Affaire Kameugne: 14 ans après la mort de Stéphane, ses parents dénoncent l'inaction de la justice

Depuis 14 ans, les parents de Stéphane Kameugne réclament la vérité sur cette nuit tragique de décembre 2008 où leur fils a disparu. Le temps passe, mais leur combativité ne faiblit pas. Accompagnés de leurs avocats et de leurs soutiens, ils se rassemblent ce vendredi, à 14h00, devant le palais de justice de Reims afin de demander, une nouvelle fois, le transfert de ce dossier au pôle "cold-case" de Nanterre.

Car les investigations, qui restent à ce stade confiées au pôle criminel du parquet de Reims, "patinent", dénoncent les avocats de la famille, Mes Didier Seban et Antoine Sauvestre-Vinci.

"On a obtenu l'ouverture d'une instruction judiciaire pour homicide involontaire, avec un réquisitoire supplétif pour meurtre, mais rien ne se passe. Le parquet de Reims ne joue pas un rôle actif dans l'enquête. Dans ce cas-là, qu'il laisse le pôle cold-case de Nanterre s'en charger", soutient Me Sauvestre-Vinci auprès de BFMTV.com.

"Des questions et zéro réponse"

La veille de ce rassemblement, le procureur de la République, Matthieu Bourrette, a tenu à réaffirmer son "attachement à découvrir la vérité dans cette douloureuse affaire", justifiant ainsi son refus de se dessaisir au profit du parquet de Nanterre.

"À Reims, rien n'a été fait pour obtenir la vérité, ils ont négligé plein d'éléments. Résultat, les questions s'accumulent, et on a zéro réponse. C'est quel genre de justice, ça?", s'agace Samuel Kameugne que nous avons contacté.

Dès que son fils a disparu, Samuel Kameugne s'est rendu au dernier endroit où il avait été aperçu: l’École nationale supérieure des arts et métiers (Ensam) de Châlons-en-Champagne, dans la Marne. Le 6 décembre 2008, Stéphane, 24 ans, avait fait le déplacement en voiture depuis Paris pour assister à sa soirée de remise de diplôme.

"Quand je suis arrivé, une amie de Stéphane m'a raconté qu'ils étaient allés au restaurant avec des camarades de promo avant de se rendre au gala. Et puis... Silence. Pendant 14 ans, personne n'a rien osé dire de plus", raconte ce père endeuillé.

Des théories divergentes, le dossier s'enlise

Que s'est-il passé cette nuit-là? Pourquoi les investigations peinent-elles à avancer? Selon les premiers éléments recueillis par les enquêteurs, au cours de la soirée, Stéphane a été accompagné par des amis dans une salle de repos de son école, fortement alcoolisé. Toutefois, il en est ressorti une dizaine de minutes plus tard, vers 04h00 du matin, et a quitté le campus. Sa trace se perd alors... Jusqu'au 24 décembre, 14 jours plus tard, quand son corps est retrouvé inerte dans un canal à proximité.

La première autopsie oriente l'enquête vers la piste de l'accident. Ivre, Stéphane aurait glissé et se serait cogné sur le bord de la rive avant de "rebondir dans l'eau". Une hypothèse à laquelle ses parents refusent d'adhérer, ils réclament alors une contre-expertise. Le second examen, réalisé quelques mois plus tard, réfute la possibilité d'une chute et des expertises complémentaires permettent de révéler un traumatisme au niveau du thorax de la victime. Les spécialistes en concluent que l'ancien élève de l'Ensam a pu être "frappé à l'aide d'un objet contondant".

"Mon fils était brillant, travailleur. Ça a peut-être suscité de la jalousie chez d'autres élèves", veut croire Samuel Kameugne.

Ce père d'origine camerounaise garde également dans un coin de sa tête l'hypothèse d'une agression sur fond de racisme. Mais 9 ans plus tard, un autre examen établit que le traumatisme thoracique pourrait être lié à un choc, et une nouvelle théorie se dessine:

"Stéphane pourrait avoir été renversé par une voiture et projeté dans l'eau, ou le conducteur pourrait l'avoir mis dans l'eau lui-même, dans un mouvement de panique, avant de prendre la fuite", expose Me Sauvestre-Vinci.

Des éléments négligés?

Les hypothèses et avis divergents s'accumulent, au détriment de l'affaire, qui s'enlise. Samuel Kameugne reproche aux magistrats instructeurs de ne pas s'être suffisamment penchés sur d'autres éléments qui auraient pu, selon lui, faire avancer l'enquête. "Les juges n'ont rien fait de la téléphonie, ils auraient dû regarder les bornages, les appels, pour voir si quelqu'un se trouvait avec mon fils ce soir-là, après 4h du matin. Ils n'ont pas creusé non plus la piste de sa voiture qui a disparu pendant quelques heures avant de réapparaître sur le parking de l'école."

Selon le témoignage d'un gardien à l'époque des faits, la voiture que Stéphane avait garée sur le parking de l'Ensam en arrivant au gala aurait, en effet, été déplacée durant la nuit de sa disparition. Pourquoi et par qui? La famille réclame qu'elle soit examinée afin de retrouver d'éventuelles traces laissées par un potentiel suspect. En vain.

"L'affaire est étouffée depuis le début pour préserver la réputation de l'école", veut croire Samuel Kameugne.

Des témoins gardent-ils le silence par peur des représailles? C'est en tout cas la théorie de la famille de la victime qui supplie de briser cette omerta. "Même 14 ans plus tard, le moindre détail pourrait aider l'enquête à avancer", répète Samuel Kameugne qui refuse de perdre le faible espoir qu'il nourrit encore.

Article original publié sur BFMTV.com