Attaque d'Arras: les jeunes fichés S originaires du Caucase dans le viseur des autorités

Attaque d'Arras: les jeunes fichés S originaires du Caucase dans le viseur des autorités

Trois jours après l'assassinat de Dominique Bernard, professeur de lettres dans un lycée d'Arras (Pas-de-Calais), par un jeune homme de 20 ans radicalisé, l'Élysée tente de réévaluer la menace terroriste. Le gouvernement affiche ainsi sa volonté d'expulser le plus rapidement possible les individus fichés S faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

Des consignes gouvernementales sont parvenues ce lundi aux préfets de tous les départements, les appelant passer au crible tous les dossiers concernés... et à porter une attention accrue aux "ressortissants du Caucase sur la tranche 16-25 ans". Un profil correspondant à celui de l'assaillant d'Arras: né en Ingouchie, une république autonome russe, ce dernier était surveillé par la DGSI, fiché S depuis le 2 octobre dernier.

Si l'accent est mis sur cette catégorie d'individus, c'est parce qu'ils font partie de "réseaux puissants, organisés et très violents" dans lesquels s'exercent un "islam extrêmement rigoriste", note l'Élysée.

"Ils sont surreprésentés dans les réseaux de terrorisme et de radicalisation", explique pour BFMTV.com le président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT), Jean-Charles Brisard.

"Depuis 2018 en France, trois jeunes individus originaires du nord-Caucase ont été les auteurs d'attentats non déjoués, et six ont pris part à des projets d'attentats", ajoute-t-il.

"Bercés par les récits des conflits en Tchétchénie"

Il y a trois ans jour pour jour, le 16 octobre 2020, Abdouallakh Anzorov, 18 ans et originaire de Tchétchénie, tuait Samuel Paty, professeur d'histoire dans un collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Deux ans plus tôt, le 12 mai 2018, c'est un jeune réfugié tchétchène également, âgé de 20 ans et suivi par le renseignement pour radicalisation, Khamzat Azimov, qui est abattu par la police après une attaque au couteau qui engendrera un mort et quatre blessés dans le quartier de l'Opéra à Paris.

Originaires de Tchétchénie, d'Ingouchie ou d'autres républiques autonomes en Russie, ces jeunes individus ont pour la plupart grandi en France après avoir fui les conflits de leur région avec leurs parents, au début des années 2000. "Ils ont été bercés par les récits des conflits en Tchétchénie, des conflits à forte dimension religieuse", explique Jean-Charles Brisard. Aujourd'hui, entre 20.000 et 40.000 Nord-Caucasiens vivent sur le territorie français.

"Ce sont les enfants de personnes qui ont vécu une guerre atroce et qui traînent un bagage lourd", commente de son côté Sarah Perret, maître de conférence spécialisée dans l'anti-terrorisme à l'Institut catholique de Lille et chercheuse associée à l'ENS Paris.

"Il y a aussi une dimension psychologique qui joue dans les parcours de ces jeunes, avec un traumatisme générationnel qui s’opère sans qu’on leur donne les moyens de sortir de cet endoctrinement", poursuit-elle.

60 individus nord-caucasiens surveillés de près

À partir de 2013, date à laquelle on observe un regain de propagande de Daesh s'adressant notamment aux populations russophones, de plus en plus de jeunes d'origine nord-caucasienne se radicalisent sur Internet. Depuis, 70 ressortissants du Caucase ont quitté le territoire français pour rejoindre les rangs de l'organisation terroriste en Irak.

Les services de renseignement maintiennent une surveillance stricte sur ce type de profils radicalisés: 300 individus d'origine nord-caucasienne sont inscrites au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) et 60 font l'objet d'un suivi très actif par les renseignements, indique Jean-Charles Brisard.

De son côté, si Sarah Perret salue le travail de suivi de la DGSI, elle estime qu’il faut agir aussi en amont en travaillant sur la question de l’intégration. "On ne se demande pas comment un jeune qui a grandi en France et est allé à l’école de la République en vient à tuer un professeur. On ne peut pas être que dans le contrôle et la surveillance, il faut aussi réfléchir aux sources pour ne plus reproduire les mêmes erreurs."

Article original publié sur BFMTV.com