Amazonie : ce que l’on sait d’un immense réseau de cités perdues découvert en Équateur

Des scientifiques ont découvert un vaste réseau de cités densément peuplées vieilles de 2 500 ans,  selon une étude parue vendredi 12 janvier dans la prestigieuse revue « Science ». (illustration Amazonie brésilienne)
MICHAEL DANTAS / AFP Des scientifiques ont découvert un vaste réseau de cités densément peuplées vieilles de 2 500 ans, selon une étude parue vendredi 12 janvier dans la prestigieuse revue « Science ». (illustration Amazonie brésilienne)

ENVIRONNEMENT - La plus grande forêt tropicale du monde est loin d’être vierge de toute civilisation. En pleine forêt amazonienne, des scientifiques ont découvert un vaste réseau de cités densément peuplées vieilles de 2 500 ans, où vivait une société agraire jusqu’ici inconnue, selon une étude parue vendredi 12 janvier dans la prestigieuse revue Science.

Le site, qui s’étend sur plus de 1 000 kilomètres carrés dans la vallée de l’Upano, en Équateur, au pied de la cordillère des Andes, comprend une vingtaine d’agglomérations, connectées par des routes.

• 25 ans sur les traces d’« Upano »

Un urbanisme de dimension jamais vue à une période aussi ancienne en Amazonie. « Ça n’est pas seulement un village mais un paysage entier qui a été domestiqué par l’homme », explique à l’AFP Stéphen Rostain, directeur de recherche au CNRS et premier auteur de l’étude.

Voilà 25 ans que cet archéologue français avait détecté les premières traces de cette civilisation baptisée « Upano » par des fouilles au sol, et repéré quelques centaines de monticules de terre.

En 2015, une compagnie mandatée par le bureau du patrimoine équatoriens entreprend de survoler la région avec un Lidar (« Laser imaging detection and ranging »), une petite machine de télédétection par laser embarquée dans un avion, qui permet de passer entre les feuilles des arbres de l’épaisse forêt.  « En éliminant la couverture végétale, vous pouvez restituer le vrai modelé du sol sur ces centaines de kilomètres carrés, ce qui n’était pas possible sur le terrain », précise Stéphen Rostain.

L’imagerie révèle plus de 6 000 de monticules, des plateformes en terre rectangulaires qui servaient de sous-bassement aux habitations, pour les protéger du sol humide. « Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi spectaculaire. Pour un archéologue, c’est un véritable eldorado scientifique », confie le chercheur.

• Des rues à angle droit « comme à New York »

Les premières plateformes auraient été érigées entre 500 ans avant notre ère et 300 et 600 ans après, couvrant ainsi l’époque de l’Empire romain. D’autres villages préhispaniques ont été mis au jour en Amazonie, mais plus récents, entre 500 et 1 500 de notre ère. Et pas aussi vastes.

Plus remarquable encore : les cités découvertes sont entrecoupées par de grandes rues creusées, droites et à angle droit, « comme à New York », commente l’archéologue. Elles reliaient les villages ensemble à des fins commerciales, mais aussi cérémonielles, selon l’expert.

Certaines cités comportent une grande allée centrale, semblable à celle du site archéologique de Teotihuacan au Mexique, pour réunir les gens des villages. Car ceux-ci étaient « densément peuplés », de « plusieurs milliers d’habitants » - une étude statistique est en cours pour avoir une estimation plus fine.

Société nomade « stratifiée »

Des monticules hauts de 8 à 10 mètres témoignent également de la construction non pas de maisons, mais d’espaces collectifs pour des rituels ou des fêtes.

Des petits champs montrent en outre qu’il s’agit d’une société agraire qui « profitait du moindre espace vide pour le faire fructifier », analyse le scientifique, qui travaille au laboratoire Archéologie des Amériques. En fouillant des habitations, il avait ainsi déjà déniché de nombreux vestiges domestiques : graines, pierres à moudre, outils, jarres en céramique pour boire la bière de maïs....

« On n’est pas dans le cadre d’une société nomade mais d’une société stratifiée, avec probablement une autorité et des ingénieurs pour tracer des routes », résume Stéphen Rostain.

Cette découverte démontre selon lui « qu’il n’y avait pas que des autochtones chasseurs-cueilleurs archaïques en Amazonie mais aussi des populations urbaines complexes », alors qu’une « certaine arrogance occidentale a tendance à cantonner les civilisations des peuples forestiers à la sauvagerie ». « Il est temps de reconsidérer cette opinion dépréciative de l’Amazonie », estime-t-il.

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