Au Festival de Sanremo 2023, guerre en Ukraine, féminisme et racisme s’invitent sur scène

L’influenceuse Chiara Ferragni, ici entourée du chanteur Gianni Morandi et du présentateur Amadeus, a tenu un discours engagé sur les droits des femmes, un des moments forts d’une 73e édition du Festival de Sanremo très en phase avec les questions de société.

MUSIQUE - Le point commun entre l’influenceuse Chiara Ferragni, la volleyeuse Paola Egonu, le rappeur Fedez ou encore Volodymyr Zelensky ? Tous ont pris part – ou prendront part, dans le cas du président ukrainien – à la 73e édition du Festival de Sanremo, qui a débuté mardi et doit désigner, ce samedi 11 février au soir, au terme de plusieurs heures de suspense, l’artiste qui représentera l’Italie à l’Eurovision 2023.

Et cette année, outre les performances de candidats ayant de sérieuses chances d’inscrire leur pas dans ceux des Måneskin à Liverpool en mai prochain, le programme a été marqué par plusieurs interventions très politiques, en phase avec les problématiques qui traversent la société italienne. Le tout devant des millions de téléspectateurs : les trois premières soirées organisées de mardi à jeudi ont réuni autour de 60 % de parts de marché.

La semaine a commencé très fort, avec une lettre de Chiara Ferragni à la petite fille qu’elle était. « Je voudrais te dire que tu suffis […]. À chaque fois que tu ne te sentais pas assez belle, intelligente, tu l’étais en fait », a notamment attaqué l’influenceuse de 35 ans en introduction d’un monologue féministe salué par la critique, avant d’évoquer sa maternité. « Tu te sentiras coupable d’avoir d’autres rêves que la famille parce que notre société nous a appris que lorsque tu deviens mère, tu n’es qu’une mère. Ils te feront culpabiliser si tu restes loin de tes enfants. Et quand réserve-t-on le même traitement aux hommes ? Presque jamais. »

Manifeste contre les injonctions faites aux femmes

Avec son texte, Chiara Ferragni « parle non seulement à elle-même, mais à sa fille et à toutes les femmes, à celles qui se sentent toujours en retrait, de tout et de tous », salue le Corriere della sera. Un discours appuyé par la tenue de l’influenceuse : avec une robe dorée sur laquelle ses formes étaient dessinées, Chiara Ferragni a fustigé les injonctions faites aux corps des femmes : « Si tu le caches, tu es une nonne, si tu le montres, tu es une salope ». Ce soir-là, chacune de ses quatre tenues revêtait en réalité un message politique fort, comme celle avec laquelle elle est arrivée sur la scène de Sanremo, qui portait le message « Sens-toi libre » (au féminin en italien), comme vous pouvez le voir dans l’extrait ci-dessous :

Le lendemain, c’est le mari de l’influenceuse, le rappeur Fedez, qui a pris le relais en attaquant indirectement la Première ministre Giorgia Meloni dans un « freestyle ». Comme le rappelle 20 Minutes, la députée Maddalena Morgante, membre de Frères d’Italie, le parti de Meloni, s’était indignée il y a quelques jours d’un festival de Sanremo « plus gender fluid que jamais », ciblant en particulier le candidat Rose Chemical.

« Si Rose Chemical va à Sanremo, la bagarre éclate… Peut-être qu’il vaut mieux un vice-ministre habillé en Hitler ? », a ironisé Fedez en référence à Galeazzo Bignami, membre du gouvernement Meloni immortalisé par le passé avec un brassard nazi. « Un cliché que le rappeur n’a pas manqué de montrer à la caméra et de poster sur les réseaux sociaux », relate 20 Minutes. Une attaque à laquelle la classe politique a évité de répondre – « Je dormais », a ironisé un député de la majorité interrogé sur place – mais dont s’est distancié l’audiovisuel public le lendemain.

« Oui, l’Italie est un pays raciste »

La question sensible du racisme, quelques mois après l’arrivée de l’extrême droite à la tête du gouvernement, a également été au cœur de cette 73e édition, avec l’intervention de la volleyeuse Paola Egonu, championne d’Europe avec la sélection italienne. En conférence de presse, jeudi 9 février, la sportive a dû répondre à Matteo Salvini, vice-président du conseil et chef du parti d’extrême droite La Ligue, qui avait formulé le vœu qu’elle n’aborde pas la question du racisme. L’Italie est-elle un pays raciste ? « Oui », a répondu Paola Egonu du tac au tac. « Mais cela ne signifie pas que tout le monde est mauvais ou ignorant. Je ne veux pas jouer la victime, juste dire comment les choses sont. C’est un pays raciste qui s’améliore. »

Quelques heures plus tard, sur la scène du festival, la championne a alerté les téléspectateurs sur les biais racistes persistants : « À la question du racisme, je réponds de la manière suivante : prenez des verres de différentes couleurs et mettez-y de l’eau. Vous verrez que la plupart des gens choisiront le verre transparent simplement parce qu’il a le contenu le plus clair. Mais si vous essayez de boire dans l’un de ces verres colorés, vous découvrirez que l’eau a toujours le même goût, frais et vivant, car nous sommes tous les mêmes au-delà des apparences », a illustré Paola Egonu.

Et de poursuivre : « J’aime l’Italie. Je porte fièrement le maillot bleu qui, pour moi, est le plus beau au monde. J’ai un sens profond des responsabilités envers ce pays dans lequel je place tous mes espoirs pour demain. »

« La politique entre toujours à Sanremo »

Ce samedi, pour le point d’orgue du festival, c’est la lecture d’une lettre de Volodymyr Zelensky qui conclura une semaine très politique sur la Riviera ligure. Les modalités de son intervention ont été l’objet d’une interminable polémique au cours des derniers jours en Italie, alimentées une fois de plus par l’extrême droite et Matteo Salvini, souhaitant que le festival ne se mêle pas de politique.

La lettre a été préférée au message vidéo initialement envisagé. Mais la Première ministre a finalement sifflé la fin de la récré ce vendredi à l’issue d’un sommet des chefs d’États européens auquel le président ukrainien a participé. « J’aurais préféré qu’il soit là en personne », a balayé Giorgia Meloni, prenant à revers certains de ses alliés. « La seule chose qui me déplaît vraiment, c’est qu’il y ait eu une polémique sur cette question […]. Je crois que sa présence était quand même importante, même à travers une lettre. » Et la Première ministre de rappeler que les questions brûlantes font partie de l’histoire du festival : « Ce n’est jamais facile de faire entrer la politique dans un événement comme Sanremo. Mais au final, elle y entre toujours. »

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