Avec les émeutes, Les Républicains parlent comme l’extrême droite identitaire

Bruno Retailleau et Éric Ciotti photographiés en semble à La Ciotat en 2022 (illustration)
Bruno Retailleau et Éric Ciotti photographiés en semble à La Ciotat en 2022 (illustration)

POLITIQUE - Si l’union des droites n’existe pas électoralement, Les Républicains la font vivre dans le débat public à l’aune des émeutes qui ont secoué le pays après la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre (Hauts-de-Seine). Toute la semaine, les hauts responsables du parti de la droite dite « républicaine » ont multiplié les positions radicales, empruntant tant au langage du Rassemblement national qu’à celui d’Éric Zemmour.

Dès lundi 3 juillet, Éric Ciotti n’a pas exclu de participer à la cagnotte en soutien du policier qui a tué Nahel lancée par le polémiste Jean Messiha, ex-conseiller de Marine Le Pen et ancien porte-flingue d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle. Et ce, en dépit de l’objectif ouvertement politique de cette initiative, jugée indécente par la majorité, la gauche et la famille de l’adolescent qui a perdu la vie.

Retailleau et les « origines ethniques »

Deux jours plus tard, on a entendu Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, évoquer sans complexe un phénomène de « régression vers les origines ethniques » de la part des émeutiers, qui ne sont Français que « par leur identité ». Soit l’application du concept des « Français de papiers » qui, dans le lexique de l’extrême droite, distingue en qualité les Français « de souche » à ceux naturalisés ou issus de l’immigration.

À la décharge de Bruno Retailleau, Valérie Pécresse, alors en pleine dérive électorale dans un contexte où Éric Zemmour était haut dans les sondages, avait déjà utilisé l’expression lors de son meeting laborieux au Zénith de Paris durant la présidentielle. Dans le même registre, la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio s’est également illustrée sur ce thème en évoquant les émeutes.

« Oui, vous allez me dire que la plupart des gens qui ont été arrêtés sont Français, d’accord. Mais ça ne veut plus rien dire, aujourd’hui. Ils sont Français comment ? Moi, ça m’interroge », a-t-elle déclaré, en demandant au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, d’avoir « l’honnêteté de dire que la plupart des jeunes qui ont commis des exactions depuis 4-5 jours sont issus de l’immigration ». Ce à quoi l’intéressé a répondu qu’il y avait aussi beaucoup « beaucoup de Kevin et de Mathéo » parmi les jeunes placés en garde à vue durant les émeutes (ce que corrobore une liste consultée par BFMTV).

Sur les réseaux sociaux, Nadine Morano est allée (comme souvent) plus loin dans le franchissement de la digue censée séparer la droite et l’extrême droite. Sur son compte Twitter, elle a partagé l’alerte faite dans Le Figaro par Pierre Brochand, retraité depuis 15 ans de la DGSE. Un texte virulent dans lequel ce conseiller officieux d’Éric Zemmour voit dans les émeutes le résultat « d’une immigration de peuplement massive ». Ce qui renvoie à la théorie raciste et conspirationniste du « grand remplacement » popularisée par l’essayiste d’extrême droite Renaud Camus, qui compte quelques adeptes au sein du parti de droite, dont son président Éric Ciotti.

Soucieux de prendre à défaut la Macronie sur l’ordre et la sécurité, Les Républicains ont présenté jeudi 6 juillet leur « plan pour rétablir l’ordre public » particulièrement dur, prévoyant notamment la déchéance de la nationalité pour les criminels binationaux, la baisse de la responsabilité pénale à 16 ans ou la mise en place d’une responsabilité pénale des parents de mineurs délinquants qui ne respecteraient pas « leurs obligations judiciaires à la suite d’une condamnation ». Autant de propositions que l’on trouvait auparavant dans le catalogue de l’extrême droite et qui se heurtent — fort logiquement — au bloc de constitutionnalité.

Quand les jeunes LR flirtent avec la « remigration »

En parallèle, Les Jeunes Républicains empruntaient sur les réseaux sociaux des codes qui n’ont rien à envier à ceux du Rassemblement national ou de Reconquête, en érigeant le retour en avion pour les délinquants étrangers dans leurs pays d’origine comme la solution idéale. Le tout, avec un mimétisme graphique particulièrement éloquent, comme le montre la comparaison ci-dessous.

D’autant plus éloquent que l’avion est le symbole utilisé depuis des années par toutes les extrêmes droites européennes, y compris les groupuscules les plus radicaux, pour promouvoir leur projet de « remigration ». Un retour contraint dans le pays d’origine que préconisait notamment Éric Zemmour durant la présidentielle. Des références qui ne gênent manifestement pas la direction des Républicains, puisque le visuel est toujours en ligne.

Non sans un retour de bâton pour la formation dirigée par Guilhem Carayon. Puisque dès la publication de ce tweet, la branche jeunesse du Rassemblement national n’a pas manqué d’ironiser sur le même réseau social : « Parler comme le RN, gouverner comme le PS ». Si même l’extrême droite le dit…

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