Accident de Pierre Palmade: qu'est-ce que le "chemsex" évoqué dans cette affaire?

Un policier indonésien montre une saisie de MDMA en 2019 (photo d'illustration) - Adek Berry-AFP
Un policier indonésien montre une saisie de MDMA en 2019 (photo d'illustration) - Adek Berry-AFP

"On n'a pas de sentiment de satiété, on a toujours envie de sexe." Parisien de 25 ans, Nicolas* a participé à plusieurs reprises à des sessions de chemsex. Issu des mots anglais "chemicals" - c'est-à-dire produits chimiques ou drogues - et "sex", le chemsex consiste à avoir des rapports sexuels sous l'emprise de produits psychoactifs.

Les chemsexeurs cherchent ainsi à se désinhiber, à augmenter le désir, le plaisir et la confiance en eux. "Ils espèrent se sentir plus performants sexuellement en prenant des drogues", indique le site Drogues info services. En général, il s'agit de "plans" à plusieurs, aussi appelés "plans chems" - ou "plans slam", quand la drogue est injectée par intraveineuse.

"On peut coucher avec quelqu'un pendant des heures et enchaîner les partenaires - cinq, six ou sept", continue le jeune homme. "Et c'est vrai que quand l'effet retombe, ça donne encore plus envie d'en reprendre."

Lui n'a plus pratiqué de chemsex depuis six mois et juge même la pratique "malsaine", "destructrice". "Une fois, j'ai eu une hallucination", se souvient-il. "J'ai vu le visage du mec se transformer en monstre. J'ai eu la peur de ma vie."

"Toutes les sensations sont décuplées"

Comme ce témoin, quelque 14% des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ont pratiqué le chemsex durant l'année précédente, selon le rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies publié en 2019. Pierre Palmade, qui a été testé positif à la cocaïne après son accident de voiture, et plusieurs jeunes hommes avec lesquels il faisait la fête auraient également consommé d'autres drogues souvent utilisées pour des session de chemsex.

Les chemsexeurs ont recours à des drogues stimulantes et euphorisantes, souvent prises en association - cathinones (4-MEC ou 3-MMC, des stimulants issus d'une sous-famille des amphétamines), des méthamphétamines, de la cocaïne, de la MDMA (également appelée ecstasy) ainsi que de la kétamine, du GHB et GBL.

Avec elles, "toutes les sensations sont décuplées", explique à BFMTV.com Laure Westphal, psychologue clinicienne spécialisée en addictologie qui travaille au groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris psychiatrie et neurosciences. "C'est un sentiment d'euphorie associé à un effet anesthésiant."

Le plus souvent, les usagers découvrent ces drogues dans un contexte sexuel. "Ils n'étaient pas toxicomanes avant mais c'est lors d'ébats à plusieurs qu'ils commencent à en prendre", ajoute la psychothérapeute, également enseignante à Sciences Po Paris. Et progressivement, ils augmentent les doses. Au point, pour certains, de ne plus pouvoir avoir de relations sexuelles sans drogues.

De nombreux risques pour les usagers

Ces produits ne sont pas sans danger pour la santé physique et mentale des consommateurs. Sida info service alerte sur les nombreux risques: problèmes cardiovasculaires ou cardiorespiratoires, dépendance, surdoses mais aussi perte de connaissance, attaques de panique, troubles dépressifs et idées suicidaires... Sans compter les risques de transmission d'IST.

"La prise de drogues est renouvelée, les effets peuvent ainsi durer deux, trois ou quatre jours", pointe Laure Westphal, autrice d'un article sur le sujet. Les consommateurs ne dorment plus, ne ressentent plus la fatigue, la faim ou la soif "et perdent la conscience de ce qu'ils font".

Drogues info service pointe également les risques pour "l'équilibre personnel". "Des risques de rupture sentimentale, de perdre leurs amis ou leur travail et de se retrouver isolés et en situation de grand mal-être."

Si Nicolas s'est "toujours interdit de ne pas dormir plus de vingt-quatre heures ou de manquer une journée de travail", il dit avoir déjà rencontré des consommateurs qui avaient basculé.

"Des mecs posent des vacances pour s'enfermer dans une maison et ne faire que ça pendant plusieurs jours. Je sais que certains ont perdu leur travail."

Les pouvoirs publics appelés à réagir

La consommation est d'autant plus facilitée que certains produits sont moins chers que la cocaïne et très faciles à se procurer. "Sur les réseaux sociaux ou les applications de rencontre, on m'en propose sans cesse", témoigne-t-il.

Jean-Luc Roméro, adjoint à la mairie de Paris et militant contre le Sida, dont le mari est mort après avoir consommé de la drogue lors d'une session de chemsex, a appelé sur BFMTV à une réaction forte des pouvoirs publics. "Ce n'est pas de moralisation dont a besoin mais d'en parler sérieusement et que le gouvernement joue son rôle."

Le magazine Têtu, qui a consacré un large dossier au sujet, estime ainsi que "la prise de conscience des autorités du problème sanitaire posé par le développement du chemsex", qui "s'étend d'ailleurs aujourd'hui progressivement hors de la communauté gay" – "est insuffisante". Et d'appeler, comme Jean-Luc Roméro, à des "politiques efficaces de prévention et de réduction des risques", à l'image de ce qui se fait pour la consommation d'alcool.

* Le témoin a été anonymisé, à sa demande.

Article original publié sur BFMTV.com