Un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream, où en sont les enquêtes ?

Presque immédiatement après le sabotage de Nord Stream, les soupçons s’étaient portés sur la Russie, mais c’est désormais la piste ukrainienne qui semble privilégiée.
HANDOUT / AFP Presque immédiatement après le sabotage de Nord Stream, les soupçons s’étaient portés sur la Russie, mais c’est désormais la piste ukrainienne qui semble privilégiée.

GUERRE EN UKRAINE - Piste russe, hypothèse ukrainienne, implication étatique… Un an après les quatre énormes fuites de gaz sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 le 26 septembre 2022, les théories sont encore nombreuses et les pistes solides nébuleuses.

Les fuites avaient été signalées après des explosions sous-marines dans les eaux internationales de la mer Baltique, entre les côtes du sud de la Suède et l’île danoise de Bornholm.

Depuis cet événement géopolitique majeur, plusieurs enquêtes judiciaires tentent désormais d’élucider le mystère de ces sabotages. Un an jour pour jour après les faits, aucune d’entre elles ne semble en mesure d’avancer une accusation solide, d’autant plus que la piste d’un accident a depuis longtemps été écartée. L’aspect délibéré de cette attaque ne faisant que peu de doute.

Des enquêtes « politiquement sensibles »

À ce stade, trois procédures sont toujours en cours, celles de l’Allemagne, du Danemark et de la Suède. Encore frileuse, l’Allemagne n’a pas encore évoqué de véritable piste. Auprès de l’AFP, le parquet général allemand estime qu’il « n’est actuellement pas possible de faire des déclarations fiables » sur l’identité et les motivations des auteurs, ni « sur la question d’un soutien étatique ».

« Soit il n’y a vraiment pas de piste assez bonne, soit c’est politiquement sensible », estime toutefois Christian Mölling, expert du Conseil allemand des relations extérieures.

La Suède prend pourtant moins de pincettes. La « principale hypothèse est qu’un État est derrière » le sabotage, affirmait dès avril le procureur suédois Mats Ljungqvist. Pour lui, les responsables savaient « très bien qu’ils laisseraient des traces ». Un an après les faits, le procureur assure désormais que son enquête se situe « dans la phase finale », espérant pouvoir rendre une « décision » d’ici 2024.

Carte permettant de localiser les fuites de gaz détectées sur Nord Stream 1 et Nord Stream 2 en septembre 2022.
AFP Carte permettant de localiser les fuites de gaz détectées sur Nord Stream 1 et Nord Stream 2 en septembre 2022.

De son côté, le Danemark n’a pas encore communiqué sur son enquête, se contentant d’évoquer dans un courrier commun avec l’Allemagne et la Suède envoyé au Conseil de sécurité de l’ONU que « la nature des actes de sabotage est sans précédent et les enquêtes sont complexes ».

Reste maintenant à savoir si les conclusions des troys pays seront entièrement dévoilées du fait de la sensibilité des informations, surtout dans le cas d’une implication ukrainienne. Ce qui placerait les principaux alliés de Kiev dans une position délicate.

Vers un sabotage ukrainien

Si les pistes sont encore multiples, nombre d’entre elles conduisent à l’Ukraine. En mars, le New York Times évoquait d’ailleurs la piste un « groupe pro-ukrainien » agissant à l’insu de Kiev et de son président Volodymyr Zelensky. Une piste souvent évoquée, d’autant plus que l’Ukraine s’est longtemps opposée aux pipelines du Kremlin.

Quelques mois plus tard, plusieurs médias relayaient une information selon laquelle les services de renseignements militaires néerlandais avaient averti la CIA d’un projet ukrainien de faire sauter le gazoduc.

Dans le même temps, le parquet allemand s’est penché sur un voilier soupçonné d’avoir acheminé les explosifs sur site. Les médias allemands Spiegel et ZDF ont même loué ce faux voilier de 15 mètres de long, l’« Andromède », pour reconstituer le périple qu’un équipage supposément ukrainien (constitué de cinq hommes et une femme) aurait effectué du port allemand de Rostock jusqu’au large de l’île de Bornholm.

« On se demande désormais si l’acte a pu être exécuté par un commando incontrôlé ou par les services secrets ukrainiens et dans quelle mesure certains éléments de l’appareil gouvernemental ukrainien étaient au courant », évoquait alors le Spiegel en conclusion de son enquête.

Des soupçons sur la Russie

À l’inverse, plusieurs navires russes ont été pointés du doigt par la presse allemande et danoise comme potentiels suspects. Dans le Spiegel, un ancien officier de renseignement de la marine britannique soupçonnait le Sibiriakov, un navire scientifique russe, tandis que le média danois Information ciblait plutôt le SS-750, un navire russe spécialisé dans les opérations sous-marines et présent dans la zone peu avant les explosions.

Cité par l’AFP, l’analyste au centre d’études sur l’Europe de l’Est de Stockholm Andreas Umland estime que la piste conduisant au Kremlin est la « plus probable ». Si les preuves manquent encore, le mobile semble tout trouvé en cas d’implication russe.

Il faut dire que l’arrêt de Nord Stream 1 était une décision de Moscou comme représailles aux sanctions occidentales contre la Russie. Avec de lourdes conséquences pour l’Allemagne, très dépendante du gaz russe.

Derrière cette hypothèse, Andreas Umland évoque aussi l’idée de faire porter le chapeau à Kiev pour « détruire la réputation de l’Ukraine » auprès de ces alliés européens après plusieurs mois de guerre.

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