Après la mort de Nahel, LFI veut abroger une loi de Cazeneuve, accusée d’être « un permis de tuer »

LFI dépose un texte pour abroger la loi de Cazeneuve accusée d’être « un permis de tuer » (photo de Bernard Cazeneuve prise en 2017)
LFI dépose un texte pour abroger la loi de Cazeneuve accusée d’être « un permis de tuer » (photo de Bernard Cazeneuve prise en 2017)

POLITIQUE - La réponse peut-elle être politique ? La mort du jeune Nahel, tué par un policier mardi 27 juin à Nanterre après un refus d’obtempérer, fait émerger dans le débat les dispositions d’une loi de 2017 votée sous la présidence de François Hollande. Selon la gauche, et plusieurs spécialistes des questions de sécurité, ce texte serait à l’origine de la recrudescence, documentée, des tirs mortels de la part de forces de l’ordre. La France insoumise propose de l’abroger.

« Le groupe parlementaire de la France Insoumise-Nupes dépose une loi pour abroger l’article 435-1 de la loi Cazeneuve qui crée un permis de tuer », écrit ainsi Mathilde Panot sur les réseaux sociaux ce jeudi 29 juin, en ajoutant : « Depuis 2017, les tirs mortels sur des véhicules en mouvement ont été multipliés par 5. Ces meurtres doivent cesser… »

Un mot d’ordre relayé par de nombreux Insoumis depuis le décès retentissant de Nahel, à commencer par Jean-Luc Mélenchon. « La Justice avance. L’assassin reste sous son contrôle. La politique doit suivre. La loi ’permis de tuer’ de l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve doit être abrogée », juge ainsi l’ancien candidat à l’élection présidentielle.

Une « loi très particulière » qui a « modifié les pratiques »

Concrètement, le texte qui fait l’objet de nombreuses critiques a modifié la réglementation sur l’usage des armes à feu pour les policiers, l’alignant sur celle des gendarmes. Auparavant, les fonctionnaires étaient soumis au Code pénal et devaient prouver la légitime défense comme n’importe quel citoyen.

Depuis l’entrée en vigueur du nouveau texte, les policiers peuvent faire feu sur un véhicule « dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui », selon le fameux article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. Le texte précise que l’usage des armes est autorisé seulement en cas « d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ».

Mais son application réelle est controversée. Dans un entretien au journal suisse Le Temps, le chercheur au CNRS Sebastian Roché, spécialiste des enjeux autour de la police, juge que la loi en question, « très particulière » et qui « déroge à des règles de la Cour européenne des droits de l’homme », a « modifié les pratiques » des policiers.

« Il y a eu une multiplication par cinq des tirs mortels entre avant et après la loi dans le cadre de véhicule en mouvement », estime-t-il. Et de pointer, par ailleurs, une forme de spécificité française peu reluisante : « En Allemagne, il y a eu un tir mortel en dix ans pour refus d’obtempérer, contre 16 en France depuis un an et demi. On a un écart très marqué avec nos voisins. »

Bernard Cazeneuve se défend

Ciblé, notamment par les insoumis, Bernard Cazeneuve, lui, se défend. Dans un article publié ce jeudi par Le Monde, celui qui était le Premier ministre aux manettes quand la loi a été votée, estime que « le texte reprend les cas de légitime défense déjà établis par la jurisprudence et offre une sécurité juridique aux forces de l’ordre », tout en arguant d’un « contexte de tueries de masse après les attentats ». En réalité, la loi a été rédigée après l’agression de policiers à Viry-Châtillon en 2016.

« Il n’est pas honnête d’imputer au texte ce qu’il n’a pas souhaité enclencher », ajoute le socialiste, qui refuse d’endosser une quelconque responsabilité. Pour lui, « on ne peut pas imputer à une loi ce qui relève de la formation, de la capacité et du professionnalisme des policiers, du rappel de la police aux règles déontologiques, de l’encadrement qui doit s’assurer qu’elles sont appliquées… »

De quoi convaincre les pourfendeurs du texte ? Sans doute pas. Sans en être clairement, Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale n’a pas hésité à mettre le sujet sur la table, dès mercredi, en expliquant sur LCI qu’il faudrait « regarder le cadre d’emploi » de cette loi de 2017. Et d’ajouter : « Je suis très soucieuse de l’évaluation des lois une fois qu’elles ont été votées. Que deviennent-elles, comment s’appliquent-elles ? Est-ce qu’elles ont fixé le bon cadre ? » Autant de questions qui vont continuer à alimenter le débat.

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