Argentine: l'attentat visant Kirchner était "pour le bien de la société", clame l'assaillant au procès

L'attentat raté en 2022 contre la vice-présidente argentine d'alors Cristina Kirchner était "un acte de justice", pour "le bien de la société", visant une "corrompue", a clamé mercredi l'accusé N.1 au premier jour du procès, assumant avec un calme stupéfiant un acte qui aurait pu entraîner "une guerre civile".

C’était "un acte de justice et non un acte dans lequel j'ai essayé de tirer un profit financier", a affirmé Fernando Sabag Montiel, rejetant l'hypothèse d'un vaste complot, plusieurs fois suggéré par le camp Kirchner, et selon laquelle il aurait été mandaté ou financé.

A la fois détendu, disert, et collaborant dans le détail avec le tribunal, il évoqué sans détour une "motivation personnelle" pour l'attentat, "une connotation éthique (...) ayant à voir davantage avec l'intérêt général qu'autre chose". Mme Kirchner "est une corrompue, qui vole et nuit à la société", a-t-il lancé.

Pour autant, il a nié un mobile à proprement parler "politique". "Plus que tout, je suis apolitique, et mes raisons pour l'attentat ne sont pas une position qui serait aux antipodes du kirchnérisme (...) c'était une fin personnelle et non au bénéfice d'un quelconque secteur politique", a-t-il affirmé.

Plus tard, répondant à une question, il a même précisé avoir, lors d'échanges avec des amis affirmé que l'ultralibéral Javier Milei,alors en pleine ascension politique jusqu'à sa conquête de la présidence en décembre 2023, "ne lui plaisait pas beaucoup"

Sabag Montiel, 37 ans, un chauffeur VTC occasionnel, est le principal de trois accusés pour l'attentat du 1er septembre 2022 contre l'ex-cheffe de l'Etat (de 2007 à 2015) et alors vice-présidente.

- "Je voulais tuer Cristina" -

Se mêlant un soir à une petite foule de sympathisants devant le domicile de Mme Kirchner à Buenos Aires, il avait pointé un pistolet "à moins d'un mètre" de sa tête. Par miracle, l'arme chargée n'était pas enclenchée, et le coup n'était pas parti. Il avait été maîtrisé sur-le-champ.

L'attentat, le plus grave acte de violence politique depuis le retour de la démocratie il y a 40 ans, avait traumatisé l'Argentine.

Le lendemain, des manifestations émues de soutien à Mme Kirchner - dont une monstre à Buenos Aires - avaient rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs villes.

"Nous venons de vivre un miracle", avait médité à chaud l'historien Sergio Wischnevsky, convaincu que si le coup de feu avait tué, le pays "serait entré dans une spirale de violence" qui l'aurait conduit "en enfer".

Face au tribunal, Sabag Montiel a paru vouloir assumer seul l'acte et dissocier ses co-accusés, son ex-petite amie Brenda Uliarte, 25 ans, jugée comme co-auteure, et un ami, Nicolas Carrizo 29 ans, complice. L'accusation, s'appuyant sur des échanges de messageries, a retenu une planification entre eux.

Pour Sabag Montiel, Carrizo n'était pas au courant "de ce que j'allais faire". Et Uliarte avait un moindre degré "d'engagement". "Moi je voulais tuer Cristina, et elle voulait qu'elle meure", être "spectatrice". La jeune femme, sur les lieux le soir-même, n'avait été arrêtée que trois jours plus tard.

- Mais "mieux" sans guerre civile -

Une des questions planant au-dessus de l'attentat est le degré de planification, son envergure: simple trio de paumés haineux, ou machination plus sombre comme le soupçonne Mme Kirchner ?

Elle avait pointé du doigt des financements privés "identifiés", selon elle, au gouvernement de son successeur libéral Mauricio Macri (2015-2019).

Elle a aussi tenté, en vain, de faire récuser la juge d'instruction, qui au final n'a pas retenu "d'éléments objectifs" suggérant une piste politique. Comme des propos étrangement prémonitoires prêtés à un député de droite, ou un groupuscule d'ultradroite, "Revolucion Federal", dont Uliarte s'était approché très brièvement.

Sabag Montiel, depuis son arrestation, a toujours maintenu avoir "agi seul". Des expertises ont décrit une personnalité "narcissique", au discours "extravagant". A tout le moins prolixe, comme montré sa déposition de de 2H30, frisant parfois la confusion.

"Je me sentirais plus repentant si cela avait réussi", a-t-il ainsi déclaré, sondé sur son remords. Tout en reconnaissant que l'attentat aurait pu entraîner "une guerre civile". Mais que "parfois c'est mieux que les choses n'arrivent pas..."

Le procès a été ajourné au 3 juillet. A raison d'un jour d'audience prévu par semaine, il est voué à durer entre six mois et un an, avec plus de 270 témoins attendus: enquêteurs, agents de sécurité, amis des accusés, et Mme Kirchner elle-même, a priori pas avant des semaines.

pbl-tev/roc