Attaque au couteau à Arras : les derniers échanges de l'assaillant dans le viseur des enquêteurs

Les enquêteurs s'intéressent aux derniers échanges de l'assaillant, qui a communiqué avec plusieurs personnes radicalisées, dont son père et son frère.

Placé en garde à vue dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Mohammed Mogouchkov, l’auteur présumé de l’attaque au couteau au lycée d’Arras (Pas-de-Calais), se montre très peu coopératif, selon une source proche du dossier. Pourtant, les enquêteurs tentent de comprendre le passage à l'acte du jeune homme de 20 ans, interpellé après avoir tué un professeur et blessé trois autres personnes, vendredi, dans l'enceinte de l'établissement scolaire.

Car l'assaillant, né en Russie et originaire d'Ingouchie, était bien connu des services de renseignements. Ce jeune "terroriste islamiste" - selon les termes du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin -, arrivé en France en 2008, était surveillé activement par la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) depuis cet été et fiché S pour radicalisation depuis le 2 octobre. Mais les enquêteurs s'intéressent également à son entourage et à ses relations, avec une question en filigrane: Mohammed Mogouchkov a-t-il été influencé ? Si oui, par qui ?

Dix autres personnes en garde à vue

Car, outre le jeune homme, dix autres personnes ont été placées en garde à vue depuis l'attentat. À commencer par cinq membres de sa famille: sa mère, son oncle, l'une de ses sœurs âgée de 18 ans, son petit frère de 16 ans - interpellé quelques minutes après l'attaque à proximité d'un autre lycée d'Arras - et son grand frère de 21 ans, condamné pour des faits de terrorisme et incarcéré à la prison de la Santé à Paris. Parmi les cinq autres personnes figurent deux Biélorusses, avec qui Mohammed Mogouchkov se trouvait jeudi, et un détenu radicalisé, incarcéré à la prison de Moulins-Yzeure dans l'Allier.

Si la famille Mogouchkov intéresse particulièrement les enquêteurs, c'est que certains membres sont déjà bien connus des services de renseignement. C'est le cas de son frère aîné, Movsar Mogouchkov. Âgé de 21 ans, il a été condamné cette année à cinq ans de prison ferme pour son implication dans un projet d'attentat et pour apologie du terrorisme.

Dans le dossier de ce projet d’attentat avorté contre l’Élysée, dont il avait reconnu avoir connaissance, les juges d'instruction l'avaient décrit comme un "jeune radicalisé particulièrement violent sur les réseaux sociaux". Le père de la fratrie est lui aussi dans le viseur des enquêteurs. L'homme a été expulsé de France vers la Russie en 2018 pour radicalisation. Il a été identifié en Géorgie, a appris BFMTV, ce dimanche. Selon une source proche du dossier, il avait "une influence rigoriste forte" sur son fils.

Deux Biélorusses en garde à vue

À l'été 2023, des échanges "assidus" entre Mohammed Mogouchkov, son père et son frère aîné poussent la DGSI à s'intéresser au jeune homme. À cette époque, il est suivi par le Service central du renseignement territorial (le SCRT) et il est inscrit au FSPRT, le fichier de signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste.

Ces échanges inquiètent les renseignements, qui passent la main à la DGSI, fin juillet 2023. Le service décide de mettre en place une surveillance active de Mohammed Mogouchkov, par le biais d'écoutes téléphoniques, de géolocalisation et de surveillances physiques. Le 2 octobre, une fiche S est émise à l'encontre de l'assaillant pour radicalisation. Le 12 octobre, la veille de l'attaque, les policiers découvrent que le jeune homme se trouve dans un véhicule en compagnie de deux hommes de nationalité biélorusse, une rencontre "suspecte" aux yeux des enquêteurs, selon une source proche de l'enquête, qui décident de contrôler Mohammed Mogouchkov. Les deux individus, eux, ont depuis été placés en garde à vue.

Des échanges "exaltés" avec son frère aîné

Si aucun élément ne laissait présager d'un passage à l'acte, selon nos informations, les enquêteurs ont profité de ce contrôle pour infiltrer son téléphone et les messageries cryptées qu'il utilisait. Lors de leurs investigations, ils ont découvert que Mohammed Mogouchkov était en contact "étroit" et "récent" avec son frère, incarcéré à la prison de la Santé. Les deux frères ont notamment échangé sur l'attaque récente du Hamas, en des termes "exaltés", selon nos informations.

"Il y a sans doute un lien malheureusement entre ce qu’il s’est passé dans le Proche-Orient et ce passage à l’acte", estimait vendredi soir Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur.

Parmi les récents échanges de Mohammed Mogouchkov, les enquêteurs s'intéressent également de près à une autre personne, un détenu de la prison de Moulins-Yzeure dans l'Allier, décrit comme "radicalisé". Selon nos informations, il s'agit d'un homme de 32 ans, écroué depuis 2012. L'homme a été extrait de sa cellule et placé en garde à vue.

Article original publié sur BFMTV.com

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