Évacuation des soldats français du Niger : comment va se dérouler le retrait des troupes ?

Des militaires français à Niamey, au Niger, le 14 mai.
ALAIN JOCARD / AFP Des militaires français à Niamey, au Niger, le 14 mai.

PUTSCH AU NIGER - Le compte à rebours a commencé. L’état-major des armées a annoncé ce jeudi 5 octobre que les troupes françaises stationnées au Niger allaient quitter le pays à partir de cette semaine, un peu plus de deux mois après le coup d’État mené le 26 juillet dernier contre le président Mohamed Bazoum.

« Nous allons lancer l’opération de désengagement dans la semaine, en bon ordre, en sécurité et en coordination avec les Nigériens », a indiqué l’état-major dans un communiqué. « Nous ferons ce qui est planifié, cela se déroulera conformément à la planification », ajoute-t-il, alors que le régime militaire a accusé la France de ne pas être « dans une logique de quitter le Niger » et semble peu enclin à laisser manœuvrer librement les soldats français en partance.

L’évacuation à venir avait été officialisée par Emmanuel Macron fin septembre, après des semaines de tensions avec la junte qui réclamait le départ des troupes et de l’ambassadeur Sylvain Itté. Le chef de l’État avait ainsi plié le 24 septembre, annonçant le départ des soldats français d’ici à la fin de l’année. L’ambassadeur avait, lui, quitté le pays 3 jours après la prise de parole du président de la République.

Mais le retrait français se présente comme un véritable défi logistique. Il concerne en effet non seulement 1 400 soldats, mais aussi tout le matériel appartenant à l’armée française. « Raison pour laquelle les militaires français avaient pris langue depuis quelques semaines avec leurs homologues nigériens pour préparer ce retrait », avait d’ailleurs souligné sur RFI Franck Alexandre, journaliste spécialiste des questions de défense.

L’espace aérien interdit aux avions français

Le Niger représente « 10 ans de vie opérationnelle dans le Sahel, et forcément, ça va prendre un peu de temps, parce que ce n’est pas un déménagement qui se fait comme ça en seulement quelques instants », avait aussi reconnu sur LCI le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu fin septembre.

Dans le détail, quelque 1 000 soldats et aviateurs français sont à l’heure actuelle déployés sur la base aérienne française de Niamey et 400 à Ouallam et Ayorou, dans le nord-ouest, aux côtés des Nigériens, dans la zone dite des « trois frontières » entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali, sanctuaire de la branche locale du groupe État islamique.

Les militaires déployés sur les bases avancées devraient être les premiers à se désengager. Un schéma similaire à celui du Mali, où le retrait français avait commencé par les trois emprises les plus au nord du pays.

Présence militaire française en Afrique de l’Ouest et centrale
AFP Présence militaire française en Afrique de l’Ouest et centrale

Problème : la veille de l’interview d’Emmanuel Macron, le Niger a interdit jusqu’à nouvel ordre l’accès des avions français à son espace aérien. Ce dernier « est ouvert à tous les vols commerciaux nationaux et internationaux à l’exception des avions français ou des avions affrétés par la France, dont ceux de la flotte d’Air France », indiquait un message publié sur le site de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar.

Ce communiqué précisait que l’espace aérien nigérien restait fermé pour « tous les vols militaires opérationnels et vols spéciaux » sauf autorisation spéciale des autorités. Difficile, dans ces conditions, d’évacuer les militaires par les airs pour le moment.

Plus de huit mois pour quitter le Mali en 2022

Autre défi pour Paris, faire sortir « tous les éléments lourds et volumineux comme les véhicules de combats, les aérogares mobiles, les hélicoptères » par la voie terrestre, a souligné Franck Alexandre sur RFI. À Niamey, l’enceinte française, située au sein d’une emprise nigérienne, accueille également des centaines de bureaux en préfabriqué, des tentes sur la base de vie, des cabines de pilotage pour les drones, des bulldozers du génie...

« Le matériel devrait être évacué à la fois par voie aérienne, et par voie terrestre, via le Bénin ou le Tchad », avait indiqué Sébastien Lecornu sur LCI. Problème, les discussions entre les autorités françaises et nigériennes sur ce sujet sont compliquées, a rapporté au Monde une source proche du dossier peu avant l’officialisation du départ français. Sans en dire plus sur ces blocages.

D’après l’AFP, en plus de l’interdiction visant les avions, le régime nigérien refuserait de laisser la France passer au Bénin par la voie terrestre. Dans ce contexte, rien n’est gagné, d’autant qu’Emmanuel Macron a donné seulement trois mois aux troupes pour se retirer. Comme le rappelle le quotidien du soir en guise de comparaison, le retrait des 5 000 soldats de l’opération Barkhane déployés au Mali avait débuté dès fin 2021 pour ne s’achever qu’en août 2022.

Et après, que va-t-il se passer pour les soldats français évacués ? Mystère, puisque le président de la République ne l’a pas précisé. Pour Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français de relations internationales (Ifri) et interrogé par Ouest-France, les militaires ne seront pas redéployés, mais « vont très probablement rentrer en France ». Signe que la présence française en Afrique n’a pas fini de se réduire comme peau de chagrin.

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