Affaire Depardieu : une semaine après la déclaration de Macron, le cinéma français se déchire

Dans « C à vous » le 20 décembre, Emmanuel Macron a soutenu Gérard Depardieu, déclenchant une geurre d’opinions au sein du cinéma Français.
Capture d’écran Twitter « Complément d’enquête » Dans « C à vous » le 20 décembre, Emmanuel Macron a soutenu Gérard Depardieu, déclenchant une geurre d’opinions au sein du cinéma Français.

CINÉMA - Ils sont de plus en plus nombreux à choisir un camp et à l’afficher. Les prises de parole de célébrités du milieu du cinéma et de la télévision s’enchaînent depuis quelques jours pour soutenir, ou au contraire, dénoncer Gérard Depardieu. Au départ de cette joute par déclarations interposées, la prise de position en direct à la télévision d’Emmanuel Macron dans C à vous, suite à la diffusion du numéro de Complément d’enquête sur l’acteur. Les images extraites d’un documentaire tourné en Corée du Nord montraient des comportements obscènes de l’acteur, sexualisant notamment une fillette.

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Le 20 décembre sur le plateau de l’émission de France 5, le président de la République a pris parti. « Moi, je suis un grand admirateur de Depardieu, c’est un génie de son art. Vous pouvez accuser quelqu’un, et peut-être qu’il y a des victimes, et je les respecte et je veux qu’elles puissent défendre leurs droits, mais il y a aussi la présomption d’innocence qui existe », a-t-il affirmé, tout en dénonçant « une chasse à l’homme ».

Cette sortie a déclenché un phénomène qui depuis, ne semble pas près de s’arrêter. Le lendemain sur le plateau de Quotidien, Carole Bouquet alors en promotion de la série Escort Boys, a à son tour pris la défense de son ancien conjoint, avançant avoir « peur pour lui ». Et elle a été suivie par de nombreuses stars du cinéma français dans sa démarche.

La tribune des « anti-effacement » et pro-Depardieu

Le 25 décembre au soir, le Figaro a publié une tribune de soutien à Gérard Depardieu. « Nous ne pouvons plus rester muets face au lynchage qui s’abat sur lui, face au torrent de haine qui se déverse sur sa personne, sans nuance, dans l’amalgame le plus complet et au mépris d’une présomption d’innocence dont il aurait bénéficié, comme tout un chacun, s’il n’était pas le géant du cinéma qu’il est », explique notamment le texte signé par une cinquantaine d’artistes.

Parmi eux, des sommités du cinéma et de la musique : Benoît Poelvoorde, Bertrand Blier, Nathalie Baye, Carole Bouquet, Charlotte Rampling, Jacques Weber, Pierre Richard, Gérard Darmon, Roberto Alagna, Carla Bruni, Arielle Dombasle, ou encore Jacques Dutronc.

Les signataires mettent en avant la prétendue cabale médiatique et la « cancel culture » dont serait d’après eux victime l’acteur suite à la diffusion du numéro de Complément d’enquête. Sans jamais mentionner les victimes, ce qui a suscité de nombreuses réactions de colère de la part d’autres célébrités comme l’actrice Lucie Lucas.

Certains signataires ont d’ailleurs même fait à moitié machine arrière. C’est le cas du producteur et réalisateur Yvan Attal qui a reconnu sur BFMTV le 28 décembre : « Je me rends compte qu’en signant cette pétition j’ai blessé des gens autour de moi. Des gens se sont sentis agressés par cette pétition, des femmes. Je m’en suis voulu et je m’en mords les doigts ». Carole Bouquet elle-même a posté une sorte de correctif ce vendredi 29 décembre sur Instagram expliquant rejeter l’origine de la tribune écrite par Yannis Ezziadi, comédien et éditorialiste au mensuel réactionnaire Causeur.

La riposte sans appel des défenseurs des droits des femmes

En réponse à cette tribune et aux paroles du président, le 27 décembre, le collectif MeTooMedia a publié une contre-tribune dans Le Monde adressée directement à Emmanuel Macron. Dans celle-ci, les signataires pointent notamment du doigt un mépris pour les femmes qui ont porté plainte contre Gérard Depardieu comme Charlotte Arnould, et les victimes de violence sexuelle en général. « Vos propos témoignent de votre désintérêt pour la cause et d’une totale ignorance du champ des violences sexistes et sexuelles. Les victimes auraient mérité que leur courage soit salué. Au lieu de cela, vous avez préféré soutenir l’acteur populaire plutôt que la victime inconnue, sacrifiée sur le champ de votre admiration pour cet ’immense acteur ».

Cette tribune rappelle également que l’acteur est visé par trois plaintes pour viols et agressions sexuelles, et mis en examen pour viols depuis 2020 : « Comment les victimes de Depardieu peuvent-elles désormais réagir quand le président de la République, qui incarne l’autorité de l’État, nie leur parole, leur présomption d’innocence, leur souffrance ? »

Avant l’intervention d’Emmanuel Macron, peu avaient pris publiquement position, comme Anouk Grilberg qui affirmait le 11 décembre sur France Inter : « Il n’a pas attendu d’être en Corée pour être aussi vulgaire, aussi grossier, aussi agressif avec les femmes ».

Les voix s’élèvent pour dénoncer Depardieu

Depuis cependant, de manière individuelle, de nombreuses personnalités ont pris la parole pour s’insurger contre cette tribune et pour dénoncer à nouveau les comportements de Gérard Depardieu. Sophie Marceau s’est exprimée dans les colonnes de Paris Match avançant que « la vulgarité et la provocation ont toujours été son fonds de commerce ». L’actrice explique à nouveau pourquoi elle n’a plus jamais voulu tourner avec lui depuis le film Police de Maurice Pialat sorti en 1985. « J’ai dit publiquement à l’époque que je ne supportais pas son attitude, grossière et très déplacée. Beaucoup de gens se sont alors retournés contre moi en me faisant passer pour la petite peste. »

La comédienne Vahina Giocante elle aussi, s’est exprimée dans un long message posté sur Facebook dans lequel elle affirme avoir été témoin de nombreuses violences de la part de Gérard Depardieu, « Je ne peux plus taire d’avoir été le témoin de ce même homme tel Dr Jekyll et Mister Hyde la main dans la culotte d’une figurante pendant une prise, de voir le visage de cette femme rouge de honte essayant de serrer ses jambes pour empêcher les gros doigts de Gérard de tripoter son intimité. »

L’actrice Macha Méril sur le plateau de BFMTV a pointé du doigt les signataires « Ils ne réfléchissent pas mes camarades du show-business. Il y avait quand même des délicatesses à avoir. Un mot d’excuse de sa part à lui et de la part de tous ceux qui l’ont côtoyé et depuis des années, tolèrent son comportement. J’ai trouvé que vraiment, ce n’était pas digne, de nous, du cinéma français. » Un point de vue partagé et relativisé avec humour par Marilou Berry qui a écrit sur Instagram « Ils ne sont QUE 50, quand on regarde la liste de plus près, on sent bien qu’ils ont fait les fonds de tiroirs quand même. »

Guerre d’opinions, guerre de visions, ou guerre de générations disent certains, au vu de la moyenne d’âge des signataires de la pétition ? Comme le rappelle Jean-François Achilli sur France info, « début décembre, Emmanuel Macron a parlé d’envoyer un message d’unité aux Français ». Mais il aura surtout pour le moment réussi à diviser le cinéma français.

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