Amélie Oudéa-Castéra, la première semaine cauchemar de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale

À peine nommée, la ministre de l’Éducation nationale a fait l’objet d’une intense polémique, provoquée par des révélations de Mediapart. Des débuts chaotiques.

Vendredi 12 janvier, collège Saint-Exupéry, Andrésy, Yvelines. En compagnie du Premier ministre Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castéra fait son premier déplacement flanquée de son intitulé à rallonge : ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques.

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Sa nomination, la veille en fin de journée, inquiète le corps enseignant, déconcerté par ce portefeuille XXL qui dénote avec le discours de l’exécutif érigeant la cause scolaire en priorité. L’enjeu de ce déplacement avec son prédécesseur revêt une importance majeure pour celle qui doit d’abord rassurer le secteur.

Celui-ci est programmé pour 15 heures. Mais à 13 h 36, Mediapart publie des révélations qui vont gêner l’opération séduction : Amélie Oudéa-Castéra scolarise ses enfants dans le privé. Et pas n’importe où : dans le catholique (et controversé) collège-lycée Stanislas, établissement qui fait l’objet d’une enquête administrative après des révélations du site d’investigation au sujet de « dérives homophobes » observées en son sein.

Des « propos lunaires »

Le symbole est fâcheux. À 16 h 37, la ministre de l’Éducation nationale n’échappe pas à une question sur le sujet. Sa réponse ne fait qu’aggraver la situation. Elle invoque les « paquets d’heures non remplacées » qui ont conduit à placer ses enfants dans le privé. « On en a eu marre, comme des centaines de milliers de familles », justifie-t-elle, faisant porter la responsabilité de ce choix à l’école publique et ses défaillances.

Tollé immédiat. Les syndicats montent au créneau. Secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, Sophie Vénétitay dénonce des « propos lunaires et provocateurs » tenus « dès le premier jour » par la nouvelle ministre, tandis que le député LFI de Paris Rodrigo Arenas, ancien coprésident de la FCPE, saisit le recteur de l’académie de Paris pour vérifier ses affirmations. La polémique est telle que l’intéressée tente elle-même d’éteindre l’incendie. Le lendemain, samedi 13 janvier, elle transmet un communiqué à l’AFP par lequel elle « regrette » d’avoir pu « blesser certains enseignants ».

Elle assure qu’elle voulait seulement mettre le doigt sur l’un des problèmes de l’enseignement, « 15 millions d’heures » non remplacées l’année dernière. Le lendemain, dimanche 14 janvier, la polémique prend un autre tournant. Libération relaie le témoignage de l’enseignante mise en cause. « Horrifiée », elle dément tout manquement durant les six mois où l’aîné d’Amélie Oudéa-Castéra a été scolarisé à l’école Littré, établissement public du VIe arrondissement de Paris.

Amélie Oudéa-Castéra conteste et maintient ses affirmations. Or, le lendemain matin, c’est le journaliste Nicolas Poincaré, dont l’enfant a fréquenté le même établissement sur la même période, qui confirme le témoignage de l’enseignante. La ministre est accusée d’avoir menti, les appels à la démission pleuvent. La situation s’envenime. En déplacement avec Gérald Darmanin, elle demande à « passer à autre chose », et explique avoir seulement « priorisé le bien être de [son] enfant ». Comme si ceux scolarisés dans le public en étaient privés.

Le même jour, une réunion est prévue avec les syndicats. Elle vire au fiasco. Certains claquent la porte, comme la FSU, alors que la ministre est accusée d’être arrivée en retard en raison d’une réunion sur les JO. De quoi relancer le débat sur ses attributions. Rien ne semble aller.

Un déplacement est organisé en catastrophe le lendemain à l’école Littré, mardi 16 janvier. Devant les caméras, elle est accueillie et repart sous les huées. À son sixième jour au ministère de l’Éducation nationale, la ministre présente déjà ses excuses aux personnels. L’image est terrible. L’expérience vire au chemin de croix.

La ministre fragilisée

Selon nos informations, son communicant habituel était absent lors du premier déplacement qui a mis le feu aux poudres. Face à la mitraille, Amélie Oudéa-Castéra (qui fait désormais l’objet d’une plainte en diffamation déposée par le Syndicat national des agents publics de l’Éducation nationale) accuse le coup.

Prise à partie lors des questions au gouvernement, elle déplore avoir été entraînée « sur le terrain de la vie privée » et regrette d’avoir exprimé « le souvenir et le ressenti d’une expérience d’il y a quinze ans ». Le soir même, Mediapart publie le rapport accablant sur les « dérives » homophobes et sexistes de l’établissement Stanislas. Une enquête administrative jusque-là enterrée, et qui interroge la capacité de la ministre à s’en saisir comme ses fonctions l’y obligent alors que ses enfants y sont scolarisés.

Lorsqu’elle arrive en début de soirée à l’Élysée pour la conférence de presse du chef de l’État, Amélie Oudéa-Castéra est fragilisée. « Affaiblie », souffle au HuffPost un conseiller ministériel, qui ne comprend pas pourquoi un portefeuille si grand et complexe lui a été confiée alors qu’elle « délivrait des Jeux Olympiques plus que corrects ». Emmanuel Macron, allergique aux lynchages publics, prend sa défense et la confirme au poste. Une rare bouffée d’oxygène.

« Conflit d’intérêts »

Mercredi 17 janvier sur France 2, elle donne l’impression de voler au secours de Stanislas en expliquant que le rapport (qu’elle explique pourtant n’avoir pas lu en entier) « ne remonte aucun fait d’homophobie, ni aucun cas de harcèlement ». Selon elle, « le seul cas d’homophobie a fait l’objet d’un signalement au procureur ». Or, le soir même, Mediapart publie une série d’éléments montrant que les propos homophobes ne sont pas isolés, et titre sur « le nouveau mensonge d’Amélie Oudéa-Castéra ».

Pour éviter toute nouvelle pièce dans la machine à polémique, la ministre a décidé, ce 18 janvier, au sixième jour de sa semaine horribilis de se déporter du dossier. Cette décision, conforme à la recommandation de la HATVP, intervient alors que les syndicats pointaient un risque de « conflit d’intérêts » en raison de ses liens avec Stanislas.

Une solution à double tranchant. Car si elle offre à la ministre l’espoir de clore le dossier, elle confirme que la question originelle ne relevait pas de la « vie privée » comme elle l’affirmait. Et que les interrogations provoquées par le premier article de Mediapart étaient fondées. Vivement la deuxième semaine ?

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