Attaques du Hamas contre Israël : « Le risque d’escalade est très fort », estime le chercheur Marc Hecker

Des roquettes lancées par le Hamas sur Israël, le 7 octobre 2023.
SOPA Images / SOPA Images/LightRocket via Gett Des roquettes lancées par le Hamas sur Israël, le 7 octobre 2023.

INTERNATIONAL - Les morts se comptent déjà par dizaines. Au petit matin, ce samedi 7 octobre, la branche armée du Hamas a lancé, à la suprise générale, une offensive d’ampleur contre Israël. En plus de milliers de roquettes lancées, des combattants palestiniens se sont infiltrés dans des localités israéliennes pour fusiller ou prendre en otage passants et militaires.

Marc Hecker, directeur de la recherche à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et auteur d’Intifada française ? (Ellipses, 2012), explique au HuffPost en quoi ces attaques sont « sans précédent » dans le conflit israélo-palestinien.

Il y a déjà eu de nombreux épisodes de tension entre Palestiniens et Israéliens, notamment en mai dernier. En quoi ce qui a débuté ce samedi matin est différent ?

Une attaque de ce type est sans précédent. Les derniers épisodes de confrontation, depuis la guerre de Gaza en 2008-2009, n’avaient pas pris cette forme. On était plutôt sur des envois massifs de roquettes, d’obus ou d’autres objets volants, comme des cerfs-volants incendiaires. De leur côté, les Israéliens misaient sur le système de défense « Iron Dome » [dôme de fer] pour se protéger.

Cette fois, les roquettes ont été envoyées rapidement en très grand nombre, de manière à saturer les défenses aériennes. En parallèle ont été menées des opérations d’infiltration terrestres, maritimes et aériennes. Pour ce qui est de la composante aérienne, il s’agit de moyens rudimentaires, en l’occurrence des parapentes motorisés.

Historiquement, Israël a eu à faire face à de nombreuses infiltrations de combattants au sol ou par la mer. Pendant la deuxième Intifada, des terroristes se sont infiltrés des territoires palestiniens jusqu’au cœur de villes israéliennes. Mais la configuration n’était pas la même : la bande de Gaza et la Cisjordanie n’étaient pas séparées par une barrière de sécurité ou un mur, les populations étaient plus mélangées.

L’offensive surprise du Hamas le 7 octobre 2023.
L’offensive surprise du Hamas le 7 octobre 2023.

Lors des dernières guerres à Gaza, un des objectifs de l’armée israélienne était de détruire les tunnels permettant d’éventuelles infiltrations. Jusqu’à l’opération menée par le Hamas ce matin, la bande de Gaza était perçue par l’armée israélienne comme relativement hermétique. Une infiltration d’une telle ampleur est une surprise, un choc.

Comment expliquer qu’Israël n’ait rien vu venir ?

C’est un échec majeur du renseignement et, plus largement, des systèmes de défense censés empêcher de telles infiltrations. En Israël, la comparaison avec la surprise de la guerre de Kippour de 1973 est souvent avancée. Mais les modes opératoires sont bien différents : en 1973, il s’agissait d’une guerre classique, conduite par des États.

Comme après la guerre de Kippour, on peut imaginer qu’une commission d’enquête sera aussi nommée pour analyser les dysfonctionnements. Mais on n’en est évidemment pas encore là. La première phase va être de neutraliser les assaillants, puis de mener des représailles dans la bande de Gaza.

Justement, quelle va être la réponse d’Israël ? L’armée a déjà annoncé des frappes aériennes...

Il y a déjà eu de nombreux conflits dans la bande de Gaza, mais on peut imaginer que l’ampleur de la réponse sera supérieure à ce qu’on a vu par le passé. Le risque d’escalade à très court terme est fort. Israël n’aurait pas pu rester sans rien faire et je vois mal comment on pourrait en rester là.

En termes opérationnels, Israël va être confronté à une difficulté supplémentaire par rapport aux précédentes opérations : la présence d’otages israéliens. Pour tenter de les délivrer rapidement, il faudra nécessairement une opération terrestre. Il faudra également voir comment réagiront les autres acteurs de la région, comme le Hezbollah [qui pour l’heure a félicité le Hamas pour cette opération].

Pourquoi l’offensive du Hamas a-t-elle été lancée maintenant ?

On peut noter la date, octobre 2023, c’est-à-dire 50 ans presque jour pour jour après le début de la guerre du Kippour. Je ne sais pas si c’est fait exprès mais en général, les symboles comptent... Ce samedi 7 octobre, c’est aussi la fête religieuse juive de Simhat Torah et jour de shabbat. On peut supposer qu’il y a un lien.

Après, pourquoi maintenant ? Il n’y a pas vraiment d’élément déclencheur immédiat, plutôt des changements structurels depuis plusieurs années dans la zone. Du côté israélien, le gouvernement penche à l’extrême-droite et favorise les colons. De multiples incidents ont eu lieu cette année et des opérations militaires d’une ampleur inédite depuis la deuxième Intifada ont été menées en Cisjordanie.

Du côté palestinien, le Hamas n’a pas le monopole de la lutte contre Israël. On peut notamment citer le djihad islamique, qui a été particulièrement actif depuis trois ans. Avec une telle opération, le Hamas réaffirme son statut de leader incontesté de la « résistance » à Israël et d’opposant numéro 1 à l’Autorité palestinienne.

Autre point : le changement de cadre général avec les Accords d’Abraham [signés en 2020] qui ont normalisé les relations entre Israël et plusieurs États arabes. L’Arabie saoudite sera un acteur à suivre dans les prochains temps : une délégation du Hamas y a été accueillie au printemps, mais en parallèle, l’administration Biden accentue la pression pour que Ryad rejoigne les Accords d’Abraham. On notera aussi que quelques mois après le déplacement en Arabie saoudite, une délégation du Hamas s’est rendue à Téhéran. L’Iran est en effet un soutien historique du groupe islamiste palestinien.

« Nous sommes en guerre », a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Est-ce le cas ?

La guerre entre Israël et le Hamas est déclarée depuis des décennies, avec des pics et des accalmies. L’infiltration du Hamas est assurément un pic, et les représailles seront à la hauteur du choc. Comme l’a dit l’un des porte-parole de l’armée israélienne : « Les portes de l’enfer ont été ouvertes. »

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