Après la rébellion de Wagner, que va devenir Sergueï Choïgou, principale cible d’Evgueni Prigojine ?

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, lors d’une cérémonie à Moscou, le 21 juin dernier.
Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, lors d’une cérémonie à Moscou, le 21 juin dernier.

GUERRE EN UKRAINE - Par le passé, on les a vus prendre des bains de soleil, torse nu dans la Sibérie lointaine, où en train de jouer dans la même équipe de hockey sur glace. Une franche camaraderie entre le président russe Vladimir Poutine et son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, désormais mise à rude épreuve après la révolte menée samedi 24 juin par le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine.

L’homme du Kremlin a mis fin à la mutinerie du groupe armé après une médiation surprise menée par le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Mais la position de Choïgou est devenue particulièrement précaire. S’il a été filmé par la télévision russe ce lundi 26 juin dans un poste de commandement des forces russes en Ukraine et y « a tenu une réunion avec les responsables » d’une des unités, se pose maintenant une question : que va devenir le ministre de la Défense, jugé responsable du fiasco de l’invasion russe en Ukraine ?

Prigojine a réussi le tour de force de s’emparer du quartier général du commandement sud de l’armée russe à Rostov-sur-le-Don, centre névralgique de l’invasion de l’Ukraine. Il a aussi accusé Choïgou de fuir « comme un lâche » et juré qu’il « serait arrêté ». L’intenable patron de Wagner avait auparavant accusé Choïgou et le chef d’état-major des armées russe, le général russe Valeri Guerassimov, d’être responsable de la mort de « dizaines de milliers de Russes » en Ukraine et d’avoir « cédé des territoires à l’ennemi ».

Le « grand perdant » de la rébellion de Wagner

« Le grand gagnant de la soirée est Loukachenko et le grand perdant est Choïgou », résume Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, auprès de l’Agence France presse (AFP).

Avant même que n’éclate la révolte, vendredi soir, Choïgou avait subi une myriade d’attaques de Prigojine et portait comme un boulet l’incapacité des forces russes à progresser en Ukraine, 16 mois après le début de l’invasion.

Le 12 juin, une vidéo de Poutine et Choïgou assistant à une remise de médailles dans un hôpital militaire montrait le président russe lui tournant le dos avec un mépris apparent. Une cruelle disgrâce pour celui qui a poursuivi une carrière d’une longévité inégalée dans la Russie post-soviétique, et dont la présence au cœur du pouvoir à Moscou est antérieure à celle de Poutine.

Originaire de la région de Touva, dans le sud de la Sibérie, il fait partie des très rares Russes non-ethniques à avoir occupé un poste de haut niveau au sein du gouvernement après l’effondrement de l’URSS.

Il commence son ascension en 1994, comme ministre des situations d’urgence dans les premières années de la présidence de Boris Eltsine. Il devient une présence familière pour les Russes et l’un des politiciens les plus populaires du pays, courant à travers le pays pour gérer accidents d’avion et tremblements de terre. Servant sous une douzaine de Premiers ministres, il occupe ce poste jusqu’en 2012, avant d’être nommé gouverneur de la région de Moscou, puis ministre de la Défense la même année.

Choïgou bientôt remplacé ?

Il est alors nommé général malgré son absence d’expérience militaire de haut niveau. Et supervise avec succès des opérations complexes, notamment l’intervention russe de 2015 en Syrie, qui maintient au pouvoir l’allié de Moscou Bachar al-Assad. Pour son 65e anniversaire, Poutine lui fait le cadeau de l’une des plus hautes décorations de Russie, la médaille « Pour le mérite de la patrie », qui vient compléter un coffre déjà bien rempli de médailles.

Mais l’invasion désastreuse de l’Ukraine - avec laquelle le Kremlin espérait prendre Kiev en quelques semaines - a soulevé bien des questions. « Prigojine voulait envoyer le message que Choïgou et Guerassimov devaient être licenciés parce qu’ils sont incompétents et qu’un changement de stratégie est nécessaire », explique à l’AFP Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES).

Il n’y a désormais plus de signe d’amitié virile entre lui et Poutine, ni de photos comme celle en 2017 des deux hommes torse nu, en train de bronzer près d’une rivière de la taïga sibérienne. Choïgou en est réduit à marmonner des rapports lors de rencontres avec le chef du Kremlin, quand il n’est pas relégué dans un coin pendant que Poutine supervise une vidéoconférence.

Les chaînes Telegram russophones ont même émis des spéculations sur son possible successeur, avançant comme favori le gouverneur de la région de Toula, Alexeï Dioumine, qui a occupé des postes de haut niveau dans l’armée et dans la sécurité présidentielle.

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