fois plus vite que toute autre région du monde. La calotte du Groenland a ainsi perdu plus de 500 milliards de tonnes de glace par an depuis l’an 2000, soit six piscines olympiques toutes les secondes.

Une étude publiée, en février, dans la revue scientifique Nature Communication a mis en garde qu’un demi-degré de réchauffement supplémentaire entraînerait l’emballement de la fonte des banquises sur terre et une montée des océans de plusieurs mètres. Si nous ne réduisons pas rapidement nos émissions de gaz à effet de serre, le niveau des mers pourrait grimper jusqu’à 1,4 mètre en 2050, détruisant des sources d’eau potable, faisant disparaître des zones côtières et forçant à l’exil des millions de personnes.

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