Éric Ciotti, de l'ombre de Christian Estrosi à la présidence des Républicains

Eric Ciotti le 17 septembre 2022 à La Ciotat - Clement MAHOUDEAU / AFP
Eric Ciotti le 17 septembre 2022 à La Ciotat - Clement MAHOUDEAU / AFP

Une élection attendue mais qui s'est finalement jouée à peu de choses. Éric Ciotti vient d'être élu d'une courte tête des Républicains avec 53,7% des voix face à Bruno Retailleau. Invité du 20 heures de TF1 après sa victoire, Éric Ciotti s'est voulu le garant du rassemblement pour sa famille politique. "Nous allons travailler dans l’unité, dans la clarté, c’est ça que je veux proposer pour redresser le pays", a-t-il déclaré.

Longtemps dans l'ombre de Christian Estrosi, cette élection a tout d'un aboutissement pour celui qui s'était qualifié à la surprise générale en tête pour le second tour de la primaire LR.

Si le député des Alpes-Maritimes devrait désormais mettre le cap sur 2027 et la candidature de Laurent Wauquiez à la présidentielle, son parcours marqué par sa constance aux idées sécuritaires commence d'abord sous le patronage de Christian Estrosi.

"Coup de foudre" avec Estrosi

À 57 ans, Éric Ciotti est un pur produit de la politique niçoise, tombé dans la marmite à 10 ans lorsqu'élève à l'école primaire, il assiste à son tout premier conseil municipal dans son village natal, à Saint-Martin-Vésubie, sur les hauteurs de Nice.

C'est Gaston Franco, maire de cette petite commune et figure influente du RPR local, qui lui présente à 23 ans celui qui sera son mentor, son ami et son pygmalion, Christian Estrosi.

Le député de Nice, fraîchement élu, cherche alors un assistant parlementaire. Tout juste diplômé de Sciences-Po, le jeune homme prépare le concours de l'ENA. Après un "vrai coup de foudre" comme le rapporte Le Journal du dimanche, le vingtenaire lâche les études et le rejoint à l'Assemblée nationale.

C'est le début d'un long compagnonnage politique qui dure plus de trente ans, de la mairie niçoise au Palais-Bourbon en passant par les ors des ministères.

"Monsieur sécurité"

En 2007, quelques semaines après la victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, Éric Ciotti réalise son rêve: devenir député. L'élu se consacre dès lors aux sujets sécuritaires et devient 18 mois plus tard le secrétaire national chargé de la sécurité de l'UMP, un poste clé à l'époque.

De quoi permettre au "monsieur Sécurité" de la droite de porter à l'Assemblée nationale de nombreux textes et de se faire une place dans les médias - un sujet qu'il ne lâchera plus. Si certains sont adoptés comme celui sur les violences en bande, l'encadrement militaire des mineurs délinquants ou encore la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire prolongé, d'autres sont jugés inconstitutionnels.

En 2010: tournant. Après trois décennies d'amitié, l'ambiance tourne à l'orage entre Éric Ciotti et Christian Estrosi qui vient d'être écarté du gouvernement Fillon. Le député se met alors au service de sa propre boutique avec le rêve de devenir ministre de l'Intérieur. En 2017, il soutient Nicolas Sarkozy en vue de la primaire de la droite avant de se ranger derrière François Fillon, vainqueur de ce scrutin.

Une qualification surprise à la primaire

Après la défaite de la droite, alors que plusieurs pontes des LR se tournent vers Emmanuel Macron comme Christian Estrosi ou Renaud Muselier, le patron de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le Niçois fait le choix de l'opposition franche. Jusqu'à la primaire interne de la droite à l'automne 2021 avec un vrai succès.

Si Xavier Bertrand se voyait déjà la gagner - et poussait pour ne pas passer par un système de départage - c'est lui qui se qualifie au second tour face à Valérie Pécresse. Personne n'avait vu venir cette affiche. Le parlementaire sait que son positionnement politique paie, tout comme le fait d'être l'homme fort de la puissante fédération des Alpes-Maritimes, mobilisable pour voter en sa faveur.

Malgré sa défaite face à la présidente de la Région Île-de-France, il ne s'abîme pas dans la présidentielle. Mieux encore : le famélique score de Valérie Pécresse lui offre un espace pour conquérir un parti très abîmé.

L'outsider devenu favori

En juillet dernier, à peine un mois après que Christian Jacob a annoncé son départ de la présidence de LR, Éric Ciotti se déclare candidat à sa succession. Dans Nice-Matin, il se félicite de son récent "succès inattendu" à la primaire interne et affiche son ambition: "aller plus loin".

Cette fois, aucun poids lourd comme Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand ne lui fait face. Avec Aurélien Pradié, numéro 3 du parti, et Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, comme adversaires, l'élu sudiste s'avance désormais avec un nouveau statut. Il troque son costume d'outsider contre celui de favori.

Autant un symbole d'ascension pour cet apparatchik que la représentation de la longue dégringolade d'un parti où plus grand monde ne se presse au portillon pour prendre les commandes d'un navire à la dérive.

Une campagne plus prudente

Pour sa nouvelle campagne, Éric Ciotti avance avec davantage de parcimonie. Pas de proposition type "Guantanamo à la française", cette fois. Il est favori, c'est le jeu. Pour autant, le député ne change pas son positionnement. Sa jambe régalienne est toujours aussi musclée. L'accueil de l'Ocean Viking et ses 234 migrants en France? Une "bérézina", cingle-t-il sur LCI le 21 novembre lors d'un débat avec Aurélien Pradié et Bruno Retailleau.

Avant d'aller plus loin en estimant que dans cette affaire, "c'est Italie 1, France 0". Comme lors de la primaire 2021, le parlementaire sort quelque peu de ses habits de "Monsieur sécurité", en proposant également une approche économique résolument libérale. Il se différencie de ses deux concurrents en promettant que Laurent Wauquiez sera le candidat de la droite s'il est élu à la tête de LR. Une façon de surfer sur la popularité du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, mais aussi d'enterrer le système des primaires.

Pour Éric Ciotti, le plus dur commence. Il lui faudra relever un parti tout juste sorti d'une bérézina historique à la dernière présidentielle et qui peine à trouver sa place entre la macronie et l'extrême droite. "Aujourd'hui, on bouge encore et on a des forces, des convictions, des territoires, des militants", relevait l'élu sur LCI à la fin novembre. Pour l'avenir ? " C'est en 2027 qu'on verra si on est mort ou pas", pariait Éric Ciotti.

Article original publié sur BFMTV.com