Qui pour gouverner? Macron et Larcher veulent temporiser, la gauche s'impatiente

Le président français Emmanuel Macron, le 7 juillet 2024 au Touquet (MOHAMMED BADRA)
Le président français Emmanuel Macron, le 7 juillet 2024 au Touquet (MOHAMMED BADRA)

Les tractations se poursuivent jeudi pour tenter de former un gouvernement, certains se montrant moins pressés que d'autres: Emmanuel Macron veut "laisser du temps" aux partis, comme Gérard Larcher prêt à "enjamber les JO", tandis qu'à gauche des responsables manifestent leur "impatience".

Pour le maître des horloges, il est urgent d'attendre. Puisque "personne ne l'a emporté" aux législatives et que les "blocs" sortis des urnes "sont tous minoritaires" à l'Assemblée, Emmanuel Macron entend "laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir (des) compromis".

En attendant de "décider de la nomination du Premier ministre", c'est "le gouvernement actuel (qui) continuera d'exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes", ajoute le chef de l'Etat dans sa "lettre aux Français" publiée par la presse régionale.

Un scénario qui convient parfaitement à Gérard Larcher. Reçu mardi soir à l'Elysée, le président du Sénat y a d'ailleurs "plaidé pour que nous prenions du temps, que nous enjambions la période importante où nous accueillons le monde aux Jeux olympiques", comme il l'a raconté jeudi matin sur BFMTV/RMC.

Pour le troisième personnage de l'Etat, ce n'est "qu'ensuite, au début du mois de septembre", que devra être "engagée la phase qui est la conséquence de ces élections". Quitte donc à prolonger de deux mois le bail de Gabriel Attal à Matignon? "C'est l'option que j'ai défendue", a ajouté M. Larcher, constatant comme le président de la République que "personne n'a de majorité, même relative" à l'Assemblée.

- "Pas à pas" -

Hors de question pour la gauche, qui revendique le pouvoir depuis son succès inespéré dimanche. Olivier Faure, le patron du PS, accuse le chef de l'Etat de ne pas "respecter le vote des Français" qui ont placé en tête le Nouveau Front populaire. Le patriarche insoumis Jean-Luc Mélenchon dénonce même des "magouilles" et "le retour du veto royal".

Avec le soutien de la CGT, qui appelle à des rassemblements le 18 juillet devant l'Assemblée nationale et les préfectures "pour que le résultat des élections soit respecté", a indiqué Sophie Binet sur LCI.

"Emmanuel Macron doit prendre acte du fait qu'il a perdu (et) nommer le Premier ministre qui sera proposé par le Nouveau Front populaire", a insisté la patronne du puissant syndicat.

Sauf que les leaders du NFP peinent à s'accorder sur un nom pour Matignon. Et certains s'exaspèrent: "J'ai fait part de mon impatience de façon assez forte", indique ainsi le communiste Fabien Roussel dans un entretien à Libération. "Nous mettons beaucoup trop de temps", a également estimé l'écologiste Sandrine Rousseau sur RMC.

Signe d'âpres tractations en coulisses, l'Insoumise Mathilde Panot a expliqué sur franceinfo qu'il y a "des équilibres à tenir entre les différents postes à responsabilité", au gouvernement comme à l'Assemblée, et que les discussions "avancent pas à pas" afin de "proposer quelque chose qui est solide".

- "Sortir de l'impasse" -

Pendant que la gauche se répartit les ministères, les macronistes continuent d’échafauder des scénarios pour coiffer au poteau le NFP.

Les députés Renaissance rêvent par exemple d'"alliances programmatiques" au sein d'une "coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement", donc sans LFI.

Gérald Darmanin et Edouard Philippe ont chacun de leur côté plaidé pour un rapprochement avec Les Républicains, tandis que le chef des députés Horizons, Laurent Marcangeli, a évoqué un gouvernement "qui partirait des LR pour aller jusqu'aux sociaux-démocrates (...), voire le Parti communiste et les écologistes".

Sauf que la main tendue n'est qu'à moitié saisie: Laurent Wauquiez, président fraîchement élu du groupe LR à l'Assemblée rebaptisé "Droite républicaine", a rejeté une "coalition gouvernementale", mais évoqué la possibilité d'un "pacte législatif".

Et la division menace le camp présidentiel, où Sacha Houlié, marcheur de la première heure et tenant de l'aile gauche, a pour sa part annoncé qu'il ne "siégera pas" au groupe Renaissance, préférant tenter de créer un groupe "qui aille de la droite sociale à la gauche socialiste".

Le patron du MoDem, François Bayrou, a quant à lui répété sur TF1 que "la seule solution c'est qu'on propose un rassemblement". Contrairement à MM. Macron et Larcher, il a jugé qu'"il faudrait que ça ne traine pas trop" et que le chef de l'Etat devrait plutôt "nommer un Premier ministre (à qui) il reviendra de composer un gouvernement avec des personnalités fortes, d'expérience, qui se respectent entre elles".

Des profils "qui ont traversé des tempêtes", a-t-il ajouté, se disant lui-même disponible "pour aider de toutes les manières possibles" afin de "sortir de cette impasse dans laquelle on se trouve".

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