"Nous étions persuadés que ça arriverait": les DJ de Trinix, ou le succès patient

Josh et Loïs, les deux DJ du duo Trinix, tiennent une To-Do List. Un inventaire des objectifs à accomplir dans leur carrière dont chaque case cochée représente une nouvelle marche de leur ascension. Et après une petite décennie passée dans l'ombre, les deux artistes ont vu leur fiche bristol se noircir à une vitesse affolante au cours de l'année écoulée.

2023 leur a offert leur première grande tournée des festivals et leurs deux premiers singles d'or: The Magic Key, relecture du tube de One-T sorti en 2003, et Emorio, qui s'est fait une place en radio. Lors de la dernière édition des NRJ Music Awards, grand-messe annuelle de la pop francophone, ils ont cumulé deux nominations, dont celle de duo francophone de l'année (face aux stars du rap Bigflo et Oli, qui se sont imposés). Ils promeuvent actuellement un nouveau single, Born to Dance, et leur premier Olympia annoncé pour le 23 mars prochain affiche complet.

"On commence à peine à réaliser tout ce qui s’est passé", confie Loïs, 25 ans, à BFMTV.com. "On a eu une vidéo virale en décembre dernier et ensuite tout s'est tellement enchaîné qu'on a gardé la tête dans le guidon."

Difficile de parler de leur récent succès sans évoquer la vidéo grâce à laquelle tout s'est accéléré. Fin 2022, ils publient la pastille Beautiful Day, dans laquelle ils accompagnent de leur platine le chant a cappella de l'écolier jamaïcain Rushawn. Devenu un tube aux 40 millions d'écoutes sur Spotify, ce titre a propulsé leur compte TikTok qui cumule désormais 5,3 millions d'abonnés, soit plus que Bob Sinclar et à peine moins que David Guetta.

"On s'est retrouvé avec un demi-million de likes en 24 heures, on gagnait 1000 abonnés toutes les dix minutes" se souvient Josh, 30 ans. "Des stat' qu'on n'avait jamais faites jusque-là."

Les deux musiciens originaires de Vénissieux, en métropole de Lyon, n'en étaient pourtant pas à leur coup d'essai. Leur premier album, sorti en indépendants, date de 2014, et marquait lui-même l'aboutissement d'années d'un travail entamé dès leur enfance.

De l'école aux platines

Lorsqu'ils se rencontrent, Loïs est en CM2 et Josh est l'ami de son grand frère. Le plus jeune suit une scolarité aménagée pour étudier la musique classique tandis que son aîné bidouille déjà les platines. Leur amitié se développe au fil des ans en même temps que leur complémentarité musicale s'affirme: "C'était un vrai échange", raconte Josh. "Loïs m'apportait pas mal parce qu'il connaissait bien le solfège, là où j'avais de grosses lacunes, et je lui apprenais des trucs de mon côté."

Puis ils commencent à publier des morceaux sur des plateformes à destination de leurs proches, en mettant leur orgueil de côté pour recueillir leurs avis: "On pensait vraiment que c'était de la bonne musique, alors que c'était de la merde", rigole Josh. "Au début, les retours étaient négatifs. On ne comprenait pas, alors on leur demandait des précisions. Et petit à petit, comme ça, on s'est perfectionnés. On apprenait."

De nouvelles perspectives s'ouvrent à eux le jour où ils reçoivent un relevé de Spotify, qui les informe à leur grande surprise d'un paiement de 63 euros. "C'est là qu'on a commencé à cogiter et qu'on s’est dit qu'on allait vraiment se perfectionner, monter un groupe et s'y consacrer."

Quelques années d'avance

Ils apprennent tout sur le tas: le responsable d'une petite salle où ils veulent se produire leur demande des portraits et un texte de présentation? "On t'envoie ça demain", lui répondent les deux garçons avec assurance, avant de se prendre en photo eux-mêmes et de rédiger quelques lignes en catastrophe.

Lentement mais sûrement, ils posent leurs jalons. Lorsqu'ils commencent à étendre leur activité aux réseaux sociaux, vers 2018, c'est avec l'objectif réfléchi de pallier un problème propre aux artistes électro: l'absence d'incarnation. "Un chanteur, c'est lui qui interprète, on le reconnaît. Dans la musique électronique, on peut trouver des morceaux à un milliard d'écoutes sur Spotify, et personne ne peut reconnaître l'artiste."

Ils se lancent sur l'application musical.ly, appelée à devenir TikTok, malgré le scepticisme de leurs quelques contacts dans la musique:

"Ils nous disaient: ça n’a aucun sens de vous faire passer pour des influenceurs! Ça n’a rien à voir, vous n'êtes pas YouTubeurs!".

En réalité, ils avaient quelques années d'avance sur leurs confrères: "Aujourd'hui, ce sont les labels qui demandent à leurs artistes de promouvoir sur TikTok", s'amuse Loïs. Et quand le confinement arrive et que TikTok devient un phénomène mondial, les deux jeunes DJ sont déjà en place, avec près de 100.000 followers.

Courtisés par un géant

S'ensuit quelques années plus tard le succès qu'on leur connaît, qui leur apporte l'intérêt des radios et du milieu. Josh et Loïs ont reçu des messages d'encouragement de Nicky Jam, David Guetta, Aya Nakamura, Christophe Maé... et même Steve Aoki, l'un des géants mondiaux de la musique électro, qui leur demande de lui envoyer des propositions de morceaux.

"On lui a envoyé une première démo, il nous a répondu: 'Ouais, c'est cool', mais quand la personne ne te relance pas, c'est que ce n'est pas si cool que ça", se souvient Josh.

Fidèles à leur détermination, les deux garçons renvoient des propositions: une, puis deux... puis un remix de Locked Up, le premier tube d'Akon, qui provoque enfin l'enthousiasme d'Aoki. Il contacte Akon directement, et celui-ci file en studio réenregistrer sa voix. Et c'est ainsi qu'est née, l'été dernier, la collaboration de Trinix avec les deux superstars américaines.

Mais les réseaux sociaux, fantastique vitrine pour les jeunes artistes, peuvent aussi devenir une prison. C'est pourquoi, très vite, Trinix a voulu "se recentrer sur la musique et les concerts": "C'est pour ça qu'on s'est dit que c'était le moment pour nous de faire un Olympia", explique Loïs. "Pour montrer qu'on ne fait pas que des vidéos sur Internet. C'est bien de faire des millions de likes mais nous, ce qui nous fait vraiment kiffer, c'est la vraie vie: remplir les salles et voir les gens."

"On a tout fait au jour le jour"

Il aura fallu dix ans à Trinix pour enfin goûter à la notoriété. "En dix ans, il y a des moments qui sont longs", reconnaît Josh. "Mais nous étions persuadés que ça arriverait", sourit Loïs. "On était peut-être un peu fous. Même notre entourage ne comprenait pas."

"C'est drôle: maintenant, les jeunes se lancent souvent tout d’un coup", poursuit-il. "Ils arrivent et ils ont des musiques prêtes, leur nom, une idée d’où ils vont. Nous on ne savait absolument pas où on allait. On a tout fait au jour le jour. Je pense qu'il n'y aura jamais de gros 'boum' pour nous, parce qu’on construit notre projet petit à petit. On pose les briques une par une."

Car il reste de nombreuses cases à cocher sur leur To-Do List. Se produire au prestigieux festival californien de Coachella, par exemple. "Celui-là, c'est sûr. D'ici deux à quatre ans", lâche Josh, avec leur assurance dans laquelle on ne décèle aucune trace d'arrogance. "Et puis remplir un Madison Square Garden à New York". "Un peu plus relou, celui-là", plaisante Loïs. On se doute qu'ils patienteront; ils ne sont pas à dix ans près.

Article original publié sur BFMTV.com